Communiqué de la CPE sur les agro carburants

COMMUNIQUE DE PRESSE   
Energie, climat, agriculture :
Les agro carburants industriels ne contribuent à résoudre ni la crise agricole, ni la crise climatique.
Ils vont entrer en concurrence avec la production alimentaire.
Il faut changer d’urgence les politiques agricoles, commerciales et énergétiques.
Les exploitations agricoles peuvent agir positivement pour infléchir la crise climatique.

Remarque: Au terme de « biocarburant » nous préférons le terme d’ « agro carburant » (le pétrole aussi est un
          produit issu d’être vivants),

1)    Inefficacité énergétique, économique et sociale
C’est une erreur de produire industriellement du carburant à partir de maïs, blé, betterave ou
colza. Ces agro carburants industriels de première génération, issus de cultures intensives annuelles, ont une efficacité énergétique très faible  et des bilans médiocres concernant l’effet de serre.

Il vaut mieux privilégier l’huile végétale brute produite à la ferme plutôt que des usines d’agro-
carburants: celles-ci ont une rentabilité énergétique et climatique très contestée, une rentabilité économique qui dépend de très fortes subventions (défiscalisation), et elles vont favoriser les grandes exploitations au détriment de l’emploi rural.

L’implantation de ces usines prévues près de grands ports montre que la priorité sera donnée en
fait  à l’importation d’agro carburants tropicaux moins chers.
            
Le développement de carburants de 2e génération issus d’autres formes de biomasse (filière ligno-
cellulosique, déchets organiques) semble plus prometteur, à condition de ne pas mettre en péril la matière organique des sols. Toutefois le volume de carburants à en attendre sera marginal comparé à la consommation actuelle.

2)    en concurrence avec la production alimentaire en Europe et dans le monde
La seule incorporation de 5,75% d’agrocarburants dans les carburants pétroliers nécessiterait 20%
de la surface céréalière. En utilisant toute la surface agricole de l’UE, on ne pourrait fournir que 30% des besoins actuels en carburants. Si on importe les agrocarburants, on déplace dans d’autres pays le problème de concurrence avec l’alimentation et on maintient une grande dépendance énergétique de l’Europe.
Au lieu de donner la priorité à la réduction des transports, les pays industrialisés développent
de grands projets de production d’agrocarburants dans des pays tropicaux comme la Colombie, l’Indonésie, la Malaisie, le Brésil,.. au détriment de la sécurité alimentaire et de la biodiversité .

Il est nécessaire d’engager un large débat en Europe sur les priorités à donner à l’utilisation
des terres.  Il faudra y inclure le fait qu’une production massive de viande, caractéristique des pays industrialisés, consomme de grandes surfaces agricoles.

3)    des subventions  agro-carburants  à la place des subventions PAC actuelles ?
La CPE s’interroge sur le très important lobbying agro-industriel en faveur des agrocarburants,
avec le soutien de l’UE. Face à la difficile légitimation de la PAC actuelle et en anticipant une forte baisse du budget agricole après 2013, ils essaient d’orienter l’opinion publique vers la nécessité de subventionner la production et l’utilisation d’agrocarburants. Cela garantirait au plus grandes exploitations et à l’industrie le maintien de fortes subventions.

4)    Les exploitations agricoles peuvent agir positivement pour infléchir la crise climatique :
–    en changeant les modes de production (diminuer en priorité l’utilisation d’engrais azotés, qui représentent environ 40% de l’énergie consommée par les exploitations),
–    en adoptant des systèmes de production et des techniques culturales qui augmentent le taux de matière organique dans le sol, pour accroître la quantité de carbone séquestré dans le sol,
–    en favorisant la production d’huile brute pressée à la ferme, ainsi que la méthanisation.
–    en soutenant le développement d’énergie solaire sur les toits des bâtiments agricoles.

5)    Il faut changer les politiques agricoles, commerciales actuelles
L’urgence climatique nous impose d’abandonner la logique de la PAC actuelle et de l’OMC, qui démultiplie les transports,  et de re-localiser l’économie, en donnant la priorité à l’efficacité, à l’emploi et à la préservation de l’environnement. C’est dans ce sens que doit aller l’UE lors du sommet du 8 et 9 mars, et non faire croire à l’illusion des agro carburants industriels.

(texte plus complet disponible sur www.cpefarmers.org)

Bruxelles, 23 février 2007

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1) Celle-ci est en effet seulement :
–    autour de 1 selon les modes de production pour l’éthanol de maïs, (1,00= autant d’énergie utilisée pour le produire que d’énergie dans le produit final)
–    de 1,06 pour l’éthanol de blé – de 1,14 pour l’éthanol de betterave-  de 1,66 pour le diester de colza
–    ces chiffres sont de 1,35 (blé)-1,25 (betterave) – 2,23 (colza) si on intègre les économies générées par l’utilisation en alimentation animale des co-produits).
L’huile brute de colza pressée à la ferme a de meilleurs résultats (1,88 et 3,8), en particulier du point de vue de l’effet de serre.
Seul l’éthanol de canne à sucre a des résultats énergétiques très satisfaisants. Mais l’Europe n’en produit pas.
Voir étude EDEN – http://www.espoir-rural.fr/images/stories/section/agrocarburants%20%20synthese%20eden%202006.pdf 

2)  Voir lettre à l’UE de nombreuses ONG – http://www.corporateeurope.org/Open_Letter_EU_biofuels