Belgique : “Il est temps de réduire fortement l’utilisation des biocarburants”
Cet article présente une évaluation de la politique belge d’incorporation d’agrocarburants et a été publié sur le site du Mouvement d’Action Paysanne, un des membres de La Via Campesina en Belgique, en mars 2022
Une politique subsidiée qui accroît les émissions de gaz à effet de serre et menace les droits humains
Une coalition d’organisations paysannes et de la société civile, dont le Mouvement d’Action Paysanne, la FUGEA et le Boerenforum, publie une nouvelle analyse détaillée de la consommation de biocarburants en Belgique.
Consommation record de biocarburants produits à partir de matières premières alimentaires en Belgique en 2020
Les chiffres sont préoccupants et montrent que les matières premières alimentaires et agricoles sont utilisées à une échelle massive dans les biocarburants en Belgique ! Cette pratique a des impacts négatifs sur le climat et la biodiversité, sur notre souveraineté alimentaire, ainsi que sur les droits humains dans les pays du Sud. Elle cause également un surcoût inutile pour le consommateur.
La situation dramatique en Ukraine aggrave fortement les tensions sur les marchés alimentaires.
L’ONU alerte sur la nécessité d’agir pour éviter un “effondrement du système alimentaire mondial”.
Dans ce contexte, les organisations de la société civile et paysannes demandent au Gouvernement d’accélérer la réduction de l’usage des biocarburants produits à partir de matières premières alimentaires dans les carburants en Belgique.
Des milliards de litres d’agro-biocarburants
Les chiffres montrent un recours accru aux huiles de palme et de soja depuis plusieurs années, mais aussi une nouvelle utilisation à large échelle de résidus animaux (graisses) dans les carburants vendus aux pompes des stations de carburant en Belgique.
La quantité de céréales consommées dans les carburants est également en forte augmentation ces dernières années.
Au total, plus d’un milliard de litres de biocarburants ont été consommés en Belgique en 2020, ce qui constitue un record absolu. La Belgique ne produit que 9% des matières premières utilisées dans ces biocarburants. Le reste, importé, provient à 58% de pays situés hors de l’Union Européenne.
Aucun gagnant
Le bilan global de cette politique est une augmentation des émissions de gaz à effet de serre, en particulier pour les biodiesels, une concurrence alimentaire néfaste au niveau mondial, et un surcoût inutile pour les consommateurs en Belgique (plus de 300 millions d’euros par an).
La situation dramatique du conflit en Ukraine renforce les tensions déjà existantes sur les marchés alimentaires, et doit nous pousser à un usage raisonné et solidaire des ressources alimentaires et énergétiques.
En conclusion
Les organisations signataires (Inter-Environnement Wallonie, Oxfam-Belgique, CNCD-11.11.11, FUGEA, FIAN Belgique, le Centre tricontinental, Greenpeace Belgique, Natuurpunt, Natagora, le Mouvement d’Action Paysanne, Boerenforum, 11.11.11, BOS+ et Bond Beter Leefmilieu) demandent au Gouvernement un phasing-out rapide du soutien public aux biocarburants issus de matières premières alimentaires, au vu de leurs impacts négatifs sur le climat et la biodiversité, ainsi que sur les marchés alimentaires et les droits humains dans les pays du Sud.
Les prix agricoles atteignent actuellement de nouveaux sommets sur les marchés mondiaux, ce qui fragilise l’accès à l’alimentation. Les biocarburants contribuent à ces tensions sur les prix alimentaires.
Par ailleurs, vu leur prix élevé, les biocarburants constituent un surcoût important et inutile pour les consommateurs belges.
Au vu de ces impacts, la législation européenne permet désormais aux États membres de ne plus utiliser ces biocarburants, et interdit de les utiliser à un niveau supérieur à celui de 2020.
La poursuite ou non du soutien public à cette forme d’énergie non durable est donc de l’entière responsabilité du gouvernement belge.
Un phasing-out de l’obligation d’incorporation des agrocarburants issus de matières premières alimentaires devrait être mis en place rapidement en Belgique.
La suppression prévue des huiles de palme et de soja dans les biocarburants doit s’accompagner d’une réduction simultanée au moins équivalente des volumes totaux d’incorporation.