4e anniversaire de la signature de l’Accord de Paix en Colombie
Le 24 novembre Il y a 4 ans l’État colombien et les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC-EP) ont signé un accord pour mettre fin au conflit armé le plus vieux de l’Amérique Latine.
L’espoir suscité par cet évènement chez le peuple colombien et des personnes de toute la planète s’est éteint au cours des dernières années. Le scénario après la signature de l’Accord est caractérisé pas seulement par les manquements éhontés de l’État face aux compromis assumés à la Havane, mais aussi, et fondamentalement, par l’amère recrudescence de la violence au niveau national, affectant, principalement, aux communautés rurales habitant les coins oubliés du pays.
Au long de ces dernières quatre années, 1058 personnes — entre leadeurs sociaux et défenseurs des droits humains — ont été exterminées. Du total des victimes, 254 ont été assassinées en 2020, c’est-à-dire, qu’en moyenne, six leadeurs sociaux ou défenseurs des droits humains sont tués chaque semaine en Colombie. De même, ce sont déjà 238 les ex-combattant.e.s assassiné.e.s.
Les massacres sont à la hausse : 309 personnes ont été anéanties dans 77 tueries commises entre le mois de janvier et le 22 novembre 2020. Cette augmentation est préoccupante, compte tenu du fait que l’OHCHR avait qualifié 2019 comme l’année avec le plus grand nombre de massacres depuis 2014, étant donné que 36 cas de ce type ont été recensés.
Le gouvernement de M. Duque a été négligeant face à la situation fragile en matière des droits humains vécue dans le pays. Les chiffres sur la quantité d’homicides ont été manipulées, la systématicité des faits n’est pas reconnue et il n’a pas eu la volonté de concevoir une politique publique pour le démantèlement des organisations criminelles, étant d’ailleurs un compromis acquis dans le point 3.4 du Traité.
Son gouvernement est acharné à la destruction de l’Accord de paix : il attaque la Juridiction Spéciale pour la Paix (JEP en espagnol), sous-finance les entités chargées de leur implémentation, refuse d’établir des accords de substitution des cultures illicites avec les communautés et priorise des activités d’éradication forcée entreprises par les forces de l’ordre, ce qui est à l’origine des situations de viol des droits humains et du droit international humanitaire, les principales victimes étant des communautés rurales Paysan.ne.s, Indigènes et Afrodescendant.e.s.
L’état de l’implémentation de la juridiction est précaire, l’avancement est seulement du 4% dans l’adoption de la normative de l’Accord en matière de ruralité. En allant plus loin, le gouvernement Duque a fait un changement de virage dans la notion de développement rural des territoires [d’une perspective] basée sur l’intervention intégrale et territoriale de la part l’État vers une autre de sécurité et militarisation, tout en concevant des figures territoriales comme les « Zonas futuro » (Zones du futur) qui ont comme ligne de départ la logique de l’intervention de l’État caractérisée par le militarisme, tout en renforçant la présence de l’armée dans des régions où il y a une persistance de la confrontation armée, des cultures illicites et une faible présence institutionnelle.
Quatre années se sont écoulées après la signature de l’Accord de Paix et le premier hectare de terre n’a pas encore été rendu aux communautés paysannes, ethniques ou ex-combattantes ; les efforts du gouvernement ont été centrés dans la militarisation des territoires et la déformation de l’esprit du Traité.
L’armée colombienne est une menace additionnelle pour les communautés : les cas de paysans et d’indigènes morts par la main des forces de l’ordre et les ceux des femmes et filles kidnappées et violées par les militaires prolifèrent, ainsi que les tâches de persécution, surveillance et profilage aux journalistes, aux politiciens d’opposition et aux défenseurs des droits humains.
Dans les scénarios internationaux, Duque soutient cyniquement que l’implémentation de l’Accord de paix avance en Colombie, mais la réalité y est différente. Sous son mandat, l’espoir d’une ouverture démocratique effective s’évanoui ; la réforme rurale intégrale est dans le doute et les élites au pouvoir continuent à tirer profit du génocide comme pratique politique.
Toutefois, la paix se maintient comme un processus inachevé. Plusieurs secteurs de la société colombienne brandissent le drapeau de la paix et l’exigent : les étudiants, les syndicalistes, les professeurs, les artistes, les jeunes, les Paysans, les Indigènes, les Afrodescendants et les hommes et les femmes ayant un compromis pour la construction de la paix et qui constituent une force opposante à l’avancement de la violence et les prétentions pour réduire en miettes l’Accord.
Nous reconnaissons que la paix en Colombie est en dispute. La Vía Campesina réaffirme, en qualité d’accompagnant international de l’implémentation, son compromis avec nos frères et sœurs du peuple colombien dans le processus de la construction de la paix ; notre tâche d’observation et notre soutien au processus sont maintenus sous la lumière de la solidarité internationale : nous croyons fermement que la paix colombienne est celle du monde entier.