Colombie : manifestations et criminalisation de la pauvreté
Depuis novembre 2019, la Colombie connaît des journées intenses de mobilisation sociale, et l’apparition de la pandémie en 2020 n’a pas réussi à contenir l’indignation de la population qui a continué à descendre dans la rue et qui s’est exprimée avec une grande intensité lors de la grève nationale de 2021. Le besoin de changement a été durement réprimé par les forces de sécurité, qui utilisent la terreur et la violence contre les pauvres.
Les violations systématiques des droits humains commises par les agents de l’État dans le cadre des manifestations ont conduit des organisations telles que la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), les rapporteurs spéciaux des Nations unies, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH), l’Union européenne (UE) et les ambassades de différents pays à porter leur attention sur la Colombie.
Les rapports publiés par le HCDH, la CIDH et différents observatoires des droits humains coïncident et soulignent que la réponse de l’État colombien se caractérise par un usage excessif et disproportionné de la force. Dans le cadre de la grève de 2021, les Nations Unies ont reçu des rapports faisant état de 63 décès, dont 76% étaient dus à des blessures par balle. Sur ce chiffre, le bureau a pu vérifier qu’entre le 28 avril et le 31 juillet, 46 personnes ont été tuées, dont 44 étaient des civil·es et 2 des policier·ères. Il existe des « motifs raisonnables » de croire qu’au moins 28 de ces décès sont le fait de policier·ères et qu’au moins dix d’entre eux sont le fait de membres de l’escadron mobile anti-émeute de la police nationale1. Les chiffres des organisations colombiennes font état du meurtre d’au moins 89 manifestants, de 106 victimes de violences sexistes, de 1’929 blessés et de 3’546 arrestations dans le cadre de la grève2.
Les informations documentées par les agences ont également montré que l’usage excessif de la force est ciblé et que la police fonctionne de manière classiste et raciste. La majorité des personnes tuées dans le cadre de la grève du 28 avril étaient des jeunes âgés de 17 à 26 ans, vivant dans des quartiers pauvres et périphériques, enfants de parents paysans, indigènes et afro-descendants, déplacé·es par la violence, des jeunes engagé·es dans le commerce informel, des artistes, des athlètes, des étudiants ou des personnes non-scolarisées3.
Cela a également été reconnu dans le dossier du rapporteur pour la clarification des événements ayant eu lieu lors des manifestations des 9 et 10 septembre 2020, qui indique que les actions de « la police nationale ont provoqué un massacre qui a mis fin à la vie de 11 jeunes »4 . Le document indique que la plupart des victimes étaient des jeunes âgé·es de 17 à 27 ans, issu·es de quartiers pauvres de Bogota et de Soacha, ce qui conclut à une criminalisation de la pauvreté par les forces de sécurité et invite à réfléchir à la question de savoir si la police se comporte de manière plus répressive et autoritaire envers les citoyen·nes à faibles revenus.
1 Colombie : l’ONU demande au gouvernement de garantir la justice et d’accorder des réparations aux victimes des manifestations. Publié en espagnol sur https://news.un.org/es/story/2021/12/1501462
2 Defender la libertad asunto de todos (2021). El sometimiento de la democracia. Un balance del derecho a la protesta social en Colombia en el año 2021. Disponible en espagnol sur https://documentcloud.adobe.com/link/track?uri=urn:aaid:scds:US:6710a368-d494-4597-92f9-f5a51177aa54#pageNum=1
3 Oficina del Alto Comisionado de Naciones Unidas para los derechos humanos (2021), El Paro Nacional 2021: lecciones aprendidas para el ejercicio del derecho de reunión pacífica en Colombia. Disponible en espagnol ici https://www.hchr.org.co/index.php/informes-y-documentos/documentos/10246-documento-lecciones-aprendidas-paro-nacional-colombia-2021-juliette-de-rivero-representante-de-la-alta-comisionada
4 Rapport final de la clarification des événements ayant eu lieu lors des manifestations des 9 et 10 septembre 2020. Disponible en espagnol ici https://bogota.gov.co/mi-ciudad/administracion-distrital/informe-para-esclarecimiento-de-hechos-del-9-y-10-de-sep-de-2020
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