Italie : Des repas pour les réfugiés bloqués à Vintimille

Article paru dans le numéro 325 de Campagnes Solidaires. Février 2017

Des citoyennes et citoyens de la région de Nice, dont des paysan·nes confédéré·es des vallées de la Roya et des environs, produisent des repas qu’ils vont distribuer à Vintimille, à la frontière entre la France et l’Italie où sont bloqués des centaines de réfugié·es.

Les migrant·es réfugié·es continuent d’affluer à Vintimille, à la frontière entre la France et l’Italie. Quand nous avons commencé fin mai 2016, ils et elles « squattaient » d’abord à la plage, puis sous un pont routier. Sans aucune aide officielle – ni nourriture, ni sanitaire – sauf celle procurée par des jeunes volontaires venus de toute l’Europe (1). La Croce Rossa, la Croix Rouge italienne, a même été renvoyée, jugée inutile par le ministère de l’Intérieur dont elle dépend.
Ensuite, le Pape ayant secoué les paroissiens italiens, les migrant·es ont été hébergé·es à l’église Sant’Antonio. Là : sanitaires, nourriture en partie fournie par des associations françaises et italiennes bénévoles. Ils et elles étaient alors déjà près d’un millier.

Puis un centre géré par la Croce Rossa a revu le jour à quelques kilomètres du centre ville, d’une capacité d’accueil officielle de 350 places, uniquement pour les hommes, capacité largement dépassée depuis jusqu’à laisser des dizaines voire des centaines de personnes dormir dehors (difficile de vérifier car l’accès du site nous est interdit). Ces hommes sont libres d’aller et venir, bien traités, mais apparemment pas assez nourris (voir le nombre des mains tendues lors de nos distributions). L’église est maintenant réservée aux familles et femmes seules .

Face à cette situation, il était difficile pour nous de ne rien faire. La vallée de la Roya est à – en moyenne – une demi-heure de Vintimille. Des habitant·es, à l’initiative de l’Association Roya Citoyenne, se sont organisés pour assurer des repas distribués en maraudes chaque soir, en allant ainsi à la rencontre des réfugiés dans la ville. Ce fut d’abord cinq jours par semaine, puis chaque soir grâce à des forces extérieures venues nous rejoindre à partir de Nice et d’autres vallées de l’arrière-pays .

Nos repas sont préparés chez l’un ou l’autre par quelques cuisiniers et cuisinières de fortune .Cet été, de nombreux paysans et paysannes solidaires de par chez nous ont offert des fruits et légumes frais en grande quantité.

Nous essayons depuis le début de l’hiver de cuisiner des repas consistants mais n’avons pas encore réussi à trouver des containers isothermes assez grands pour servir chaud. Puis une ou deux voitures descendent et la distribution se fait la plupart du temps à la sauvette car souvent les carabiniers italiens interviennent plus ou moins énergiquement (2).

Il faut savoir qu’une interdiction de nourrir les migrant·es est en vigueur à Vintimille, sous prétexte de normes d’ hygiène, et que nous sommes donc hors-la-loi. La municipalité oppose aussi le fait que les réfugié·es sont bien nourri·es au camps de la Croix Rouge, ce qui est infirmé par les personnes concernées. Des tractations sont en cours avec la mairie de Vintimille pour obtenir une accréditation qui permettrait l’accès au camp, de cuisiner sur place et de servir chaud. Et aussi, très important, d’avoir le temps de discuter, échanger des sourires sans la crainte de l’ arrivée des carabiniers.

Nos maraudes sont entièrement financées par les dons adressés à notre association (3). Peu à peu les conditions s’améliorent, du matériel de cuisine nous est offert par d’autres associations partenaires.

Depuis la trêve de Noël, les forces de l’ordre n’interviennent pas ou très peu mais les choses ne sont jamais définitives…

Nous distribuons de 150 à 250 portions chaque fois, en fonction des possibilités, et essayons de nous adapter. Les maraudeurs font chaque soir un compte rendu par courriel pour celles ceux qui vont descendre le lendemain.

Nous participons aussi à l’accueil de réfugié·es qui arrivent chez nous. Notre association est de plus en plus connue, soutenue et aidée, mais débordée.

Et puis il y a le président du département, le « Duciotti » (Éric Ciotti de son vrai nom) qui ne cesse d’aboyer. Mais la caravane passe…

Jean-Noël Fessy, Claudine Avram et Claudie Rambaud (paysannes dans la Roya)

(1) Dont des membres du réseau No border

(2) Contrôles d’identité jusqu’à reconduite à la frontière pour empêcher la distribution

(3) http://roya06.unblog.fr/lassociation-roya-citoyenne/