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Genève : La Via Campesina et ses alliés interviennent lors des négociations pour un traité contraignant qui mette fin à l’impunité des sociétés transnationales

Le 6ième session du Groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée sur les sociétés transnationales et autres entreprises et les droits de l’homme du Conseil des droits de l’homme des Nations unies est en cours cette semaine (du 26 au 30 octobre) à Genève.

Établi en 2014, le Groupe de travail a pour mandat d’élaborer un instrument international juridiquement contraignant afin de règlementer les sociétés transnationales et leurs impacts sur les droits de la personne.

La Via Campesina et d’autres acteurs de la société civile, organisés sous la bannière de la Campagne mondiale pour réaffirmer la souveraineté des peuples, démanteler le pouvoir des sociétés commerciales et mettre fin à l’impunité (la Campagne mondiale), sont contraints de suivre la session et intervenir virtuellement à cause des restrictions anti-COVID-19 en place.

Ce qui se joue cette semaine

En août 2020, la présidence du Groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée a publié le Projet révisé d’instrument juridiquement contraignant . Selon l’analyse de la Campagne mondiale, il s’agit d’une version édulcorée, affaiblie, par rapport à la précédente. Des préoccupations ont également été soulevées en ce qui a trait à la nature virtuelle de la participation à la 6ième session, les limites que cette situation impose sur les possibilités de participation et l’expression des inquiétudes et des demandes populaires.

Lundi le 26 octobre, lors de son intervention pendant la session, Tchenna Maso de La Via Campesina (MAB, Brésil) a exprimé cette préoccupation en avertissant que la nouvelle version ne reflète plus le mandat crée par la résolution 26/9 ; et s’écarte du chemin menant à l’élaboration d’un traité robuste, ambitieux et efficace. « Le contenu de la Résolution 26/9 ne laisse planer aucun doute sur ce point », aux dires de Tchenna Maso. « L’objectif est d’élaborer un instrument international juridiquement contraignant dans le but de règlementer les activités des sociétés transnationales et les autres entreprises, eu égard à leurs impacts sur les droits de la personne ».

« ‘Autres entreprises’ fait allusion à toutes les compagnies dont les activités opérationnelles sont transnationales et ne s’applique pas aux entreprises locales enregistrées en vertu des lois nationales applicables », a-t-elle rappelé devant le Groupe de travail.

Elle a poursuit en constatant que la nouvelle version ne semble plus porter principalement sur les sociétés multinationales ; il s’agit plutôt d’un instrument d’ordre général portant sur les obligations des États face aux entreprises. Le Projet révisé s’éloigne ainsi du noyau du problème : l’impunité des sociétés transnationales face à ce qui arrive dans leurs chaînes d’approvisionnement internationales, grâce aux architectures complexes qui leur permet d’esquiver le contrôle démocratique et juridique. Selon Tchenna Maso, « les mécanismes prévus dans le Projet révisé sont insuffisants. Ils ne feront que très peu pour corriger les asymétries de pouvoir. Les personnes affectées ne pourront toujours pas obtenir justice».

L’importance d’un traité contraignant dans la conjoncture actuelle

Près d’un milliard de personnes ont basculé dans la faim et la pauvreté extrême par suite de la pandémie. En même temps les milliardaires qui possèdent la plupart des sociétés transnationales ont vu se gonfler leurs avoirs d’environ 25 % entre avril et juillet. Pas étonnant que celles qui œuvrent dans le secteur de la santé ont accusé des gains de plus de 50%.

Plusieurs gouvernements ont de leur part profité du couvre-feu et des mesures de confinement imposés pendant la pandémie pour affaiblir et diluer les lois régissant l’environnement, le travail, et la sécurité sociale. Ces nouvelles mesures, avantageuses pour les sociétés transnationales, sont mises en place sans consulter leurs communautés hôtes, très souvent rurales, et auront pour effet de favoriser l’accaparement des terres et l’expulsion violente des peuples de leurs territoires. Plus que jamais, un instrument international juridiquement contraignant est nécessaire pour que les communautés puissent demander justice là où leur systèmes juridique national sont continuellement sous la pression des sociétés transnationales.

Mardi le 27 octobre à 13h00 heure de Genève, la Campagne mondiale tiendra une conférence de presse virtuelle. Cliquer ici pour s’inscrire.