Biodiversité et ressources génétiques

Document de la III Conférence Internationale de La Via Campesina
Il est actuellement question à travers le monde de sujets étroitement liés à notre vie quotidienne et à notre action paysanne tels que la régulation et l’utilisation de la biodiversité, l’utilisation et la conservation des ressources génétiques et la libération dans l’environnement des organismes transgéniques qui affectent la santé de la population, le milieu rural et l’économie paysanne. Les organismes internationaux responsables de ces matières se trouvent confrontés à une alternative fondamentale : soit ils optent pour l’utilisation rationnelle et intelligente des ressources naturelles pour un développement durable, soit, sous la pression du libre marché, ils se soumettent à la domination du capital financier et abandonnent la sécurité alimentaire.

En raison de la mondialisation, les décisions prises sur le plan international seront très probablement reprises dans les législations de chacun de nos pays. Dans cette situation, Vía Campesina se trouve confrontée à deux grands défis : premièrement, elle doit défendre les principes de l’organisation et du modèle de développement rural avec les paysans, et deuxièmement, elle doit représenter dans ces espaces internationaux les organisations locales et nationales qui ne pourraient pas le faire de manière isolée.

C’est pour cette raison que La Via Campesina est encore plus nécessaire dans un monde globalisé.

Biodiversité : la vie en de bonnes mains
Pour La Via Campesina, la biodiversité se base fondamentalement sur la reconnaissance de la diversité humaine, l’acceptation du fait que nous sommes tous différents et que chaque peuple, chaque individu, détient la liberté de penser, la liberté d’être. Vue sous cet angle, la biodiversité ne concerne pas uniquement la flore et la faune, le sol, l’eau et les écosystèmes ; elle s’applique également aux cultures, aux systèmes productifs, aux relations humaines et économiques ainsi qu’aux formes de gouvernement. Par essence, la biodiversité, c’est la liberté.

La diversité consiste en notre manière de vivre. À l’instar de la diversité végétale qui nous fournit des aliments, des remèdes et un habitat, la diversité humaine nous donne la richesse culturelle grâce à ses populations de conditions différentes, ses idéologies et ses religions. Par conséquent, nous devons éviter que l’on nous impose des modèles où ne prédominent qu’une seule manière de vivre ou qu’un seul modèle de développement.

Nous nous opposons à la privatisation et au brevetage du matériel génétique qui est à l’origine de la vie, de l’activité paysanne et de l’activité indigène. Les gènes, c’est-à-dire la vie, appartiennent la vie même. Nous, les paysans, nous l’avons défendue, nous en avons pris soin et l’avons protégée, comme s’il s’agissait d’un enseignement clair transmis de génération en génération, avec un profond respect pour la nature. Nous sommes ceux qui réalisons l’amélioration génétique des plantes. Dès lors, notre principal apport est l’évolution de chacune des espèces.

La richesse biologique et la richesse naturelle se concentrent dans les pays dits “en développement” et principalement dans ceux situés sur les tropiques. Elles sont toujours sous la protection de communautés paysannes ou indigènes. Culture et biodiversité se développent toujours de manière associée conjointe.

Paysannes et paysans ainsi que petits agriculteurs, pêcheurs et artisans, peuples indigènes et communautés noires, nous sommes ceux qui avons conservé, créé et entretenu de manière durable la biodiversité agricole au cours de l’histoire. Cette biodiversité fut, est et sera la base même de toute l’agriculture.

Par conséquent, La Via Campesina propose :
1. La reconnaissance de biodiversité comme un élément de base de la SECURITE ALIMENTAIRE. Celle-ci constitue un droit fondamental des peuples, un droit non négociable. Ce droit doit prévaloir sur les directives de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Nous devons retourner aux origines qui enseignent que l’homme a développé l’agriculture pour répondre à ses besoins alimentaires. Aujourd’hui, 800 millions de personnes dans le monde connaissent la faim. Pour résoudre ce problème, nous devons utiliser les aliments locaux que nous offre la diversité, soutenir les marchés locaux et utiliser la recherche scientifique et les technologies de manière plus équitable.

2. Un moratoire sur la bioprospection, (exploitation, prélèvement, accumulation, transport et modification de matériel génétique) ainsi que sur l’accès aux ressources génétiques et aux connaissances des communautés paysannes et indigènes relatives à ses ressources. Ce moratoire devrait rester en vigueur tant qu’aucun mécanisme ne protège les droits de nos communautés en contrôlant et en empêchant la biopiraterie.

3. La protection et la promotion des DROITS DE L’AGRICULTEUR sur les ressources génétiques, l’accès à la terre, au travail et à la culture. Ceci doit passer par un large processus d’information et de participation des acteurs de la biodiversité. Il faut pour cela mettre en place des mécanismes de consultation et de surveillance permanents avec les organisations de producteurs, les organisation indigènes et les communautés.

Les ressources génétiques, les droits des agriculteurs et les communautés rurales
L’importance et l’évolution des ressources génétiques

Pour nous, les semences constituent la quatrième ressource que nous offre la nature. Après la terre, l’eau et l’air, les ressources génétiques sont un élément de base de la production d’aliments, de vêtements, d’habitations, de combustibles, de médicaments. Elles permettent également de garantir l’équilibre écologique et l’esthétique rurale. Tous ces aspects sont de grande importance pour nous et pour les consommateurs.

Depuis que l’homme a créé l’agriculture, il y a plus de 10 000 ans, les paysans ont protégé et préservé la diversité génétique. Nous avons sélectionné les variétés les plus productives et amélioré les moins efficaces.

De génération en génération, nous avons assuré la sauvegarde, la conservation et la création de nouvelles variétés ; les ressources génétiques étant ainsi considérés comme relevant de la responsabilité des producteurs ruraux. Au milieu du siècle, après la seconde guerre mondiale, la population urbaine a connu une forte croissance en comparaison avec la population rurale. Les organismes internationaux se sont alors emparés du problème alimentaire. La production d’aliments fut aussi prise en charge par les gouvernements et diverses institutions. C’est alors qu’apparu ce qu’on a appelé la révolution verte. Les entreprises agroalimentaires grandirent rapidement et les sociétés productrices d’intrants et de semences prirent de la valeur, rendant ce secteur économique assez rentable.

Ensuite, on trouva de nouvelles utilisations aux ressources génétiques. Le Projet sur le génome humain vit le jour et la biotechnologie se lança dans les manipulations génétiques sur les plantes, les animaux et les êtres humains.

Aux des différentes étapes expliquées ci-dessus correspondent diverses régimes de propriété des ressources génétiques. Avant l’irruption des entreprises multinationales, les ressources génétiques étaient considérées comme faisant partie du patrimoine de l’humanité. Elles étaient reconnues comme telles dans les accords internationaux. Dans ce contexte, les producteurs se virent reconnaître les droits des agriculteurs sur les ressources génétiques. Par la suite, les entreprises productrices de semences et d’intrants, ainsi que certains sélectionneurs de plantes firent pression pour que les droits des obtenteurs (sélectionneurs de plantes) soient protégés. Ils créèrent l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV). Actuellement, un grand nombre de recherches conduites dans le secteur des biotechnologies sont mises en œuvre sur le principe des brevets protégés par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) et l’Organisation mondiale du commerce. Désormais, les matières vivantes sont régies par des régimes similaires à la propriété industrielle.

En tant que paysans, nous sommes conscients d’avoir le droit souverain d’exploiter nos ressources, tout en assurant une gestion saine de l’environnement. Nous considérons également avoir la faculté de participer à la régulation de l’accès aux ressources génétiques.
Nous savons que l’Organisation mondiale du commerce prépare une révision de ses accords en novembre 1999. Certains de ceux-ci imposent aux pays membres la reconnaissance des brevets sur les produits agricoles.

Nous proposons la négociation d’une clause sociale au sein de l’OMC, de l’OMPI et des accords régionaux de libre-échange, par laquelle les aliments et les connaissances relatives à la vie soient traités selon une logique humaine de développement et non selon la logique dévastatrice du libre marché.

Les droits de l’agriculteur et des communautés rurales
Nous demandons la pleine reconnaissance des droits de l’agriculteur, droits que nous ne pouvons expliquer que par l’histoire et la diversité. Ces droits dépassent le cadre juridique de la propriété intellectuelle. Il s’agit en effet de droits reconnus par les gouvernements et les peuples du monde entier dans la résolution 5-89 de la FAO, la Convention 169 de l’Organisation internationale du travail, l’article 8-J de la Convention sur la diversité biologique et le point 14.60 de l’Agenda 21, signé par les chefs d’Etat de presque tous les pays du monde. Ainsi, populations et communautés paysannes et indigènes, nous réclamons le droit à la propriété de la vie. Nous reconnaissons la grande diversité végétale et humaine mondiale et nous soutiendrons le développement de réglementations et de législations nationales nécessaires à la protection des ressources génétiques, via le respect et la mise en œuvre des droits de l’agriculteur.

Proposition de La Via Campesina sur les droits de l’agriculteur
1. Les droits de l’agriculteur ont un caractère profondément historique, ils existent depuis que l’homme créa l’agriculture pour répondre à ses besoins. Nous les avons maintenus en conservant la biodiversité, nous les entretenons en créant en permanence de nouvelles ressources et en les améliorant. Nous sommes ceux qui protégeons les ressources génétiques et qui aidons à l’évolution des espèces. Nous sommes les dépositaires des efforts et des connaissances des générations qui ont créé cette richesse biologique. En conséquence, nous exigeons la reconnaissance de nos droits.
2. Les droits de l’agriculteur comprennent les droits sur les ressources ainsi sur les connaissances qui leur sont liées de manière indissociable. Cela signifie l’acceptation du savoir traditionnel, le respect des cultures et la reconnaissance que ces dernières constituent la base des connaissances.
3. Le droit de contrôler et de décider de l’avenir des ressources génétiques, le droit de définir le cadre juridique de la propriété de ces ressources.
4. Les droits de l’agriculteur sont de caractère éminemment collectif. Dès lors, ils doivent relever de cadres juridiques différents de ceux qui réglementent la propriété privée et la propriété intellectuelle.
5. Ces droits devront être appliqués au niveau national. Il faut promouvoir des législations en la matière, tout en respectant la souveraineté de chaque pays d’établir des lois locales sur base de ces principes.
6. Le droit de disposer des moyens nécessaires à la conservation de la biodiversité et à la réalisation de la sécurité alimentaire. Cela comprend les droits territoriaux, le droit à la terre, à l’eau et à l’air.
7. Le droit de participer à la définition, à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques et des programmes liés aux ressources génétiques.
8. Le droit aux technologies appropriées, ainsi qu’à la participation aux programmes de recherche, de leur conception à leur gestion.
9. Le droit de décider en matière de contrôle et de gestion des bénéfices dérivés de l’utilisation, de la conservation et de la gestion de ces ressources.
10. Le droit d’utiliser, de choisir, de conserver et d’échanger librement les ressources génétiques.
11. Le droit de développer des modèles d’agriculture durable qui protègent la biodiversité et d’influencer les politiques qui les gouvernent.

Propriété intellectuelle
Nous nous opposons à la propriété intellectuelle sur n’importe quelle forme de vie. Nous voulons élever comme principe universel l’idée que les gènes, en tant qu’essence même de la vie, ne peuvent avoir de propriétaire. Le seul propriétaire de la vie est celui qui la porte, la détient, la vit, l’alimente et la conserve.

Il est aberrant que le matériel génétique maintenu en vie et protégé par les paysans et les populations indigènes pendant plus de 10 000 ans puisse maintenant devenir la propriété d’une entreprise. Et que nous ayons à payer des royalties pour ces semences qui furent récoltées sur nos terres et homogénéisées ou modifiées à l’étranger.

La propriété des connaissances relatives aux différentes formes de vie présente un risque grave : la monopolisation des brevets. Cela peut constituer un phénomène qui dépasse les gouvernements. De plus, l’utilisation inadéquate des gènes par les sociétés transnationales peut entraîner de graves problèmes de biosécurité car celles-ci font la promotion de grandes cultures homogènes vulnérables aux maladies.

Nous ne nous opposons pas au progrès, mais à la monopolisation des connaissances et à leur utilisation inadéquate.
Pour donner une idée de la manière injuste dont se répartit la propriété sur les connaissances, signalons que 95% des brevets alimentaires dans le monde proviennent seulement de 7 pays, tous appartenant à l’OCDE (pays développés). Les 5% restants se répartissent entre les 180 pays restants.

Dans le secteur médical, 75% des connaissances concernant les propriétés curatives, principalement des plantes, proviennent des connaissances populaires et traditionnelles. Ce savoir ne fut pas créé par les laboratoires. Ceux-ci l’ont seulement été récolté et breveté. Pourtant, à ce jour, les entreprises pharmaceutique transnationales n’ont ni rétribué, ni même reconnu ce savoir des communautés.

Les brevets sur les plantes, les animaux et sur les éléments qui les composent impliquent que nous, paysans et communautés indigènes perdions le contrôle sur les ressources que nous connaissons et utilisons traditionnellement. Ils limitent l’accès aux ressources génétiques et le contrôle que nous exerçons sur celles-ci. Ils entraînent sans aucun doute de nouvelles formes de contrôle sur les nations et les peuples. L’utilisation des brevets par les paysans peut impliquer l’acquisition, avec la semence, d’un “paquet technologique” menaçant les écosystèmes et l’économie familiale. Et comme si cela ne suffisait pas, le système des brevets détruit les traditions rurales telles que la réutilisation des semences de saison en saison, l’échange des semences entre agriculteurs et communautés et la création d’un savoir lié à la pratique et à la gestion des ressources naturelles.

Nous refusons le clonage des êtres humains, puisqu’il porte atteinte à la dignité de notre espèce, favorise l’homogénéisation des individus et encourage la création de prototypes parfaits. Cela réveille les phobies racistes et xénophobes que nous croyions dépassées. Le Projet sur le génome humain se développe déjà au sein de plusieurs instituts et universités du monde qui rencontrent des problèmes liés à la propriété des recherches. Il suffit par exemple de signaler que l’Office de la santé des Etats-Unis a breveté le plasma de populations indigènes de Papouasie et de Nouvelle Guinée sans leur consentement. On estime que l’Office des brevets et des marques de fabriques a déjà octroyé plus de 1.250 brevets sur des séquences génétiques humaines.
Contamination génétique (Aliments transgéniques)

De nombreuses expériences sur des organismes transgéniques sont actuellement en cours dans le monde. Elles touchent aussi bien des plantes, des animaux, des micro-organismes que des êtres humains. Un nombre important d’organismes transgéniques sont déjà produits massivement pour la distribution commerciale.

Organismes transgéniques : de quoi s’agit-il ?
Il s’agit de plantes, d’animaux, de micro-organismes ou d’êtres humains auxquels on a introduit un ou plusieurs gènes provenant d’une autre espèce. On crée par exemple des plantes avec des gènes d’animaux, d’humains ou de micro-organismes, et vice versa. Ce processus entraîne la destruction des systèmes dynamiques de reproduction et d’évolution de la vie. Il abolit les barrières qui empêchaient auparavant le croisements entre des êtres de différentes espèces.

Pour produire ces organismes transgéniques, on utilise des techniques telles que le bombardement de microparticules d’or ou de tungstène recouvertes de l’ADN que l’on prétend introduire ou telles que la micro-injection d’ADN dans des cellules reproductrices ou dans des cellules d’embryons. D’autres techniques utilisent des véhicules biologiques comme des virus ou des bactéries pour introduire les nouveaux gènes dans des chromosomes artificiels, ou créent de l’ADN synthétique.

Les aliments transgéniques
Dans le monde, on cultive quelque 37 millions d’hectares de plantes transgéniques pour un total de 1.400 millions de terres cultivées. Ce la signifie que 2,6% de la superficie agricole totale est occupée par des cultures transgéniques. Ces terres produisent un volume considérable d’aliments qui ne sont soumis à aucune réglementation particulière.

Les produits transgéniques constituent des matières premières pour une grande quantité d’aliments, la plupart d’entre eux industriels, pour lesquels aucun étiquetage précisant qu’il s’agit d’aliments transgéniques n’est requis. De plus, ni l’importation ni l’exportation de ces aliments ne sont réglementées.

Les risques
Les effets sur la santé. Le principal danger des organismes transgéniques sur la santé humaine est que ceux-ci ne deviennent porteurs des transgènes qu’ils ont reçus d’autres espèces et qui présentent une mobilité secondaire qui les rend capables de s’intégrer aux cellules humaines. Le risque que ce phénomène se produise est grand car pour produire des organismes transgéniques, on utilise des gènes renforcés, essentiellement en les rendant résistants aux antibiotiques. Par exemple, le maïs transgénique de Novartis utilise la pénicilline G qui est un médicament que les humains n’utilisent plus et qui est capable de produire l’enzyme « penicilaze » qui dégrade les penicilines. La tomate transgénique de Calgene contient des gènes résistants à la kanamicine et à la geomicine. Le coton transgénique de Monsanto est résistant à l’estreptomicine, largement utilisée comme médicament.

Le Comité scientifique de l’Union européenne a estimé récemment que l’utilisation de l’hormone de croissance pour la production de viande et de lait était cancérigène, provoquant principalement le cancer de la prostate et cancer du sein.

On a constaté que la consommation du soja transgénique résistant à l’herbicide Roundup de Monsanto entraînait les effets suivants : le glyphosate provoque la production de phyto-oestrogènes qui peuvent provoquer de sévères troubles de la reproduction. Par ailleurs, le soja transgénique provoque des allergies.

(Les termes techniques de cette partie sur la santé humaine sont à vérifier)

Les effets sur l’économie paysanne. Les organismes transgéniques peuvent porter atteinte à l’autonomie paysanne et entraîner une dépendance accrue vis-à-vis des entreprises transnationales, tant sur le plan économique que technologique. La preuve en est que les firmes qui font la promotion des variétés transgéniques font signer un contrat aux paysans à l’achat des semences. Par ce contrat, les paysans s’engagent à acheter les intrants de cette même entreprise, à ne pas prêter ou échanger les semences et de plus, ils prennent la responsabilité des éventuels risques écologiques de ces cultures.

Le plus grand risque qui pèse sur l’économie paysanne et la production nationale provient des manipulations génétiques qui visent à remplacer des matières premières produites dans les pays du tiers monde et achetées par les pays développés. Par exemple : a) Une nouvelle technologie permet d’incorporer une substance sucrée (appelée thaumatine) dans des plantes qui pourraient remplacer les cultures de canne à sucre. Cela aurait un impact négatif sur les économies dépendantes de l’exportation de canne à sucre.

b) La société Calgene a modifié une variété de colza, cultivé dans les pays tempérés, pour qu’elle produise un composé remplaçant beurre de cacao. Ce produit pourrait s’emparer d’un marché aujourd’hui détenu par des milliers de paysans et d’agriculteurs du tiers monde et détruire l’économie de divers pays qui dépendent de l’exportation de cacao.

Les effets sur l’environnement. Les plantes transgéniques contiennent des gènes étrangers qui pourraient causer des pollutions génétiques. De plus, comme il s’agit de plantes résistantes à un herbicide, elles pourraient se transformer en maladies qu’il sera difficile de contrôler. On peut dès lors anticiper que les plantes transgéniques seront génétiquement dominantes sur les cultures traditionnelles, qu’elles pourraient s’installer dans les régions riches en plantes sauvages en portant atteinte aux écosystèmes. Elles pourront également transférer leurs gènes à d’autres organismes, de manière horizontale, en les transformant en fléaux potentiels.

Proposition sur les plantes transgéniques Nous proposons :
1. Qu’un un moratoire sur la libération dans l’environnement et le commerce des organismes transgéniques et de leurs produits dérivés soit déclaré. Nous demandons l’application du principe de précaution prévu dans l’Agenda 21 du Sommet de la terre. Ce principe permet l’interdiction des organismes transgéniques tant qu’il ne sera pas pleinement prouvé qu’ils sont sans dangers, et tant que la société n’aura pas eu l’occasion de débattre de manière informée sur l’impact et les risques de ces technologies. C’est à la société à décider de leur utilisation, comme un droit des générations futures.
2. Que toutes les décisions relatives à l’utilisation, à la gestion et à la libération des organismes transgéniques dans l’environnement fassent l’objet d’une consultation et soient soumises à la participation de tous les secteurs de la société qui risquent d’être affectés. En effet, les manipulations génétiques font peser des risques imprévisibles et irréversibles.
3. Qu’une évaluation et une gestion des risques soit réalisée, en considérant de manière intégrale et indépendante tous les aspects de la biosécurité. Cela inclut les interactions dans l’environnement, la biodiversité, les aspects socio-économiques et culturels, la santé humaine et la sécurité alimentaire.
4. Que soient garantis la protection des systèmes agricoles locaux et traditionnels, la sécurité alimentaire et les droits humains et collectifs.
5. Que les accords et les considérations sur la biosécurité ainsi que les accords multilatéraux sur l’environnement l’emportent sur les accords et les politiques commerciales.
6. Que l’on détermine des mécanismes efficaces d’identification et d’attribution des responsabilités et des sanctions, y compris en ce qui concerne les responsabilités économiques des pays et des entreprises inventeurs et exportateurs de ces technologies
7. Que des mécanismes efficaces contrôlent et sanctionnent les mouvements illégaux d’organismes transgéniques.

PROPOSITIONS GENERALES
1. La Via Campesina devrait renforcer sa participation et formaliser sa présence au sein des organismes internationaux tels que la Convention sur la biodiversité, l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le Protocole de Carthagène et le Forum international des forêts. 2. La Via Campesina devrait lancer en son sein une campagne internationale d’information et de diffusion sur la biodiversité, les ressources génétiques et la biosécurité. 3. Vía Campesina devrait mener une campagne dans chacun des pays où nous sommes présents pour demander aux gouvernements un cadre légal et un cadre économique équitables afin de développer un modèle de développement rural avec les paysans.

V. PLAN D’ACTION
1. Réaliser des réunions à caractère régional pour que les organisations de La Via Campesina puissent échanger leurs expériences, tout comme promouvoir la formation sur ces thèmes. Dans ces réunions les stratégies et les actions spécifiques à réaliser dans chaque pays devront être définies.
2. Les organisations devront échanger l’information qu’elles ont sur la situation dans chacun de nos pays et sur les organisations.
3. Faire une campagne contre les brevets sur la via, car ils représentent une des causes majeures de destruction de la souveraineté et de la sécurité alimentaire. Cette campagne doit inclure un appel à tous les gouvernements pour en finir avec les projets qui produisent des variétés d’OGM préjudiciables aux variétés locales.
4. Etablir un programme de commercialisation et d’échange de graines entre les organisations de La Via Campesina et leur connaissance associée pour pouvoir avoir un marché alternatif de semences et éviter que nos semences soient brevetées par les transnationales.
5. Organiser une journée ( qui pourrait être le 17 Avril, Journée Internationale de la Lutte paysanne) avec des activités à niveau national, régional et mondial pour protester contre les semences manipulées génétiquement et contre les transnationales agro-chimiques et lutter pour la souveraineté alimentaire.
6. Prendre des mesures pour la promotion et le développement des variétés végétales locales et mettre en place un contrôle phytosanitaire naturel.
7. Présenter au Haut Commissariat des Droits de l’Homme une lettre demandant du soutien face à la violation du “droit à la vie”, que les entreprises transnationales sont en train de promouvoir en privatisant, à l’aide de brevets, les semences, les ressources génétiques, etc, que les paysans ont développées pendant plus de dix mille ans, pour éviter que les brevets affectent nos modes de vie.
8. Promouvoir la création d’un ombudsman, ou observateur international, contre les grandes transnationales qui utilisent des OGM et qui contrôlent les matières premières, le stockage et la commercialisation agricole en affectant les gains qui reviennent aux paysans.
9. Etablir une campagne pour que toutes les activités menées par La Via Campesina face aux organismes internationaux soient épaulées par les organisations grâce à des documents qui sont également adressés à leurs gouvernements et démontrer ainsi la force et la volonté de nos organisations à défendre nos droits.
10. Exiger du CGIAR et de tous les organismes de recherche agricole que soit évité le brevetage du savoir. Il faut exiger également que la recherche ne soit pas privatisée et que ce soit les multinationales qui monopolisent notre savoir et celui de l’humanité dans son ensemble.
11. Promouvoir à tous les niveaux de la société le droit à une alimentation saine et suffisante, ce qui implique la libre détermination de la consommation. Pour cela il est nécessaire que les pays qui acceptent les produits transgéniques les étiquettent de façon claire pour le public.
12. Demander aux gouvernements que leurs politiques publiques concernant le monde rural ne conditionnent pas les crédits et les subventions agricoles à l’usage de produits transgéniques.

Bangalore, Inde, Octobre 2000.