Déclaration du Forum sur la souveraineté alimentaire; territoires de paix pour une vie digne

Sommet des peuples « Dehors l’OMC – Construisons la souveraineté, Buenos Aires, 12 et 13 décembre 2017.

Nous, les participants et participantes du Forum pour la Souveraineté Alimentaire qui s’est tenu à Buenos Aires les 12 et 13 décembre 2017 souhaitons exprimer notre accord pour la construction de Territoires de Paix pour les peuples ; les paysans et paysannes du monde et tous les peuples qui luttent pour rester sur nos territoires ancestraux et pour continuer de nourrir l’humanité, tel que nous l’avons fait ces dix mille dernières années; tout en rendant possible une vie digne dans les villes avec une alimentation saine et locale.

Nous, les plus de 300 participants et participantes à ce Forum pour la Souveraineté Alimentaire, paysans et paysannes, peuples autochtones, pêcheurs et producteurs de nourriture ; provenant de plus de 30 pays de 4 continents, nous dénonçons, en premier lieu, la violence du Libre Commerce qui, lors ce Sommet Ministériel s’est exprimé clairement à travers la censure exercée par le Gouvernement argentin, l’acceptation et la connivence de l’OMC, en empêchant la participation de plusieurs représentants d’organisations sociales désireux de venir en Argentine pour faire part de leurs opinions et positions sur ce Sommet. Cela démontre que la « liberté » que ce Sommet Ministériel défend n’est que celle qui sert à imposer les voix des puissants pendant que 99 % de l’humanité reste hors de ce lieu clos et secret dans lequel ils prétendent prendre des décisions qui affecteront tous les peuples du monde, des décisions marquées par la violence.

De la Violence que l’on exerce tous les jours à travers l’industrie agro-alimentaire et les intérêts des entreprises sur nos territoires où l’on nous expulse, persécute, criminalise et assassine, pendant que les entreprises accroissent leur profit de manière démesurée et défendent leurs intérêts.

La violence qui le 3 mars 2016 a assassiné Berta Cáceres au Honduras et qui empêche aujourd’hui le peuple hondurien d’exercer son droit à choisir son gouvernement.

La violence qui, pendant les 3 derniers mois, a pris la vie de Santiago Maldonado et de Rafael Nahuel dans la Patagonie argentine ; des jeunes assassinés pour avoir exprimé leur solidarité envers la lutte pour le droit à la terre du peuple Mapuche.
La violence qui partout dans le monde accule des paysans et paysannes et des peuples autochtones dans un quart des terres disponibles alors que nous sommes toujours ceux et celles qui fournissons la plupart des aliments pour toute l’humanité.
La violence qu’exerce l’industrie agro-alimentaire, qui détruit les trois quarts du total des semences agricoles que nos ancêtres nous ont légués, pendant qu’ils cherchent à s’approprier le reste à travers les législations semencières et les brevets.
La violence qui, avec les entreprises, cherche à transformer nos aliments en marchandises, provoquant ainsi la crise alimentaire la plus importante jamais vécue par l’humanité, avec plus de la moitié de la population malnutri ou mal nourri, subissant des famines, de l’austérité et des maladies chroniques dues au surpoids et à l’obésité ; souffrance d’autant plus grande chez les plus vulnérables.
La violence qui impose de nouvelles technologies toujours plus dangereuses sans en débattre, sans demander, sans aucune participation des peuples. Des technologies telles que les OGM, les nouveaux développements biotechnologiques, la géo-ingénierie ou les nouvelles techniques d’édition génétique, qui menacent tous les systèmes de vie à l’échelle mondiale.
La violence qui impose de fausses solutions pour les diverses crises : climatique, énergétique, alimentaire ; qui ne cherchent qu’à poursuivre l’appropriation et la monopolisation de nos biens communs.
La violence qui, avec le capitalisme détruit notre Terre Mère, notre Pachamama, détruit le climat, nos forêts, nos sols, nos plantes, nos aliments, nos biens communs ; en polluant nos fleuves et mers et en transformant la planète en un désert dans lequel la possibilité même d’une vie future se voit menacée.
La violence qui se manifeste dans le système patriarcal et raciste qui nous tue, et s’exprime quotidiennement à tous les niveaux de nos vies.
Nous clamons une fois de plus : STOP à la violence ! Et nous allons continuer de construire un autre monde possible, tout en protégeant notre Terre Mère et en nourrissant les peuples du monde grâce à :
– Notre engagement à continuer de promouvoir la Souveraineté Alimentaire en tant que plateforme, principe et base politique de notre action militante, pour garantir un monde sans faim et une terre avec des paysans et paysannes qui la protègent, tout en la nourrissant d’une manière consciente et affectueuse.
– Notre engagement à défendre nos territoires en tant que Territoires de Paix où la terre, l’eau et la diversité font partie intégrale d’une vie entière en harmonie avec tous les êtres vivants.

– Notre engagement à continuer de défendre ces territoires contre la violence infligée par le capital, la marchandisation de la vie et la destruction provoquée par les méga-projets au nom du soi-disant « progrès ».

– Notre engagement à conserver les connaissances et les savoirs que nos ancêtres nous ont légués et qui, aujourd’hui, représentent pour les communautés le principal espoir pour surmonter la crise que nous amène ce capitalisme dément.

– Notre engagement à lutter contre le « Libre-échange » dans tous les domaines dans lesquels il souhaite s’imposer, que ce soit à l’OMC, dans les Traités de libre-échange bilatéraux ou multilatéraux ou dans les organes multilatéraux tels que le FMI ou la Banque mondiale ; en dénonçant ses mensonges et en révélant le vrai visage de ce pillage planifié auquel ils tentent de nous soumettre.

– Notre engagement à continuer de produire des aliments sains, libres et souverains grâce à une production agricole écologique paysanne diverse et riche à l’instar de nos peuples.

– Notre engagement à continuer de travailler localement en renforçant les jardins communautaires, sauvegarder les connaissances alimentaires locales et l’utilisation de plantes médicinales et toutes ces expériences qui via une organisation locale et communautaire nous rendent plus forts et représentent le socle de nos actions collectives.

– Notre engagement pour que tous les peuples puissent jouir du droit à une alimentation digne, saine et nutritive et plus encore quand celle-ci fait partie d’une aide alimentaire quelle qu’elle soit.

-Notre engagement à continuer de multiplier, de partager et de défendre nos semences natives comme Patrimoine des peuples au service de l’Humanité, exemptes d’OGM, d’agrotoxiques et de droits de propriété intellectuelle.

– Notre engagement à multiplier nos principes, notre expérience et nos savoirs à travers tous les espaces éducatifs que nous construisons via nos mouvements en en appelant à toutes et  tous ceux qui se sentent impliqués depuis leurs domaines d’action pour se joindre à cette croisade paysanne agro-écologique.

– Notre engagement à faire progresser le renforcement et la création de moyens de communication pour la liberté qui parviennent à surmonter le siège médiatique que les médias hégémoniques ont créé et qui ont plongé une grande partie de l’humanité dans un état d’hypnose collective.

– Notre engagement à continuer de construire avec des chercheuses et chercheurs du monde entier un autre modèle scientifique basé sur les nouveaux paradigmes qui surgissent de la Science Digne, de la construction collective et du dialogue entre les savoirs et une vision intégrale et non fragmentée du monde. Cette science digne doit reposer sur un système éducatif cohérent à tout niveau en termes de dignité et s’articulant autour de la Souveraineté Alimentaire comme axe central.

-Notre engagement à lutter contre la violence du néo-libéralisme qui une fois encore vise à s’imposer comme système de pensée unique. Nous savons que notre diversité, notre histoire et nos luttes annoncent le début d’une ère meilleure.

-Notre engagement à continuer d’honorer ceux qui nous ont précédé sur cette voie, en semant de l’espoir, des idées et le rêve d’un monde meilleur poursuivant la construction d’un monde solidaire, libre et uni dans la diversité dans lequel la vie vaut plus que les lois du marché, la propriété privée et l’accumulation du capital.

-Notre engagement pour transformer nos relations en mettant de côté et en combattant toutes les formes de domination et d’oppression contre les femmes, les peuples indigènes, les jeunes et les marginaux et persécutés de la société.

– Notre engagement à faire avancer la formation d’alliances avec tous les secteurs sociaux qui se sont rassemblés lors de ce sommet des Peuples pour dire haut et fort :

– Nous sommes une seule et unique force fraternelle incluant tous les travailleurs urbains, consommateurs, chômeurs, mouvements féministes, mouvements pour la diversité sexuelle, écologistes, organisations de jeunes, universitaires et toutes et tous les engagées dans la construction d’une autre société.

Nous nous reconnaissons dans les principes anticapitalistes, anti-patriarcaux, internationalistes et anticolonialistes et nous considérons l’engagement pour ces valeurs comme un défi dans notre vie quotidienne, au sein de nos organisations et dans la recherche de construction d’une nouvelle société qui, selon nous, est possible et nécessaire.

Nous exprimons notre solidarité avec tous les peuples du monde en résistance et nous nous inspirons de l’expérience du courageux  paysan colombien, qui aujourd’hui relève le défi de la construction de territoires de paix dans un pays en proie à la violence depuis des décennies, nous nous engageons à faire que nos territoires soient à nous tous.

DES TERRITOIRES DE PAIX POUR LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE ET POLITIQUE ET POUR UNE VIE DIGNE

DEHORS L’OMC, PAS DE LIBRE ÉCHANGE SUR NOS TERRES, DANS NOTRE AGRICULTURE, DANS NOS ASSIETTES ET SUR NOTRE PLANÈTE !