France : Halte à la criminalisation des paysan·nes qui luttent contre les méga-bassines qui accaparent de l’eau.
Déclaration de solidarité de La Via Campesina
Bagnolet, 22 mars 2023 | La Via Campesina exprime la profonde solidarité de notre mouvement paysan mondial avec les paysan·nes en France qui luttent contre l’accaparement de l’eau et l’imposition de méga-bassines promus par le gouvernement et les lobbies de l’agrobusiness.
Contrairement aux petits réservoirs traditionnellement construits pour stocker l’eau de pluie, dont la fonction est à la fois sociale et écologique, les méga-bassines promus par le gouvernement français pompent les eaux souterraines dans la nappe phréatique pour remplir des cratères plastifiés, allant jusqu’à 18 hectares, asséchant les sols, affectant le cycle de l’eau et la biodiversité environnante. De plus, ils accentuent l’inégalité des usages, le dépeuplement des zones rurales et l’accaparement des terres par les grandes entreprises qui pratiquent l’agriculture intensive.
Depuis six ans, la lutte contre les méga-bassines rassemble des organisations écologistes, syndicales et paysannes, comme La Confédération paysanne, l’une des organisations membres de LVC en France, dans des mobilisations aux côtés de centaines de militant·es pour une juste répartition de ce bien commun vital. Nombre de ces manifestant·es ont été poursuivis dans le cadre de procédures judiciaires visant à effrayer la population croissante qui s’oppose à ces projets extractivistes. 5 de ces méga-bassines ont été jugées illégales après une bataille juridique de 14 ans. Ces manifestations ont valu des condamnations de prison avec sursis et des amendes pour des paysan·nes, simplement parce qu’ils avaient manifesté. De même, le porte-parole de la Confédération paysanne a été poursuivi par des irrigants qui s’approprient l’eau, suite à une action symbolique de démontage de la pompe d’une méga-bassine.
Dans un contexte de changement climatique, la protection de l’eau et de la terre est un devoir moral dont personne ne peut se détourner. Préserver ces biens communs de l’accaparement de l’agrobusiness, ainsi que les moyens de subsistance de celleux qui nourrissent la plupart de la population et sont en première ligne contre la marchandisation de la vie, relève d’un effort collectif et solidaire. Cet effort s’inscrit dans la droite ligne de la défense de l’application de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysan·nes et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (Undrop) qui stipule clairement le droit des paysan·nes à accéder à l’eau, aux ressources nécessaires à la production alimentaire et aux moyens de participer à la gestion de ces biens communs.
En opposition à la volonté du gouvernement de poursuivre la construction de nouvelles méga-bassines néfastes pour l’environnement et l’emploi agricole, une nouvelle grande manifestation internationale aura lieu les 24, 25 et 26 mars dans le Poitou, où la Confédération paysanne et La Via Campesina seront présentes pour exiger du gouvernement français l’arrêt des projets d’accaparement de l’eau (à travers un moratoire) ainsi que la révision des politiques en matière de gestion des communs afin de garantir des projets qui répondent à une transition agricole juste et aux défis climatiques.
Nous exprimons également notre inquiétude face au refus de dialogue du gouvernement, récemment exprimé par l’interdiction de la prochaine manifestation sur ordre de la préfecture des Deux-Sèvres. Si les autorités n’écoutent pas la voix des paysan·nes et de tou·tes celleux qui ont démontré l’absurdité de ces projets, en négligeant le débat démocratique avec la population directement touchée par leurs mesures, la désobéissance civile s’imposera et nous globaliserons la lutte pour globaliser l’espoir.
photo de couverture : Mathieu Eisenger
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