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Colombie : Escalade des tensions sur le régime foncier

Les actions de récupération des terres par les communautés autochtones et paysannes se sont intensifiées dans certains territoires du pays depuis la mi-août. Les grands propriétaires terriens et les médias qualifient ces actions d'”invasions”, laissant entendre que ceux qui récupèrent ces territoires ne sont pas les demandeurs légitimes et que ces terres ne leur appartiennent pas.

Dans au moins 7 départements du pays, des actions de récupération des terres ont été promues pour accélérer les démarches d’accès et de restitution des terres aux paysan·nes et aux communautés ethniques. La réaction des grands propriétaires terriens a été de créer des “groupes de réaction solidaire”, promus par la Fédération des éleveurs de bovins (Fedegan), un syndicat dirigé par José Félix Lafaurie, impliqué dans la dépossession des terres et la création de groupes paramilitaires. Dans le même temps, Álvaro Uribe, propriétaire terrien dont la famille s’est illégalement appropriée les terres en friches de la nation, a déclaré que les “invasions” de terres justifient l’apparition d’une “justice privée”, faisant allusion aux paramilitaires et aux “armées anti-restitution”1.

Le 18 septembre, dans le cadre d’une journée de protestation des éleveurs de Magdalena, une vidéo du défilé a circulé sur les réseaux sociaux, dans laquelle figurent des camionnettes d’un groupe de sécurité privée. Des hommes en tenue de camouflage y étaient visibles, organisés dans ce syndicat pour, selon eux, être prêts à défendre leurs terres contre d’éventuelles invasions comme celles qui ont été signalées dans le Cauca2.

Le gouvernement a réagi timidement à la situation. Le ministre de l’Agriculture a exigé de mettre fin à toute “invasion” de la propriété privée, ainsi qu’à tout mécanisme d’autodéfense.

La déclaration du ministère a suscité une controverse parmi les communautés autochtones et paysannes qui articulent ces exercices de prise, de récupération et de libération des terres et des manifestations massives en faveur de la réforme agraire.

À cet égard, les organisations paysannes ont insisté sur le fait que la récupération des terres constitue une lutte historique des communautés autochtones, afro-descendantes et paysannes qui a lieu dans le but de rendre les terres qui ont été saisies légalement et illégalement par les propriétaires terriens, les hommes d’affaires et les multinationales en complicité avec les différents gouvernements au pouvoir3.

Les actions de récupération des terres sont des exercices visant à réclamer des droits collectifs sur des terres qui, pendant des années, ont été,usurpées et exploitées sans restriction par divers acteurs colonialistes qui, par convenance, ont jugé les terres qu’ils voulaient comme des terres abandonnées.


1 CNA. Hay que impulsar del país a los verdaderos invasores de tierras. Available at: https://www.cna-colombia.org/hay-que-expulsar-del-pais-a-los-verdaderos-invasores-de-tierras/

2 Infobae. Video: inquietud por el desfile de camionetas de un grupo de seguridad privada de ganaderos contra invasores. Available at: https://www.infobae.com/america/colombia/2022/09/19/video-inquietud-por-el-desfile-de-camionetas-del-grupo-de-seguridad-privada-de-ganaderos-contra-invasores/

3 El Heraldo. Campesinos rechazan ultimátum del Gobierno por invasión de predios.