Europe : Brevet sur le vivant : non au vol des semences natives et des animaux de ferme !

Communiqué du réseau semences paysannes et de la Confédération Paysanne

(Bruxelles, le 15 décembre 2015) Les députés européens réunis à Strasbourg doivent débattre ce jeudi 17 décembre d’une résolution sur la brevetabilité des semences. Face à l’émotion créée par la décision de la Grande Chambre de l’Office européen des brevets qui a confirmé le 25 mars dernier la brevetabilité des plantes issues des procédés naturels tels que le croisement et la sélection (1), le Parlement européen se doit de réagir. En effet, que la loi soit bonne ou mauvaise, le juge est obligé de l’appliquer, seul le législateur peut la modifier.

La proposition de résolution soumise au vote du Parlement prétend s’opposer à ces brevets qui organisent le vol des semences natives et des animaux de ferme. Malheureusement, elle risque de faciliter au contraire la biopiraterie. Elle réclame certes l’interdiction des brevets sur les plantes issus de procédés naturels de sélection, mais elle ne s’oppose pas à la brevetabilité de leurs gènes ou caractères natifs lorsqu’ils sont recopiés et ré-assemblés par les nouvelles techniques de modification génétique. De plus, elle ne dit rien contre les brevets concernant les animaux de ferme. Si cette résolution devenait loi, toutes les plantes et tous les animaux contenant un gène ou un caractère natif ainsi breveté ne pourraient plus être cultivées ni élevés librement, y compris celles et ceux qui ne sont pas issus du procédé breveté, mais de procédés naturels de sélection.

La proposition de résolution prétend ensuite « libérer » les semences et les animaux confisqués par les brevets en facilitant l’accès aux séquences génétiques et aux protéines brevetées pour en sélectionner d’autres. Mais seules les grandes entreprises de biotechnologie modifient les gènes pour en sélectionner d’autres. Les agriculteurs et les petits sélectionneurs ne pourraient jamais profiter d’une telle « exception totale de sélection (2) ». Elle serait réservée au club fermé des biotechniciens qui se partageraient ainsi l’exclusivité totale de l’accès au patrimoine semencier et animal sélectionné et conservé par des centaines de générations de paysans.

Les paysans seraient obligés de racheter chaque année de nouvelles semences et de nouveaux animaux reproducteurs brevetés. Une telle dépendance mettrait le droit à l’alimentation des peuples européens entre les mains d’une poignée de firmes multinationales qui pourraient décider seules ce qu’ils doivent manger et même s’ils peuvent ou non manger !

Le Sénat français sera appelé à se prononcer sur le même sujet les 19 et 20 janvier prochain dans le cadre du débat sur la « loi biodiversité ».

La Confédération Paysanne et le Réseau Semences Paysannes appellent les parlementaires européens et français :

  • à refuser toute forme de brevet sur les plantes, les animaux, leurs composantes génétiques ou leurs caractères natifs obtenus ou pouvant être obtenus par des procédés naturels tels que le croisement et de sélection,

  • et à exiger une exception totale de l’agriculteur n’entravant d’aucune manière ses droits de conserver, d’utiliser, d’échanger et de vendre ses propres semences et ses propres animaux de ferme, de vendre sa récolte, ses animaux et les produits qui en sont issus et d’accéder sans droit de licence à toutes les ressources génétiques dont il a besoin.

Contacts :

Guy Kastler (FR) : 0033 6 03 94 57 21

Emilie Lapprand (FR, EN) : 0033 6 43 61 06 26

Roxanne Mitralias (FR, EN) : 0033 1 43 62 18 73

1) Procédés dits « essentiellement biologique » en droit des brevets

2) . Contrairement à l’exception de sélection du Certificat d’Obtention Végétale (COV), l’exception de sélection sur un brevet n’est pas à la portée des petits sélectionneurs ni des agriculteurs. Dans le cas du COV, cette exception permet d’utiliser une variété protégée pour en sélectionner une autre par croisements ou brassages génétiques naturels, ce qui est à la portée de tout agriculteur ou petit sélectionneur. Mais les brevets ne sont pas en Europe déposés sur des variétés, ni sur l’ensemble du génome des plantes, mais uniquement sur un trait génétique particulier pouvant être présent dans plusieurs variétés différentes. L’exception de sélection sur un tel brevet nécessite de pouvoir modifier ce caractère génétique, ce qui n’est pas à la portée des agriculteurs et des petits sélectionneurs qui ne disposent pas des moyens et des équipements nécessaires à la pratique des biotechnologies génétiques