Les droits des paysans sont aux paysans et aux paysannes. Pas un de moins !
Déclaration Finale de La Via Campesina. Sixième Session de l’Organe Directeur du Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture.
(Rome, 9 Octobre 2015). Merci Monsieur le Président. Mesdames et Messieurs
Il y a 30 ans, dans cette même salle, la société civile avait déjà proposé à la FAO un débat sur les Droits des Agriculteurs. Trente années se sont écoulées, toute une génération… et enfin le Traité a pu être approuvé mais néanmoins nous attendons toujours sa mise en œuvre effective.
Avec de très nombreux réseaux de semences paysannes de tous les continents, La Via Campesina vous a alerté sur les risques d’atteinte à l’accès des ressources phytogénétiques et aux Droits des Agriculteurs que génère la collaboration engagée par le Secrétariat avec le projet Divseek. Nous tenons à renouveler cette alerte : il ne faudrait pas que de telles violations des principes et des règles de gouvernance du Traité en viennent à le détruire. Il semblerait que le Traité est en train de se convertir en un Traité de gigabytes ne défendant ni les Droits des Agriculteurs, ni la conservation in situ, ni les semences paysannes.
Etant donné la vitesse à laquelle se déroulent les négociations du Système mondial d’information, le Traité doit suspendre sa collaboration avec DivSeek. D’ici à quelques années, tout le matériel génétique des banques publiques de germoplasme sera séquencé et prêt pour que les multinationales puissent y avoir accès sans signer l’ATTM (Accord type de transfert de matériel), supposant donc une violation du contenu du Traité. Nous prenons note de la décision prise par l’Organe directeur de réfléchir à ce problème, pour autant nous craignons qu’une fois examiné le mal causé sera irréversible. Toutes les ressources, dans la mesure où elles seront “dématérialisées”, finiront par faire le jeu des brevets;
La Via Campesina remercie l’Organe directeur d’avoir permis à la société civile de proposer un cadre visant à améliorer sa participation. Cependant, nous sommes scandalisés de sa décision d’avoir confié la définition des Droits des Agriculteurs à la recherche agricole, à l’UPOV et à l’OMPI sans avoir prévu la participation des organisations paysannes, internationales et nationales, qui conservent et renouvellent la diversité des semences dans leurs champs.
La Vía Campesina tient à remercier les nombreux pays qui ont appuyé ses propositions, ainsi que le gouvernement indonésien de s’être proposé pour organiser un débat sur les Droits des Agriculteurs.
Néanmoins, nous dénonçons le comportement des deux pays qui ont fait obstacle à toute prise de décision positive en faveur des paysannes et paysans.
Afin d’avancer sur ce point, diverses fenêtres pourraient être ouvertes. Or, pour ce faire, les gouvernements doivent assumer leurs responsabilités et nous aider à les ouvrir en grand dans leurs propres pays.
Les droits des agriculteurs sont difficiles à appliquer car les multinationales ont peur, mais nous, paysans, nous n’avons pas peur. Le système agroindustriel s’épuise, il détruit notre biodiversité, nos semences locales et nos systèmes de production. De plus, il n’existe pas de “plan B”, que va-t-il se passer lorsque tout ceci s’achèvera?
Pour l’industrie, il est seulement urgent de pouvoir obtenir un maximum de bénéfices dans le moins de temps possible tandis que, pour les paysans, il est urgent de se centrer sur l’alimentation de la population mondiale et de maintenir la biodiversité qui est à la base de la production alimentaire.
Les gouvernements ont une responsabilité pour que les citoyens, habitants des villes, consommateurs et travailleurs, participent à ce débat. Au cas où ils ne l’assumeraient pas, La Vía Campesina prendra l’initiative et mènera les actions nécessaires afin de contribuer à la prise de conscience des populations.
La Via Campesina fera en sorte que, dans tous les pays, les paysannes et les paysans participent à la définition et à la mise en pratique de leurs droits, tels que stipulés dans le Traité.
Les droits des paysans sont aux paysans et aux paysannes.
Pas un de moins !