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Déclaration de l’Alliance pour la Souveraineté Alimentaire de l’Amérique Latine et des Caraïbes.

Déclaration de l’Alliance pour la Souveraineté Alimentaire des Peuples d’Amérique Latine et des Caraïbes dans le cadre de notre troisième Assemblée Régionale


L’Alliance pour la Souveraineté Alimentaire des peuples d’Amérique latine et des Caraïbes s’est réunie à Santiago du Chili du 25 au 27 février 2024 pour sa troisième Assemblée Continentale afin d’analyser le contexte social, culturel, économique, environnemental et politique actuel de la région, qui affecte nos peuples et nos territoires.

Nous avons rencontré 20 organisations continentales et régionales membres de l’Alliance et des organisations alliées issues de divers secteurs de production alimentaire (agriculture familiale, paysans, éleveurs, pêcheurs artisanaux, récolteurs, jeunes, femmes et peuples autochtones), ainsi que plus de 60 délégués de 16 pays de la région.

Nous sommes alarmés par la croissance et l’approfondissement de crises multiples, marquées par une violence systémique sur l’ensemble du continent, exposant, entre autres, la complicité des autorités et l’émergence croissante du trafic de drogue. En particulier, nous sommes préoccupés par l’assujettissement des systèmes alimentaires à travers l’accaparement par les entreprises des espaces de décision politique, des récits sociaux et des territoires eux-mêmes, ce qui affecte systématiquement la participation des peuples et la vie dans leurs territoires. La progression de ces modèles économiques extractivistes renforce l’action prédatrice des ressources naturelles, telles que la biodiversité et les systèmes bioculturels en contact avec la Terre Mère, promouvant les migrations forcées, en particulier des jeunes et des femmes.

Au niveau des accords internationaux, les reculs dans la mise en œuvre des droits de l’homme s’ajoutent à l’aggravation du patriarcat, du racisme et du colonialisme. Après des décennies de lutte, de plaidoyer et de recommandations politiques aux gouvernements de la région, nous considérons que nos voix ne sont pas entendues et que nos droits ne sont pas garantis par les institutions.

Nous exprimons une inquiétude particulière quant aux politiques et pratiques de l’Organisation mondiale du commerce, qui sont contraires aux intérêts des producteur·trice·s d’aliments sains, principaux acteurs de l’activité économique la plus importante pour l’humanité, à savoir les aliments qui garantissent la vie humaine. C’est pourquoi nous réaffirmons les principes qui régissent notre vision politique, parmi lesquels nous soulignons : la solidarité, l’égalité avec la justice sociale, politique, économique et environnementale ; le respect de la dignité humaine et des relations de pouvoir horizontales ; l’autonomie de décision et d’action ; le soutien mutuel ; la revalorisation des savoirs ancestraux ; le Bien Vivre et les soins comme centre de la reproduction de la vie.

Nous ratifions que l’Agroécologie est la solution pour garantir la Souveraineté Alimentaire de nos peuples en tant que paradigmes qui, en plus de promouvoir un système agroalimentaire diversifié provenant de nos territoires, prennent en compte la spiritualité, les cosmovisions, le travail intergénérationnel, la pleine participation des femmes et des jeunes, les féminismes populaires, paysans et communautaires.

Nous demandons que les États de la région garantissent :

Autour des territoires :

  • Le droit à la gouvernance et à la gestion des terres, des eaux et des territoires, y compris les territoires marins et côtiers, les rivières, les lagunes, les lacs et les mers, avec des mesures visant à protéger les biens communs pour la Souveraineté Alimentaire des peuples, en garantissant le consentement préalable, libre et éclairé en tant que droit de l’homme collectif ;
  • L’élimination de toutes les formes de criminalisation des défenseurs, des militant·e·s et des dirigeant·e·s des peuples, en garantissant le droit à la mobilisation sociale et populaire ; l’adoption de mesures pour lutter contre l’accaparement des terres, des territoires et des mers, l’exploitation minière industrielle et les grands projets qui provoquent des déplacements et des migrations forcées, entre autres ;
  • La mise en œuvre d’actions, de politiques et de programmes efficaces face aux crises alimentaires, sociales, économiques, écologiques et climatiques dans les communautés et les territoires ;
  • Assurer le droit à la libre circulation des personnes et garantir des conditions de vie et de travail dignes et adéquates aux migrant·e·s.

Autour des femmes et des jeunes en tant que sujets prioritaires

  • L’égalité des genres et les diversités non hétéronormatives, dans une perspective intersectionnelle, l’économie féministe et les soins pour la durabilité de la vie, associés à des mesures concrètes pour lutter contre le machisme et le patriarcat ; la mise en œuvre de politiques qui garantissent le droit à un travail décent et à l’emploi dans la production alimentaire, en mettant l’accent sur l’inclusion socioprofessionnelle qui permet aux femmes et aux jeunes de s’enraciner dans leurs territoires ;
  • La reconnaissance du leadership des femmes et des jeunes et la pleine participation à la voix des femmes et de la jeunesse.

Autour des systèmes agroalimentaires

  • Le financement de l’agriculture familiale, paysanne, indigène, pastorale, de la pêche et de récolte artisanale, dans le cadre du processus de transition vers l’Agroécologie, en garantissant un système ou un processus de gouvernance qui donne la priorité aux connaissances traditionnelles des systèmes agroalimentaires qui inclut l’élaboration et la mise en œuvre participatives de politiques de soutien économique, technique et économique, avec une approche de genre, générationnelle et socio-environnementale ;
  • La mise en œuvre de programmes qui répondent aux besoins sociaux, culturels, économiques et environnementaux des peuples, en renforçant les marchés solidaires, les circuits courts de commercialisation et les relations rurales-urbaines qui entretiennent le dialogue entre les producteurs et les consommateurs ;
  • L’élimination des pesticides et des produits agrochimiques dans l’agriculture, la pêche et l’élevage industriel, en garantissant le droit à la santé des peuples, de l’eau, des biomes et de leurs territoires ;
  • Le droit des communautés sur l’utilisation, la production, le stockage, la conservation et l’échange des semences autochtones et créoles, qui à leur tour, sont considérées comme un bien commun des peuples au service de l’humanité et ne devraient donc pas être soumises à l’application de toute forme de propriété intellectuelle ;

Autour des réglementations et des accords internationaux

  • La mise en œuvre de la Déclaration sur les droits des paysan·ne·s et autres personnes travaillant dans les zones rurales, la Convention 169 de l’OIT, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples indigènes, les Directives volontaires sur la gouvernance de la terre, de la pêche et des forêts, la Décennie des Nations unies pour l’agriculture familiale, les Directives volontaires sur le genre et l’autonomisation des femmes et des filles, parmi d’autres accords internationaux au sein des Nations unies.

Dans le contexte de ces conflits territoriaux au niveau continental et mondial, nous souhaitons exprimer notre solidarité avec deux causes :

  • Au Chili, face à l’ethnocide perpétré contre le peuple mapuche, par l’expropriation de ses territoires ancestraux, la criminalisation et l’emprisonnement de ses dirigeants, le condamnant à une vie marginale et exclusive. iAmulepe weichan pu peñi pu lamgen we waiñ ! (La lutte continue, frères et sœurs, nous vaincrons !)
  • Nous sommes également solidaires du peuple palestinien et rejetons tous les actes d’oppression, de domination, de ségrégation et de génocide imposés par l’État d’Israël dans le cadre de l’occupation de son territoire, de l’apartheid et des attaques brutales perpétrées, en particulier contre les femmes et les enfants palestiniens.

Nous appelons les mouvements sociaux, les réseaux et les organisations populaires à renforcer la lutte pour la vie et pour la Souveraineté Alimentaire basée sur l’Agroécologie et l’autodétermination des peuples de notre région.

Nous unissons nos forces pour marcher vers la grande rencontre Nyéléni 2025.

Souveraineté alimentaire maintenant !

Souveraineté alimentaire des peuples !

Santiago du Chili le 27 février 2024