Position de la CPE Après Hong-Kong et le Sommet Européen de décembre

  •  Le processus destructeur de l’OMC continue, mais la résistance paysanne internationale se renforce.
  • La PAC actuelle, sans légitimité internationale ni sociale, est condamnée avant 2013: la CPE propose une autre PAC, indispensable si l’on veut maintenir en Europe une production agricole paysanne.
  • Avec Via Campesina, nous proposons d’autres règles du commerce international, respectant le droit de souveraineté alimentaire : elles sont indispensables à la survie des paysans du Sud comme du Nord.

Changer la PAC avant 2013 au lieu de la supprimer.
Après le sommet UE et la conférence OMC, c’est l’année 2013 qui sert de repère pour la PAC. Plus important que le contenu même des décisions prises à Bruxelles et à Hong Kong, ce sont les pressions très fortes des forces néo-libérales au sein du monde économique, politique, associatif et médiatique qui se conjuguent pour faire de cette date celle de la disparition de la politique agricole européenne.  
Par exemple, la très forte disparité du soutien agricole, que la CPE a dénoncé depuis longtemps, et qui montre le manque de  légitimité sociale de la PAC actuelle, est utilisée aujourd’hui pour demander simplement la suppression de la PAC, plutôt que pour proposer une PAC plus solidaire.
Pourtant si les Européens veulent maintenir une production agricole en Europe, on a besoin d’une politique agricole européenne. Sinon c’est au Brésil ou dans d’autres pays que la base de notre alimentation sera produite.
L’UE a choisi depuis 1992 de baisser les prix agricoles, en faisant dépendre fortement le revenu paysan du soutien public. Elle a choisi en 2003 de découpler ce soutien de la production pour le faire agréer  à l’OMC, sans en modifier significativement la répartition. L’UE s’est ainsi engagée dans un processus ne pouvant aboutir qu’à la suppression du soutien. Qui pouvait croire que les contribuables continueraient à payer longtemps un soutien massif découplé ?

Le Sommet européen a prévu un réexamen budgétaire en 2008 : nous proposons qu’à cette date l’UE refonde la PAC à partir d’un débat clarifié  sur les prix, le soutien agricole, la maîtrise de la production, le commerce international.

Hong-Kong : L’OMC a évité l’échec mais la résistance internationale se renforce

Après les échecs de Seattle et de Cancun, et devant la résistance croissante de nombreux pays pauvres , les pays les plus puissants, et notamment l’UE, les USA le Brésil et l’Inde ont tout fait pour imposer la poursuite de la négociation, sur des bases opposées au « développement », sans se soucier de démocratie. Mais il n’y a pas eu encore de décisions importantes.
La date de 2013  acceptée par l’UE pour la fin des subventions à l’exportation n’est pas une « concession » significative, puisque l’UE a déjà usé 3 réformes de la PAC pour transformer ses subventions à l’exportation en aides directes cachées de plus en plus dans la boîte verte de l’OMC. Il s’est agi là plus d’une manoeuvre de communication, tout comme le paquet « aide pour  le commerce », quasi vide de contenu mais utilisé pour maintenir l’illusion d’un cycle dit du développement. En fait de nombreux pays du Sud ont dû céder face aux menaces de suppression du soutien de la Banque Mondiale.
    
Un abaissement généralisé des tarifs douaniers ruinerait la capacité de grande majorité des paysans du Sud comme du Nord face à des importations à bas prix. Il grèverait la possibilité de changer la PAC dans la bonne direction.
    Produire le moins cher possible dans le monde, à quelques euros par jour de travail, ce n’est pas être « compétitif », mais être esclave .

Les milliers de manifestants paysans de Via Campesina, en particulier ceux de Corée du Sud et d’Asie du Sud-Est, avec le soutien gagné de la population de Hong-Kong, ont su exprimé la détresse et la détermination de plus d’un milliard de paysans face à ces négociations qui les vouent à disparaître. Tous nous refusons d’être remplacés par de grandes plantations et élevages industriels produisant à bas prix pour l’exportation, qui ne répondront pas aux problèmes de la faim ni de l’environnement.

Face à la crise énergétique à venir, les politiques agricoles et commerciales actuelles,  supervisées par l’OMC et axées sur les exportations/importations, n’ont pas d’avenir et leur refondation s’impose.

Hong-Kong a bien montré que les mêmes dangers menacent les services essentiels pour les populations que sont l’eau, la santé, l’éducation,… La CPE et Via Campesina demandent que l’OMC sorte de ces secteurs, tout comme de l’agriculture.
    L’échec du Doha Round en 2006 est nécessaire pour pouvoir fonder les règles du commerce international sur le droit de souveraineté alimentaire. Celui-ci gagne du terrain, à l’exemple du Mali, qui l’a inscrit dans sa constitution.
    Maintenant la CPE, Via Campesina, et leurs nombreux alliés dans les populations  travaillent pour que ce droit s’impose. Des politiques agricoles et commerciales basées sur la souveraineté alimentaire sont notre solution face au dogme du « libre »-échange, et une réponse importante dans le combat contre la pauvreté, la faim et la migration forcée.

Coordination Paysanne Européenne
Bruxelles, le 26 janvier 2006