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La Via Campesina avertit sur la fragilité démocratique en Équateur

Communiqué de La Via Campesina dénonce le contexte de désinstitutionnalisation en Équateur avec des militaires aux côtés du président et un décret sur le terrorisme.

(Bagnolet, 20 mai 2023) Les organisations paysannes, indigènes, des sans-terre, de femmes et des travailleur·euses qui font partie du mouvement international La Via Campesina dans le monde entier, alertent avec une grande préoccupation sur le contexte actuel en Équateur, marqué par une grave crise politique, accompagnée d’une profonde crise économique et sociale, avec des niveaux élevés de violence de la part de l’État, des groupes criminels et des groupes de pouvoir qui continuent à piller le peuple.

Le mercredi 17 mai, le président équatorien Guillermo Lasso a signé le décret exécutif de l’Assemblée nationale, dans le cadre du procès politique ouvert contre lui pour des accusations de détournement de fonds. Le décret prévoit également la tenue d’élections générales anticipées dans un délai de 90 jours.

En tant que la Via Campesina, nous sommes préoccupé·e·s par le fait que la «mort croisée», comme cette action est connue, bien qu’il s’agisse d’une figure constitutionnelle approuvée en 2008, a été soutenue par les forces armées et la police, sans une déclaration officielle de la Cour constitutionnelle.

D’autre part, nous avertissons d’un risque très fort pour la validité de la démocratie car bien que l’instrument de « mort croisée » soit un outil constitutionnel, dans un scénario  d’anti-démocratie, il peut être dangereux.

En tant qu’organisations paysannes, nous demandons au président Lasso de ne pas approfondir le néolibéralisme, l’extractivisme, la privatisation des services de base, avec la cession des ressources naturelles (pétrole, mines, spectre radioélectrique) aux sociétés transnationales, tant que durera ce processus. Nous avons besoin de décrets qui répondent aux demandes urgentes des secteurs populaires des campagnes et des villes, et pas seulement à celles des groupes d’affaires, nous rejetons tous les types de concessions et de privatisation des bien de l’État.

En tant que mouvement organisé à travers le monde, nous appelons au niveau international, à nos organisations, allié·e·s et institutions multilatérales à rester attentifs aux événements survenus en Équateur. Nous devons garantir des élections transparentes, la validité de la démocratie dans le pays et sur le continent, dénoncer les pratiques impérialistes et interventionnistes des États-Unis et veiller à ce que la légalité soit maintenue tout au long du processus.

Nous appelons à :

  • Répondre immédiatement à la grave crise sociale que connaît le pays, avec des taux élevés de faim et de malnutrition chez les enfants, la pauvreté, migrations, le manque d’emploi pour près de la moitié de la population, le manque d’investissement  dans la santé et l’éducation, ainsi que la violence et l’insécurité excessives des bandes criminelles.
  • Accorder une attention particulière au secteur paysan qui nourrit le pays, aux Montubios, aux afro-descendants et aux peuples autochtones, ainsi qu’au secteur de la pêche artisanale qui sont endettés auprès des banques, esclaves sur leurs territoires, qui subissent également des agressions, des enlèvements, des extorsions et des meurtres, ainsi que la négligence totale de l’État. Pendant ce temps, les secteurs des affaires, de l’agroindustrie et de la banque, qui soutiennent le gouvernement de Lasso et d’autres secteurs politiques, affichent des taux de profit honteux, car ils sont les principaux bénéficiaires de la corruption qui affecte l’Équateur.
  • Respecter les droits politiques des membres de l’assemblée progressiste, tout en reconnaissant et en soutenant la trajectoire militante de gauche et les actions politiques du camarade José Agualsaca, dirigeant historique de la FEI (Confédérations des Peuples, des Organisations indigènes paysannes de l’Équateur). Une organisation membre de la CLOC – La Via Campesina et actuel membre de l’assemblée qui, il y a quelques mois, a offert son siège au nom de la gouvernabilité du pays.
  • Soutenir les processus démocratiques des organisations autochtones, étudiantes et de travailleur·euse·s, dans le respect de la liberté de réunion et d’association, afin d’initier des processus d’assemblée au niveau territorial, parce que nous comprenons que la démocratie, c’est le peuple organisé et luttant pour ses droits.
  • Garantir des élections transparentes qui ne censurent pas la participation et les candidatures de tous les secteurs, que le CNE restructure les conseils électoraux provinciaux, que leur intégration soit plus démocratique et que les centres de comptage intermédiaires, provinciaux et nationaux soient audités.
  • Nous appelons les secteurs de la gauche, les partis, les organisations et les mouvements à articuler un projet d’unité, populaire et progressiste pour les élections prévues en août 2023, qui s’adresse aux secteurs les plus concernés de la société, comme indiqué dans la Constitution de 2008, qui a une vocation humaniste et anticapitaliste, et que reconnaît également la paysannerie comme un sujet de droit et une priorité dans les politiques publiques, et la souveraineté alimentaire comme un objectif stratégique de l’État pour une véritable révolution dans les campagnes.

Nous appelons à un travail d’entraide national pour reconstruire un Équateur interculturel, juste et souverain !


Photographies Grève nationale Équateur, juin 2022. Edu León.