Haïti: Marche du souvenir

Nous, plus de 12 000 paysans membres du MPP venus de tous les coins du Plateau Central, une délégation du MPNKP venue des 4 coins d’Haïti, une délégation des autres organisations comme : KROSE, KONAFAP, RENHASA, PLANOPA, KABA GRANGOU, et les organisations qui avaient soutenu la marche du 4 Juin 2010, nous nous sommes réunis en ce 21 Juin 2011 à Papaye pour marcher encore une fois vers la ville de Hinche.

Nous marchons à nouveau pour rappeler à Monsanto et ses alliés en Haïti, ses alliés aux États-Unis et ses alliés dans le monde entier que nous nous souvenons.

Oui , nous nous souvenons ! Nous nous souvenons de Monsanto cette multinationale agro poison qui avait offert 480 tonnes de semences de maïs hybrides faisant partie d’un parquet avec des engrais et pesticides chimiques au gouvernement Préval. Le Ministère de l’Agriculture en complicité avec le projet WINNER de USAID avait commencé à recevoir ces semences empoisonnés visant à détruire nos semences, empoisonner nos sols, nos sources d’eau, l’air que nous respirons et à éliminer l’agriculture paysanne. Ce projet vise la domestication des familles paysannes par les multinationales de l’agro-toxique qui sont en train de détruire la planète.

Exposition de plantules dans la foire de bio-diversite

Oui, nous nous souvenons ! Nous nous souvenons du projet du gouvernement de Georges Bush, de Préval et de la fondation JATROFA visant à faire main basse sur les terres du pays pour produire de l’agro-carburant pour les voitures alors que les êtres humains meurent de faim dans le pays.

Oui , nous nous souvenons ! Nous nous souvenons du complot du gouvernement de Préval qui chasse des familles paysannes sur 250 hectares terres fertiles de la commune de Caracole dans le Nord-est, pour les donner à une entreprise asiatique pour construire une zone franche où l’on va violer les droits des travailleurs. Nous nous souvenons des terres que le gouvernement d’Aristide avait données à une compagnie dominicaine dans la plaine de Maribareaux dans le même département.

Oui, nous nous souvenons ! Nous nous souvenons que nous étions des dizaines de milliers de paysans qui avaient marché le 4 Juin 2010 pour dire NON à Monsanto, non à l’accaparement des terres par les multinationales, non à la production des agro-carburants en Haïti.

Nous avions dit NON, 77 fois et 7 fois NON. Les paysans haïtiens n’ont pas besoin des semences de Monsanto, nous n’avons pas besoin des pesticides de Monsanto, nous n’avons pas besoin des engrais chimique de Monsanto, nous n’avons pas besoin de l’aide venant de Monsanto, une aide qui a pour but de détruire les semences locales, détruire la biodiversité du pays, détruire la terre, notre mère et la mère de tout être vivant.

Nous avions dit NON, et nous sommes de retour pour rappeler notre NON avec plus de force. Nous sommes sur la place Charlemagne Péralte pour dire 777 fois par 77 que : nous sommes plus que jamais déterminés à défendre NOS SEMENCES LOCALES, NOS TERRES AGRICOLES, NOTRE ENVIRONNEMENT.

Nous avions dit NON, et nous sommes de retour pour dire NON avec plus de force : Nous ne voulons pas des plantations de JATROFA ni d’aucun autre désert vert dans notre petit pays. Haïti n’a pas de terre pour produire des agro-carburants. Nous avons juste assez de terre pour produire des aliments et des habitats décents pour notre population.

Dans cette marche du SOUVENIR, nous voulons rappeler une série de problèmes graves que confronte le pays :

1.- Nous nous souvenons de l’environnement du pays qui ne cesse de se dégrader jour après jour. Le pays vient de connaitre une terrible sécheresse dans la majorité des départements. Quand il pleut, presque tout le pays est inondé. Les désordres climatiques frappent Haïti et les familles paysannes tous les jours. Le pays est en train de devenir un désert avec moins de 2% de couverture végétale. L’existence du pays est menacée, surtout l’existence des plus pauvres.

2.- Nous nous souvenons qu’Haïti était souverain dans la production de ses aliments au cours des années 70 et exportait un large surplus. Aujourd’hui la vie de la population dépend des aliments importés, souvent empoisonnés, bénéficiant du dumping et de la baisse des tarifs douaniers appliquée dans le cadre des politiques néolibérales pour tuer l’agriculture paysanne. L’agriculture du pays est en défaillance. Les paysans sont abandonnés. L’Etat oublie que les paysans représentent plus de 70% de la population du pays. Il est au service de la politique des grands pays, des multinationales pour tuer notre agriculture.

3.- Nous nous souvenons de la catastrophe qui a frappé le pays le 12 Janvier 2010 qui a fait plus de 300 mille morts, 1 million cinq cent mille sans abris. Beaucoup de milliards sont empochés au nom des victimes, mais il n’est un secret pour personne que la situation des victimes reste inchangée. Ils ont vu de toutes les couleurs avec les inondations au commencement du mois de Juin. Le malheur de ces victimes fait le bonheur de ces sangsues qui ne se soucient que d’accroitre leurs richesses.

4.- Nous nous souvenons de plus de 800 mille personnes qui avaient laissé Port-au-Prince pour aller chercher refuge dans les villes de provinces. C’était un véritable méli-mélo, un incessant va-et-vient entre les « gens en dehors » et la république de Port-au-Prince. Les familles qui avaient reçu les déplacés, dans leur sensibilité leur ont donné à manger toute leur réserve de grains, les femmes sont allées jusqu’à dépenser de l’argent escompté auprès des institutions financières à des taux exorbitants afin de nourrir les déplacés. Résultat, beaucoup de victimes indirectes sont créées. L’état les oublie. L’état les abandonne. Quelques ONGs leur donnent un peu d’assistance, une assistance chargée de corruption, une assistance liée avec le complot de détruire l’agriculture paysanne.

5.- Nous nous souvenons du pays qui est sous l’occupation. Une occupation qui emmène le cholera qui fait des ravages dans tout le pays, surtout dans le milieu paysan. Le cholera est en train de tuer des paysans dans les zones montagneuses pendant que les autorités du pays déclarent combien ils ont diminué la force de la maladie. Elles donnent des faux chiffres à l’international parce que les autorités du ministère la santé publique ne savent vraiment pas la quantité de personnes que le cholera tue dans le pays.

6.- Nous nous souvenons du complot de trahison que le parlement a monté avec le gouvernement Préval pour détruire la souveraineté du pays en prenant une loi qui a créé le comité intérimaire pour la reconstruction d’Haïti pour permettre aux riches nationaux et internationaux de gagner plus d’argent en se servant des victimes du tremblement de terre qui continuent de croupir dans la boue puante avec leurs misérables tentes déchirés. Ceux qui sont soi-disant sortis sous les tentes sont rentrés dans des quartiers miteux où les conditions de vie sont aussi mauvaises que dans les camps. Cette histoire de reconstruction et de refondation dont on parle n’est autre que l’exutoire de ceux qui profite du tremblement de terre pour augmenter leurs richesses.

7.- Nous nous souvenons des élections / sélections, des élections/ nominations que le pouvoir INITE avait organisées dans le pays afin de placer une série de faux parlementaires qui n’ont rien à voir avec la volonté populaire. Il y a une politique d’exclusion des masses populaires spécialement les paysans des affaires politiques du pays.

8.-Nous nous souvenons, nous nous souvenons, nous nous souvenons de beaucoup de choses, nous nous souvenons de trop de choses. Nous nous souvenons de tous les enfants qui n’ont pas droit à une bonne éducation. Nous nous souvenons de tous ces gens qui sont au chômage. Nous nous souvenons de toutes les personnes qui meurent de faim dans les villes ainsi que dans les campagnes. Nous nous souvenons de tous ceux qui sont morts en défendant la souveraineté du pays. Nous nous souvenons de tous ceux qui sont morts sous les armes des criminels.

Tout ce dont nous nous souvenons, comme organisations paysannes, comme citoyens révoltent notre conscience. Nous déclarons que ces situations sont inacceptables, nous ne devons pas les accepter.

Suite aux réflexions faites sur tout ce dont nous nous souvenons, nous demandons :

  • Nous demandons à toutes les organisations paysannes, les organisations des jeunes, les organisations des femmes de continuer d’unir nos forces. Unissons nos forces avec toutes les autres organisations du mouvement social pour dire: “trop, c’est trop!”. Nous sommes fatigués de la situation du pays. Nous décidons de nous mobiliser, de nous mettre debout pour apporter notre aide dans l’action pour changer les conditions de vie en Haïti.
  • Nous demandons un grand rassemblement afin de sauver le pays dans l’action de conservation des sols et du reboisement. Nous renouvelons l’engagement que nous avions pris lors du congrès de 35ème anniversaire du MPP en 2008 pour planter 100 mille arbres dans chaque section communale du pays chaque année. Cela avait donné plus de 56.5 millions arbres à planter. Ils doivent être plantés dans un système d’agro-écologie qui les protège.
  • Nous demandons à l’Etat de prendre la disposition de s’allier avec les paysans dans leur combat national pour produire de la nourriture saine afin de nourrir tous les habitants du pays et qu’il redevienne un pays souverain dans l’alimentation de la population. Cela demande une reforme agraire radicale et intégrale, cela demande que l’Etat crée des infrastructures d’irrigation qui permettront d’irriguer les terres irrigables. Cela exige du crédit dans de très bonnes conditions. Cela demande une bonne assistance technique. Cela demande une politique agricole claire, laquelle politique apparaitra dans le budget de l’Etat, où l’agriculture et l’environnement détiennent au moins 20%.
  • Nous demandons qu’on reconsidère le dossier du CIRH (Comité Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti). Nous ne voulons pas reconstruire la même Haïti. Il faut un plan de construction d’une nouvelle Haïti avec la participation de tous les secteurs de la vie nationale. Nous voulons un plan Haïtien monté par les haïtiens.
  • Nous demandons qu’il y ait des dispositions pour sortir les victimes du tremblement de terre sous les tentes. Ils doivent pouvoir enfin avoir une maison où ils pourront vivre décemment dans un environnement sain. L’Etat doit accompagner les déplacés dans le cadre de leur intégration et aider les victimes indirectes qui les avaient accueillis à rebâtir leurs économies.
  • Nous demandons que de grandes dispositions soient prises spécialement dans les sections communales pour freiner les ravages du CHOLERA au sein de la population. Il faut qu’il y ait des centres de traitement. Mais le plus important serait de résoudre le problème d’eau potable dans les sections communales. Il faut qu’il y ait une campagne d’éducation et de formation dans tous les coins et recoins du pays
  • Nous demandons que le nouveau gouvernement prenne toutes les dispositions nécessaires pour sortir le pays de l’occupation étrangère.
  • Nous demandons aux secteurs politiques qui négocient le partage du pouvoir en ce moment, pour une fois, de songer à mettre les intérêts du pays avant leurs propres intérêts.

Nous sommes plus que jamais déterminés à rester ferme dans : la défense de l’agriculture paysanne, la défense des semences locales, la lutte pour refaire l’environnement du pays, la lutte pour refaire une Haïti ou tous les haïtiens peuvent vivre dans de bonnes conditions.

NON À L’OCCUPATION ! NON À L’AGRICULTURE INDUSTRIELLE !

VIVE L’AGRICULTURE PAYSANNE ! VIVE LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE !

ORGANISATION OU LA MORT.

Pour authentification : Chavannes Jean-Baptiste

Porte parole.