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Colombie : les violations des droits humains toujours à la hausse

La violence politique en Colombie est un phénomène qui persiste après l’accord de paix. Le nombre des assassinats de leaders communautaires, des ex-combattant·es et des membres de leurs familles se maintient à la hausse, ainsi que les diverses forme de violations des droits humains soufferts par les communautés paysannes, indigènes et afro-descendantes à l’occasion de la reconfiguration territoriale du conflit armé. La Colombie saigne sous le regard impassible d’un président et de son discours négationniste.

D’après Indepaz, depuis la signature de l’Accord de paix au 24 août 2021, un total de 1227 personnes leaders communautaires et 284 personnes en processus de réincorporation ont été assassinées. En 2021 seulement, l’assassinat de 112 leaders communautaires et de 35 personnes en processus de réincorporation a été recensé.

Une grave augmentation des massacres et des déplacements massifs dans le pays a été mis en évidence. Entre le 1er janvier et le 25 août de l’année en cours, 67 massacres ont été commis, lors desquels 243 personnes ont perdu la vie. Le 62,7% des cas ont été recensés dans 5 départements : le Cauca, l’Antioquia, la Vallée del Cauca, le Nariño et le Caquetá. Il est important de souligner que dans la même période, en 2020, 39 faits de ce type avaient été enregistrés, ce qui représente une augmentation de 53,8% en 2021.

Les déplacements massifs dans les zones rurales du pays sont aussi en augmentation, ce qui en fait d’ailleurs le phénomène traumatisant le plus en hausse depuis la signature de l’accord de paix. Durant le premier semestre du 2021, 102 déplacements massifs ont été recensés, et, dans la même période en 2020 51 faits avaient été rapportés, ce qui représente une hausse de 100% en 2021.

Pendant le premier semestre de 2021, la « Defensoría del Pueblo » a enregistré 68 confinements, ayant obligé 36 101 personnes de 192 communautés à rester à l’intérieur de leurs territoires. La plupart de ces faits ont un rapport avec l’intérêt des groupes armés illégaux pour les cultures illicites, les disputes pour le contrôle du trafic de drogue et des routes de la contrebande, et l’exploitation illicite de minerais. Près de 73% des populations confinées cette année par l’action des groupes armés illégaux se trouvaient dans les départements de l’Antioquia et du Chocó.

Il y a plusieurs zones du pays qui semblent forcées au silence, par des menaces reçues par les leaders communautaires de la part de groupes armés, pour les empêcher de dénoncer la situation. Dans le cas de la réserve indigène Awa dans la communauté autochtone de Llorente, Tumaco (Nariño), des affrontements entre des groupes armés illégaux ont été enregistrés le 29 juillet dernier. La communauté a dénoncé qu’à peu près 500 personnes armées sont entrées sur le territoire indigène et qu’un combat violent a eu lieu. Les engins explosifs ont causé des dégâts à plusieurs habitations et plusieurs membres de la communauté blessés ont été recensés, parmi eux, des personnes âgées. Aujourd’hui, la population est encore confinée, il n’y a pas de mobilité entre les villages et certaines personnes ont dû se déplacer à Tumaco ou quitter la municipalité.

Aussi, la situation difficile vécue dans le triangle de Telembí – localisé au sud de la Colombie, près de la frontière avec l’Équateur – est soulignée. La population de cette zone vit une de ses pires crises humanitaires des vingt dernières années. Cette sous-région, formée par les municipalités de Barbacoas, Magüí Payán et Roberto Payán, est en crise à cause des combats entre les différents groupes armés se disputant le territoire. D’après les estimations de Médecins sans Frontières, durant le premier semestre de 2021, 21’106 personnes ont été déplacées. En plus de cela, plus de 6000 personnes ont été obligées de se confiner dans leurs maisons ou dans leurs communautés autochtones en raison de l’insécurité, des menaces des groupes armés, ainsi que des risques liés aux mines anti-personnelles.

Le président Duque a assumé une position passive face à la vague de violence qui frappe le pays : il ne reconnaît pas l’aspect systématique des assassinats des leaders sociaux, il utilise des euphémismes pour faire référence aux massacres les appelant des « homicides collectifs » et ne promeut pas le travail de la Commission Nationale des Garanties de Sécurité, instance dérivée de l’Accord de paix ayant comme objectif le démantèlement des comportements et organisations criminelles.

Il est important de signaler qu’en Colombie les violations des droits humains, sont loin d’être toutes enregistrées, étant donné que les communautés indigènes et les leaders communautaires s’abstiennent de dénoncer, pas seulement à cause des pressions des groupes armés illégaux, mais aussi, et principalement, à cause des hauts indices d’impunité et le manque d’impartialité des entités enquêteuses. On doit signaler l’alarmante concentration de pouvoir dans les mains de Duque : les bureaux du procureur général, du médiateur et de la fiscalité sont dirigés par des amis et d’anciens fonctionnaires du gouvernement.