Inde : Les agriculteur·rices du Karnataka protestent contre les OGM maïs et coton
En Inde, les agriculteur·rices du Karnataka protestent contre les essais en plein champ de maïs et de coton génétiquement modifiés
Le Karnataka Rajya Raitha Sangha – l’un des plus grands syndicats paysans du sud de l’Inde – a exprimé son opposition à la décision du Comité de coordination des biotechnologies de l’État d’accorder un certificat de non-objection (NOC) pour la réalisation d’essais en plein champ des variétés de coton et de maïs transgéniques MLS 4301 et MLS 2531 entre 2024 et 2026.
Ce certificat ouvre la voie à l’approbation, par le principal organisme de réglementation du pays, le comité d’évaluation du génie génétique, des essais sur le terrain de Rallis India Ltd, une filiale de Tata Chemicals. Rallis produit et commercialise divers intrants agricoles, notamment des pesticides, des fongicides, des insecticides, des semences et des nutriments pour la croissance des plantes.
La commercialisation du coton génétiquement modifié en 2002 est souvent citée comme un rappel brutal de la façon dont les petit·es agriculteur·rices ont perdu leur autonomie sur leurs cultures et leurs semences, ce qui a conduit à un contrôle accru de l’agriculture par les entreprises. Dans un communiqué de presse, le KRRS a réitéré cette préoccupation en soulignant la disparition des variétés de coton natives dans les zones traditionnelles de culture du coton du Karnataka à la suite de l’introduction du coton Bt. Le KRRS note que ce monopole a privé les cultivateur·rices de coton de leur liberté de choisir leurs semences, puisqu’iels dépendent désormais chaque année de semenciers privés pour leurs semis.
Une étude réalisée en 2020, qui combine des données provenant de sources multiples et couvrant une période de 20 ans, a conclu que si le coton Bt a permis de lutter efficacement contre un ravageur majeur du coton, il a également entraîné le développement d’une résistance chez un autre ravageur et l’augmentation des populations de ravageurs non ciblés obligeant les agriculteur·rices à dépenser davantage en pesticides qu’avant l’introduction du coton Bt. Ce constat trouve également un écho chez d’autres expert-e-s en Inde, qui affirment que le coton hybride Bt en Inde a entraîné un plafonnement des rendements, des coûts de production élevés et une faible productivité, ce qui a conduit à la détresse des agriculteur·rices et à des suicides. Des études récentes ont également souligné que la détresse est aiguë chez les petit·es agriculteur·rices issu·es de communautés historiquement opprimées, où la discrimination structurelle et sociale, associée à l’incapacité de la famille à générer du capital, les a conduits à mettre fin à leurs jours.
Les syndicats paysans considèrent l’introduction de semences génétiquement modifiées comme un moyen pour les sociétés transnationales de prendre pied sur le marché indien des semences. L’arrivée du coton Bt dans les années 1990, grâce à la participation de Monsanto dans Mahyco, a marqué le début de cette tendance. Aujourd’hui, Mahyco Monsanto Biotech (Inde), une coentreprise entre Monsanto et Maharashtra Hybrid Seeds Co, domine la commercialisation des semences de coton génétiquement modifié, en accordant des sous-licences à plus de 45 semenciers indiens.
Selon les données disponibles en 2014, près de 77 % de toutes les cultures génétiquement modifiées en attente d’essais ou d’autorisation de commercialisation dans le cadre du système réglementaire indien sur les OGM proviennent d’entreprises privées, dont Monsanto, Bayer, BASF, Syngenta, Dow Agrosciences et certains de leurs partenaires indiens en coentreprise. La plupart de ces expériences portent sur des cultures telles que le coton, le maïs, le riz, le soja, le blé et l’okra.
Les syndicats paysans indiens s’opposent depuis longtemps à l’introduction de cultures génétiquement modifiées. En 2010, après une forte opposition, le gouvernement indien a imposé un moratoire sur la commercialisation et la déréglementation du Bt Brinjal (plante à œufs). Les inquiétudes concernant le cadre réglementaire des cultures génétiquement modifiées, y compris l’utilisation de gènes marqueurs résistants aux antibiotiques, ont été soulevées dans un rapport présenté au Parlement indien en 2012.
Dans le contexte des avis de conformité pour les essais en plein champ de maïs et de coton génétiquement modifiés, le KRRS réitère cette préoccupation. “La communauté scientifique internationale n’est pas encore parvenue à un consensus sur la biotechnologie transgénique. Au cours des 25 dernières années, les scientifiques internationaux ont exprimé leur inquiétude sur le fait que l’utilisation de la technologie génétiquement modifiée/transgénique dans l’agriculture aura un impact négatif irréversible sur la santé des êtres humains, des animaux, des oiseaux et de l’environnement”, ont déclaré le KRRS et Hasiru Sene, qui ont demandé au gouvernement de l’État d’empêcher de tels essais en plein champ.
Il convient également de noter que la Cour suprême de l’Inde examine actuellement un ensemble de litiges contestant la décision de 2022 de disséminer commercialement de la moutarde génétiquement modifiée (DMH-11) dans l’environnement. Les activistes qui ont déposé ce recours ont soulevé des questions sur le processus réglementaire défectueux et sur les effets potentiels sur l’environnement et la santé. Au début de l’année, lors de l’audition des arguments, la Cour a également exprimé son mécontentement à l’égard du comité d’évaluation du génie génétique, qui n’a pas tenu compte des recommandations d’un comité d’experts nommé par la Cour avant d’approuver la dissémination de la moutarde génétiquement modifiée.
Image de couverture : Photo d’une marche de protestation du KRRS, utilisée uniquement à des fins de représentation.