Élections 2022, un vent de changement en Colombie

Les élections du Congrès et le référendum présidentiel du 13 mars ont donné la victoire à la coalition de centre-gauche Pacto Histórico, qui a obtenu le plus grand nombre de voix pour les chambres haute et basse du corps législatif. Pour la première fois dans l’histoire de la Colombie, les secteurs alternatifs sont la première force au Congrès.

Ces élections avaient pour but d’élire le Congrès pour le mandat 2022-2026 et d’organiser les consultations qui définiront les candidats à la présidence des trois coalitions concurrentes. La journée n’a pas été exempte de difficultés, telles que des défaillances dans le site web du bureau national de l’état civil, des accusations de possible corruption électorale dans 8 départements du pays et des actions de groupes armés illégaux visant à limiter le droit de vote dans les régions de Catatumbo et des Caraïbes.

Le taux d’abstention des électeurs est resté dans la moyenne historique, qui fluctue entre 50 et 60 %. Dans le cas de ces élections législatives, seulement 45% des personnes ayant le droit de vote ont exercé leur droit. Malgré le maintien du taux d’abstention, les résultats du dépouillement du scrutin indiquent un nouveau moment politique dans le pays.

L’uribisme, au pouvoir depuis 20 ans, est en crise. Son parti politique, le Centre démocratique, a subi un effondrement au Congrès, perdant cinq sièges au Sénat et 17 à la Chambre des représentants. Des facteurs tels que le discrédit des forces de sécurité, les 73% de désapprobation du gouvernement Duque et la perte de la figure d’Álvaro Uribe, désormais plongé dans des procédures judiciaires, ont contribué au déclin de l’uribisme.

Dans le même temps, les secteurs alternatifs progressent dans les arènes de représentation. Le Pacte historique de convergence s’est positionné comme la première force politique au Congrès, remportant 31 sièges à la Chambre des représentants et 20 au Sénat. Cette victoire a été possible grâce au contrôle du dépouillement des votes par des milliers de bénévoles, tâche dont dépendait la reconnaissance de près de 400 000 votes non enregistrés en faveur du parti.

Les résultats de ces élections sont révélateurs d’un changement culturel en Colombie. Francia Márquez, une femme noire militant pour l’environnement, a obtenu le deuxième plus grand nombre de voix lors des consultations présidentielles (après Gustavo Petro), battant les candidats des partis traditionnels soutenus par des machines politiques. Il convient également de noter que le Congrès élu compte la plus forte proportion de femmes de l’histoire (30 %) et que, pour la première fois, une femme palenquera[1] a obtenu un siège à l’assemblée législative.

Pour la première fois dans l’histoire du pays, la course présidentielle a des chances d’être remportée par un candidat ayant des sympathies pour la gauche. Le favori des sondages est Gustavo Petro, avec 37 % des voix, soit douze points d’avance sur le deuxième candidat le plus probable, Federico Gutiérrez, de la coalition de droite “Equipo por Colombia”.

Le premier tour des élections présidentielles aura lieu le 29 mai. Pour être élu président, un candidat doit obtenir la moitié plus un du total des voix ; si aucun candidat n’atteint cette majorité, un second tour sera organisé entre les deux candidats ayant obtenu le plus grand nombre de voix le 19 juin. Aujourd’hui, les forces progressistes resserrent les rangs dans la campagne de Gustavo Petro pour remporter la présidence au premier tour, autrement il sera difficile de battre la droite en bloc au second tour.


[1]Les communautés palenqueras sont les descendants de personnes réduites en esclavage qui, depuis le 15e siècle, se sont rebellées et ont fondé des territoires qu’elles ont appelés palenques, où elles s’organisent pour vivre de manière indépendante.


Texte : Cloc Colombia
Photo : Gustavo Petro et Francia Márquez par @ecoaneko