« Nous n’avons pas peur de faire face à un gouvernement fasciste »
(Brasilia, 24 octobre 2018) A moins d’une semaine d’une journée électorale mémorable pour l’Amérique latine, les mouvements sociaux brésiliens redoublent d’efforts pour empêcher qu’un projet ouvertement fasciste ne s’impose dans les urnes. Dans cette interview, Alexandre Conceição (photo), dirigeant national du Mouvement des Travailleurs Sans Terre, analyse les raisons du « phénomène Bolsonaro » et explique comment la plus grande organisation populaire du continent est prête à faire face à un éventuel gouvernement d’extrême droite: ” Nous avons résisté aux coups, aux gouvernements dictatoriaux, gouvernements néolibéraux et nous résisterons sûrement à un gouvernement fasciste s’il accède au pouvoir.”
Texte: Noda (par Lucio Garriga et Gerardo Szalkowicz)
Comment se passe la campagne?
– Nous sommes dans une campagne très forte où les ennemis de la classe ouvrière et d’un continent libre d’Amérique latine sont ensemble dans la candidature fasciste de Bolsonaro. Le pouvoir économique, le pouvoir judiciaire et le pouvoir des médias le soutiennent ouvertement. Et maintenant, nous vivons également une cyberguerre via les réseaux sociaux, en particulier dans WhatsApp, une très forte campagne de mensonges contre nos candidats. Si nous pouvions nous débarrasser des réseaux sociaux pendant deux jours, Bolsonaro coulerait complètement, car il ne donne pas d’interviews et ne participe pas aux débats politiques, c’est sa stratégie.
Cette campagne instaure la haine et la violence en promettant que le gouvernement résoudra les problèmes de corruption. C’est la dimension de la candidature à laquelle nous devons faire face. Haddad après moins de 40 jours de campagne et partant de 4 points d’intention de vote, en compte maintenant près de 42 points, donc huit pour atteindre 50%. Ils essaient de faire de Bolsonaro un mythe, mais rien n’est mythique, c’est un monstre qui abandonnera la souveraineté nationale.
Comment analysez-vous le « phénomène Bolsonaro »?
-Bolsonaro est la consolidation du coup d’Etat à travers une candidature fasciste basée sur une campagne qui promeut la haine, la violence et la misogynie. Son projet politique et économique est de livrer les richesses naturelles et la privatisation de tous nos biens et de toutes nos sociétés nationales. D’où son soutien aux capitaux étrangers, en particulier aux entreprises américaines.
Les églises évangéliques ont-elles influencé l’ascension de Bolsonaro?
-Les églises évangéliques font également partie de cet ensemble de forces réactionnaires, à travers leurs pasteurs qui ne pensent qu’en termes d’argent et non de religion. Ils ont joué un rôle très important contre la démocratie, pour la défense de « la famille », de la propriété privée et pour lutter contre la violence avec davantage de violence. Les églises évangéliques ont joué un rôle fondamental pour que le candidat fasciste continue de progresser, en particulier dans les quartiers pauvres. Mais il faut dire que ce n’est pas toute l’église évangélique, il y a beaucoup de pasteurs qui sont avec la démocratie et soutiennent Haddad.
Comment vous préparez-vous à un éventuel gouvernement de Bolsonaro, compte tenu de leurs menaces contre le mouvement des sans terre?
– La situation sera très difficile car ils encourageront davantage la violence à travers les milices, les attaques des médias et la criminalisation. Nous avons résisté aux coups, aux gouvernements dictatoriaux, aux gouvernements néolibéraux et certainement, nous résisterons à un gouvernement fasciste s’il accéde au pouvoir. Nous devons réadapter la sécurité et notre stratégie pour continuer à occuper des terres, mais également à produire des aliments tout en veillant à la protection de la vie, de l’environnement et des territoires de la réforme agraire. Nous espérons également avoir beaucoup de solidarité de la part de l’Amérique latine et du monde entier. Je me souviens du coup d’État au Honduras de 2009 et d’une chanson de résistance hondurienne qui disait « ils ont peur parce que nous n’avons pas peur ». Nous n’avons pas peur de faire face à un gouvernement fasciste.
Source : https://www.nodal.am/2018/10/brasil-entrevista-de-nodal-a-alexandre-conceicao-dirigente-nacional-del-movimiento-sin-tierra-no-tenemos-miedo-de-enfrentar-a-un-gobierno-fascista/
Traduction : Thierry Deronne