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Des négociations historiques à l’ONU mettent en lumière le lien entre l’impunité des sociétés transnationales et l’impérialisme

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Cette semaine (du 23 au 27 octobre), les États membres des Nations unies reprennent les négociations historiques de la neuvième session de l’ONU à Genève, l’objectif étant d’élaborer un instrument international juridiquement contraignant visant à réglementer, dans le cadre du droit international relatif aux droits humains, les activités des sociétés transnationales (STN).

La participation accrue des membres des communautés souffrant des agissements des sociétés transnationales, des organisations de la société civile, des syndicats et des mouvements sociaux fait de ce processus l’un des processus les plus soutenus de l’histoire des négociations autour de traités sur les droits humains à l’ONU. La Campagne mondiale pour récupérer la souveraineté des peuples, démanteler le pouvoir des entreprises et mettre fin à l’impunité (Campagne mondiale) représente plus de 260 millions de personnes confrontées aux agissements des sociétés transnationales dans le monde. Cette dernière est, une fois de plus, très active à Genève, où elle contribue de manière décisive aux négociations.

Lors de la journée d’ouverture, un large groupe d’États s’est opposé à l’adoption du programme de travail, préoccupés par le fait que le nouveau texte n’intègre pas leur point de vue et ne réponde pas au mandat principal du traité, qui est de se concentrer sur les sociétés transnationales. Ils ont également exprimé des préoccupations plus générales quant à la méthodologie non démocratique et non transparente de la part de l’État assurant la présidence du processus : l’Équateur.

Ce fut notamment le cas du groupe africain, représentant 54 États du continent. Ce dernier a pris les devants et a été soutenu par de nombreux délégué·e·s de pays du Sud, tels que Cuba, la Bolivie, le Venezuela, le Pakistan, l’Iran et l’Arabie saoudite. Les réactions ont été si vives que le président a décidé de suspendre la session du matin afin de chercher un consensus. Les négociations n’ont pu se poursuivre qu’après avoir concédé l’utilisation d’une version du texte modifiée, qui reflétait des propositions antérieures d’États qui estimaient qu’elles avaient été injustement supprimées. Le président a également été contraint de défendre un changement d’orientation du texte, qui ne se cantonne donc pas uniquement aux sociétés transnationales, mais qui est étendu à l’ensemble des entreprises. Un changement qui tient compte des positions de l’UE, des États-Unis, d’autres pays développés, ainsi que des groupes commerciaux industriels impliqués dans le processus. Il a insisté sur le fait qu’il n’essayait pas d’imposer une tout autre orientation au traité et a reconnu qu’il n’était pas en son pouvoir d’opérer un tel changement et que les questions relatives au champ d’application seraient abordées dans le cadre des négociations.

Les préoccupations des délégué·e·s de gouvernements présent·e·s à la réunion ont fait écho à celles des délégué·e·s de la Campagne mondiale.

Leticia Oliveira, du Mouvement des personnes affectées par les barrages au Brésil et de La Via Campesina, s’est exprimée au nom de l’Institut transnational et de la Campagne mondiale et a déclaré : « Il est très décevant pour toutes les personnes présentes dans cette salle, et surtout pour toutes celles et tous ceux que nous représentons ici, les mouvements comme les États, de participer à un processus qui n’est pas transparent. Hier, de nombreuses délégations d’États, qui représentent les territoires où sont commis la plupart des crimes (et ce n’est pas hasard), ont exprimé leur inquiétude quant au processus et au contenu du projet révisé. »

Mohammed Hakech, de la Fédération nationale marocaine du secteur agricole (FNSA) et de La Via Campesina a déclaré : « La présidence n’a pas le pouvoir de modifier le mandat de ce groupe de travail lorsqu’elle souhaite élargir le champ d’application du projet de traité à tout type d’entreprise alors qu’il devrait se concentrer uniquement sur les STN. C’est pourtant ce que la présidence a fait. Le document présenté n’aura aucun impact sur l’impunité des STN ou sur leur chaîne de valeur. Il ne contribuera pas non plus à la restauration de la souveraineté populaire et étatique, mise à mal par le pouvoir de ces entités ni à l’accès à la justice pour les victimes. »

7 délégué·e·s [liste ci-dessous] du Global Interparliamentary Network (GIN), un réseau de plus de 200 député·e·s soutenant les négociations du traité contraignant de l’ONU, ont assisté aux négociations et ont organisé un événement à l’ONU exposant les enjeux posés par ces entreprises dans le cadre de leur travail en tant que représentant·e·s élu·e·s et décideur·euse·s politiques. Dans une déclaration commune, ils·elles ont affirmé :

« L’objectif de ce traité contraignant est de combler un vide juridique mondial et de garantir que les entreprises transnationales soient tenues pour responsables de leurs actes. Il s’agit de mettre un terme à l’impunité qui règne aux niveaux mondial et local, que ce soit de manière directe ou de manière indirecte à l’aide de sociétés affiliées ou filiales. Ces entreprises doivent répondre des actes qui menacent les droits des peuples, des peuples autochtones, des communautés locales, des territoires et de l’environnement. »

Alors que la session de lundi touchait à sa fin, les représentant·e·s des communautés concernées et des militant·e·s du monde entier se sont rassemblé·e·s devant le Palais des Nations, où des militant·e·s ont grimpé sur la célèbre chaise au pied cassé afin d’accrocher une bannière géante portant le slogan « Des droits pour les peuples, des règles pour les entreprises ». Des dirigeant·e·s de communautés d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine et d’Europe ont dénoncé sans détour les sociétés transnationales qui violent les droits humains, attaquent les défenseurs des droits humains, les syndicalistes et détruisent les moyens de subsistance. De nombreux militant·e·s ont également témoigné leur solidarité envers le peuple palestinien en portant des drapeaux ou des écharpes, associant ainsi la lutte mondiale contre l’impunité des sociétés transnationales au génocide en cours à Gaza.

Le génocide en cours à Gaza a été un thème récurrent et central des négociations de l’ONU, et les intervenant·e·s des États et de la société civile ont établi un lien entre les violations des droits humains commises à Gaza et le travail visant à rendre les STN responsables lorsqu’il s’agit de droits humains.  Wesam Ahmad, du Centre Al-Haq pour le droit international appliqué, a déclaré lors du discours d’ouverture que « les premiers défenseurs de ce processus de traité, dont de nombreux membres du groupe africain et latino-américain, ne doivent pas perdre de vue que les mêmes entreprises historiquement impliquées dans les souffrances de leur peuple présentent aujourd’hui des intérêts pour les gisements de gaz naturel de la mer Méditerranée, que les fabricants d’armes s’efforcent de répondre à la demande et que de nouvelles routes commerciales sont développées. La destruction de Gaza n’est pas un fait isolé, mais constitue le symptôme d’un problème bien plus large, un système au sein duquel les sociétés transnationales tirent profit de l’oppression, des meurtres et de la destruction pour soutenir des ambitions impérialistes ».

Nous avons également assisté, lors de ces négociations, à une démonstration de force des associations commerciales pour influencer le processus, ces dernières représentent des millions d’entreprises dans le monde.

Des représentant·e·s de la Chambre de commerce internationale, de l’Organisation internationale des Employeurs et du US Council for International Business ont participé aux négociations, appelant à une approche « collaborative ». Toutefois, cette participation du secteur au processus a été vivement dénoncée par les coalitions de la société civile qui défendent le traité. Erika Mendes, de Ja !, des Amis de la terre Mozambique et des Amis de la terre International, a déclaré : « L’ingérence des entreprises dans ce processus est l’un des principaux obstacles à l’obtention d’un traité fort qui défende les droits humains et les communautés dans le monde entier. L’ingérence constante des groupes représentant ces entreprises dans ce processus fait partie d’une tentative de normalisation de la mainmise des entreprises sur l’élaboration de politiques, dans nos capitales et jusqu’aux salles des Nations unies. C’est pourquoi la société civile soutenant ce traité est unanime depuis le début du processus : nous devons protéger ces négociations et la mise en œuvre du traité face à la mainmise des entreprises. »

Ce qui ressort clairement des deux premiers jours de négociations, c’est qu’il existe une masse croissante et critique de gouvernements et d’organisations de la société civile qui s’investissent pour obtenir un traité qui défende les droits humains, rende les sociétés transnationales responsables de leurs actes et offre un accès à la justice aux communautés du monde entier. Le monde ne peut plus se permettre d’attendre, alors que les droits humains sont bafoués et que la destruction de l’environnement se poursuit.


La Campagne mondiale pour récupérer la souveraineté des peuples, démanteler le pouvoir des entreprises et mettre fin à l’impunité (Campagne mondiale) est un réseau de plus de 250 mouvements sociaux, organisations de la société civile (OSC), syndicats et communautés affectés par les activités des sociétés transnationales (STN), représentant 260 millions de personnes dans le monde.   https://www.stopcorporateimpunity.org 

Sept délégué·e·s membres du Global Interparliamentary Network (GIN) présent·e·s à Genève pour la 9e session de négociations : Alirio Uribe Muñoz et Karmen Ramírez Boscán du Parlement colombien ; Miguel Urbán (Espagne) et Helmut Sholtz (Allemagne) du Parlement européen ; Sydney Mushanga de l’Assemblée nationale de Zambie ; Lilian Galán du Parlement uruguayen ; et Sonia Gutiérrez du Parlement guatémaltèque.

RESSOURCES SUPPLÉMENTAIRES

PHOTOS DE HAUTE QUALITÉ

Manifestation sur la Place des Nations à Genève

Clara Roig / FIAN International, CC BY-NC 4.0 https://drive.google.com/drive/u/0/folders/1L4AnAaLV6e6XMM6hXv2WfdcCcebqdb2zAngel Amaya, Responsabilité des entreprises. CC BY-NC 4.0 https://drive.google.com/drive/folders/1up7mPYzkWe44vjDSHJfMemjibyi18mcu?usp=sharing