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Chili : La déclaration d’Auquinco et les sages des semences

L’Action pour la Biodiversité, ANAMURI et la CLOC-Via Campesina se sont réunis à l’Institut d’Agroécologie d’Amérique Latine (IALA) “Semeuses d’Espoir”, au sud de la colonne vertébrale du Cône Sud. Cette rencontre est le fruit de l’union et de l’expression du pouvoir des peuples Mapuche, Guarani, Diaguitas ; des communautés paysannes du Chili, d’Argentine, du Brésil, d’Uruguay, du Paraguay et de Colombie ; des travailleurs ruraux et travailleuses rurales, des sages des semences. Tous y ont partagé des expériences, des savoirs, des saveurs, des semences et des sentiments pour faire face aux défis auxquels sont confrontés ces territoires, victimes de l’agrobusiness et de la nouvelle réalité géopolitique de l’Abya Yala.

La diversité de nos territoires a nourri cette journée d’échange, nous défendons les semences indigènes et créoles pour qu’elles soient aux mains de ceux qui les produisent, célébrant ainsi la vie et les semences que Carlos A.Vicente a laissées et partagées.

Egídio Brunetto, Lucho Custodio Lemos, Ariel Méndez et Eliana Catalán ont participé à cette rencontre.

Nous souhaitons rappeler et retrouver le savoir-faire des femmes qui, tout au long de l’histoire de l’humanité, ont contribué à l’agriculture paysanne indigène et afrodescendante. Elles ont sélectionné, conservé, adapté et amélioré les semences indigènes et créoles qui nous ont permis d’accéder à une grande diversité alimentaire, que nous reconnaissons aujourd’hui comme patrimoine des peuples au service de l’humanité.

Force est de constater que les entreprises tentent de criminaliser et d’éliminer la production et les connaissances indigènes paysannes par le biais de diverses stratégies visant à renforcer leur contrôle sur les semences. Depuis le processus de modernisation, et en particulier depuis ce qu’on appelle la “Révolution verte”, il y a eu une forte offensive du capital pour contrôler le système agroalimentaire mondial, en tentant d’imposer divers systèmes de contrôle, comme les lois sur l’enregistrement et la certification qui empêchent la commercialisation des semences, ou la convention UPOV qui accorde des droits de propriété intellectuelle par le biais de droits d’obtenteur. Ces outils sont utilisés pour contrôler l’ensemble de la chaîne alimentaire. Nous soutenons que celui qui contrôle la semence, contrôle les aliments.

Nous savons que la crise climatique, produite par le système de production agroalimentaire, représente un défi tangible dans les territoires où les variétés de semences sont menacées par la sécheresse, les fortes pluies, les chutes de neige extrêmes ou les changements dans les cycles de culture.

De par l’analyse des contextes politiques de chacun des pays présents, il apparaît clairement que nous avons besoin d’actions et de points de vue régionaux pour nous guider vers des horizons communs pour la défense des semences, pour la démocratisation de l’eau, pour la récupération des territoires ancestraux et pour une réforme agraire intégrale et populaire urgente, éléments centraux pour la mise en œuvre de la Souveraineté Alimentaire.

Nous partageons la vision commune selon laquelle les semences indigènes et créoles sont au cœur de la Souveraineté Alimentaire. Leur défense n’est pas seulement un engagement des communautés paysannes, mais de l’humanité tout entière. Nous sommes convaincu·es que lutter pour les semences c’est se battre pour l’avenir, pour une alimentation saine et pour la vie.

photo: Anamuri

Nous déclarons :

Que les semences constituent un patrimoine des peuples au service de l’humanité et que, par conséquent, le droit aux semences autochtones et créoles est inaliénable et irréfutable.

Que nous nous opposons à la manipulation génétique des semences et à toute forme de privatisation, forcées par le cadre juridique imposé par les entreprises et les centres de recherche.

Que face à la violence structurelle qui persiste sur nos territoires, nous réaffirmons notre engagement politique pour la démocratie et notre aspiration à une paix stable et durable, sans quoi nos semences ne peuvent continuer de croître auprès de nos enfants tout en préservant la mémoire de nos ancêtres.

Que la déclaration des droits des paysan·nes et des autres personnes travaillant en milieu rural est une victoire de la lutte paysanne et constitue un outil fondamental pour la défense des semences et du droit à l’alimentation dans le cadre de la Souveraineté Alimentaire.

Que le défi des sages est la défense des semences autochtones et créoles pour l’avenir de l’humanité, pour promouvoir l’autodétermination des peuples vers le bien-vivre, en harmonie et en équilibre avec la Terre Mère.

Que la lutte pour les semences est une lutte profondément politique, que c’est là que commence la chaîne alimentaire, et c’est la raison pour laquelle il est fondamental de récupérer les savoirs, les saveurs et les semences.

Que la réforme agraire intégrale et populaire et la restitution de la terre aux communautés ancestrales sont essentielles pour une vie digne et pour avancer vers un modèle de production qui place au cœur de son système les individus et non le marché.

Qu’il est nécessaire de promouvoir des dialogues intergénérationnels, des espaces de transmission et de partage des connaissances afin de faire vivre les identités paysannes ; tout en valorisant la territorialité, la culture paysanne et indigène qui, depuis des siècles, résiste aux assauts du colonialisme et du grand capital dans nos territoires.

Que des progrès importants ont été accomplis pour sauver et valoriser nos semences indigènes et créoles. Il faut maintenant les multiplier, les partager et les semer afin de les maintenir en vie.

Nous continuerons à lutter pour la Réforme Agraire Intégrale et Populaire, pour l’accès à l’eau, pour les semences indigènes et créoles, pour l’agroécologie, pour mettre en avant le rôle fondamental des femmes et la construction d’un féminisme paysan et populaire au travail, pour la production d’aliments sains et la préservation de la vie.

De par notre identité paysanne indigène, nous réaffirmons que nos semences indigènes ne s’intègrent pas à la logique productiviste du marché, mais font partie intégrante de notre vie et de notre façon de penser. Nous, les paysannes, ne produisons pas seulement des aliments : nous produisons et reproduisons des savoirs à l’unisson avec les rythmes et le langage de la nature.

Notre engagement en faveur de la Souveraineté Alimentaire entend garantir à l’ensemble de la population d’Amérique latine et des Caraïbes, qu’elle soit urbaine ou rurale, un accès à une alimentation saine.

Nous déclarons que nous continuerons à travailler sans relâche grâce à nos pratiques agroécologiques pour continuer à refroidir la planète. Et, ce faisant, nous préserverons nos semences.

Nous réaffirmons avec espoir nos engagements pour la pérennité de nos luttes, pour nos semences et nos territoires.

Nous réaffirmons que, dans le cadre de la lutte perpétuelle pour la défense de nos semences, nous ne cesserons de joindre le geste à la parole, nos voix suivront toujours le sillage de nos pas.

Résistance, rébellion, semences pour la vie !

Pour une réforme agraire urgente et nécessaire !

Les droits des paysan·nes MAINTENANT !

Souveraineté Alimentaire MAINTENANT !

photo: Anamuri

Organisations participantes :

ANAMURI, Action pour la Biodiversité, CLOC-Vía Campesina, MPA, ASPTA, Raizeira do Cerrado, Union des Travailleurs et Travailleuses de la Terre (UTT), MNCI, Desvío a la Raíz, MNCI-ST, Réseau National de Semences Indigènes et Créoles, CONAMURI, Organisation de la Lutte pour la Terre (OLT), Base des Recherches Sociales (Base IS), FENSUAGRO, Groupe Semences, Reverdecer.

La Orilla de Auquinco – 3 et 4 novembre 2022