Inde : Mouvements paysans protestent contre l’acquisition forcée de terres agricoles près de l’aéroport de Bengaluru
Depuis 842 jours, des petit·es agriculteur·euses et des travailleur·euses agricoles de Channarayapatna, Devanahalli, près de l’aéroport international de Bengaluru, mènent une protestation contre l’acquisition forcée de leurs terres pour un projet industriel. Cette région agricole fertile soutient diverses activités horticoles, séricicoles, d’élevage et autres activités agricoles, y compris la culture de millets, les célèbres raisins bleus de Bangalore, une grande variété de légumes et de fruits, ainsi que des fleurs récemment.
Selon les rapports de presse, la Karnataka Industrial Area Development Board (KIADB) prévoit d’acquérir 1 777 acres pour le Projet de Développement de la Zone Industrielle de Haralur (Phase II). Lors de la Phase I, le conseil a développé une zone industrielle sur 1 282 acres, où deux entreprises ont établi des unités de production. La notification préliminaire pour l’acquisition a été émise le 30 août 2021.
Ce projet affectera environ 700 familles paysannes. Parmi celles-ci, jusqu’à 475 acres sont détenus par des agriculteur·rices issus de communautés historiquement opprimées et des peuples autochtones de la région. On estime également que près de 6 000 personnes travaillent dans l’agriculture dans cette zone.
Le 22 juillet, le Karnataka Rajya Raitha Sangha, Hasiru Sene, Dalit Sangarsha Samiti et plusieurs autres organisations alliées, sous la bannière du ‘Bhoosvadhina Virodhi Horata Samithi’ (Comité de Lutte contre l’Acquisition de Terres), ont organisé un rassemblement à Devanahalli et ont mené une marche de protestation à pied jusqu’à la résidence du Premier Ministre à Bengaluru. Cependant, ils ont été arrêtés et détenus par la police.
Avant cette marche de protestation, les agriculteur·rices avaient rencontré à plusieurs reprises des ministres éminents du Karnataka. Plus récemment, une délégation de leaders paysan·nes de niveau national, dirigée par Rakesh Tikait et Yudhvir Singh, a également rencontré Siddaramaiah pour discuter du problème d’acquisition de terres. Selon les agriculteur·rices, des avis finaux concernant l’acquisition ont été délivrés dès le lendemain dans deux villages.
“Le millet, un aliment riche en valeur nutritionnelle et étroitement lié au régime traditionnel des communautés, est la principale culture dans la région. Les terres servent également à cultiver des raisins, des haricots, des mangues et une variété d’autres légumes. De nombreux·euses résident·es possèdent également de petits élevages, et les terres sont cruciales pour le pâturage. Comment peut-on enlever ces terres qui nourrissent la ville ?“, demande Pramod Polanahalli, un jeune paysan de la communauté et organisateur du KRRS.
Selon une enquête menée par les familles paysannes affectées, environ 1 000 tonnes de ragi (millet) et d’autres céréales, 2 000 tonnes de raisins, 150 tonnes de mangues et d’autres produits sont cultivés sur ces terres. Jusqu’à 8 000 litres de lait sont produits chaque jour dans 13 villages, et l’élevage laitier est une source importante de revenus pour les agriculteur·rices.
“Près de 50 % des terres sont alimentées par les pluies, ce qui les rend fertiles. Sur les 1 292,1 acres de terres désignées, près de 42 % ont été accordés par le gouvernement à des personnes sans terre dans le cadre d’une politique antérieure de réforme agraire. Les familles paysannes restantes cultivent ici depuis des générations. L’agriculture est notre vie ; c’est tout ce que nous connaissons“, ajoute Karahalli Srinivas, un leader du Dalit Sangarsha Samithi, en première ligne de la lutte.
Les points de vue de Srinivas sont partagés par d’autres manifestants, qui affirment que l’agriculture est plus qu’un moyen de subsistance et que la terre et les fermes sont étroitement liées à leur identité, culture et patrimoine. Pendant plus de deux ans, les manifestants ont campé sur le site, envoyant quotidiennement de 35 à 40 personnes de leurs communautés. Lors des récentes élections nationales en Inde, les paysan·nes de la région avaient annoncé un boycott des élections nationales si les politiciens, de tous les partis politiques, continuaient d’ignorer leur lutte.
Les leaders paysan·nes du KRRS, qui ont protesté le 23 juillet, ont également exprimé leurs préoccupations concernant la déforestation de vastes étendues de terres vertes pour la fabrication à grande échelle, à un moment où la ville fait face à une crise de l’eau, où le secteur agricole est en détresse, et où les événements météorologiques extrêmes – sécheresses et pluies intempestives – se multiplient.
“KIADB a déjà acquis des milliers d’acres de terres dans le Hobli de Channarayapatna pour divers projets. Plus de 80 % des agriculteurs ont refusé de céder leurs terres. Notre lutte pour la terre continuera et s’intensifiera. Il s’agit clairement de transformer des terres fertiles et productives, dont près de la moitié sont alimentées par les pluies, qui abritent et emploient un grand nombre de familles et cultivent des cultures nutritives adaptées écologiquement et climatiquement à la région. Ces terres agricoles sont essentielles pour notre biodiversité et notre souveraineté alimentaire. Pourquoi le gouvernement ne peut-il pas déplacer ces zones industrielles ailleurs ?”, questionne KT Gangadhar, un leader senior du KRRS.
“La tendance à l’acquisition forcée de terres agricoles dure depuis deux décennies dans le pays. Cela se fait au nom du développement, pour attirer des investissements étrangers et générer des opportunités d’emploi. Jusqu’à présent, plus de 500 000 acres ont été acquis, la plupart n’étant pas utilisés pour établir des industries mais pour la spéculation. Dans leur concept, produire du lait, des légumes, des fruits et des fleurs n’est pas considéré comme du développement, bien que ces secteurs contribuent à hauteur de 18 % au PIB de l’Inde. Pour eux, le développement signifie jouer avec la vie des personnes vulnérables et sans voix. Indépendamment du parti au pouvoir, tous sont pro-capitalistes”, déclare Chukki Nanjundaswamy du KRRS.
Selon les derniers rapports, le ‘Bhoosvadhina Virodhi Horata Samithi’ (Comité de Lutte contre l’Acquisition de Terres) a décidé d’intensifier les protestations si aucune résolution immédiate n’est trouvée sur cette question.
Cet article a été préparé sur la base des contributions des membres du KRRS et de divers rapports médiatiques.
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