2025 | Bulletin d’info du mois de mars : L’actu des organisations membres de LVC dans le monde entier

(Bagnolet, le 3 avril 2025) Le mois de mars a été marqué par d’importantes mobilisations de femmes et de minorités de genre, dans les campagnes et les villes, réclamant des droits dans un contexte de plus en plus marqué par le conservatisme, le fascisme et la violence. A travers le monde, en mars, les femmes et les minorités de genre ont dénoncé la perte de droits historiques, le recul des lois et une vague croissante de féminicides et de transféminicides. Consultez notre site web pour plus de détails sur leurs principales actions et revendications dans leurs territoires.
Par ailleurs, un mois avant la Journée internationale des luttes paysannes (17 avril), La Via Campesina a lancé un appel mondial à l’action. Depuis le massacre d’Eldorado dos Carajás au Brésil en 1996, lorsque 21 paysans et paysannes ont été assassiné.e.s dans leur lutte pour la réforme agraire, un crime qui complète 29 ans d’impunité, chaque 17 avril nous nous rassemblons dans le monde entier. L’oubli ne profite qu’à ceux qui continuent d’opprimer, donc nous nous unissons pour commémorer cette lutte, exiger la justice et renforcer notre résistance. Consultez notre appel ici et suivez nos principales actions sur notre padlet.
Nous vous invitons à un voyage à travers tous les continents, avec des rapports de diverses organisations et de leurs principales luttes et propositions paysannes dans leurs pays :
Asia
La Fédération des travailleur.euse.s agricoles du Bangladesh lutte depuis longtemps pour la réglementation des travailleur.euse.s agricoles dans les fermes publiques. Cette année, la Fédération a intensifié ses efforts en soumettant la “Loi sur l’emploi et la protection des travailleur.euse.s agricoles” au gouvernement national et à la Commission de réforme du travail. Cette loi vise à garantir la protection juridique et le bien-être des travailleur.euse.s agricoles, tout en établissant une législation du travail inclusive et conforme aux conventions internationales. En mars, iels ont également soumis ces propositions au ministère de la pêche et des ressources animales. Ces initiatives font suite à une mobilisation nationale organisée par la BAFLF en 2024.
En mars, le Népal a accueilli le Forum du Tribunal international des peuples visant à tenir le Fonds monétaire international (le FMI) et la Banque mondiale responsables des politiques qui ont exacerbé les crises de la dette, affaibli les services publics, développé le financement des combustibles fossiles et promu des solutions climatiques inefficaces. Le tribunal a convoqué un panel de juges pour entendre les affaires et rendre des verdicts, et les procureurs ont porté des accusations. Des témoins issus de communautés locales du Népal, du Sri Lanka, du Bangladesh, de l’Inde, de l’Indonésie et du Pakistan ont également témoigné. Le Comité Kissan Rabita du Pakistan et la Fédération des paysans et paysannes du Népal, tous deux membres de LVC, ont participé au Forum. En Asie du Sud, le Pakistan arrive en tête avec 25 engagements envers le FMI, suivi du Sri Lanka avec 17. Les pays en développement subissent des pressions pour adopter des politiques de libre marché au service du capital mondial, plutôt que des politiques favorables à la croissance et alignées sur les besoins locaux. Les communautés agricoles rurales en souffrent et les programmes de développement rural menés par les gouvernements s’en trouvent limités.
En Thaïlande, du 17 au 19 mars 2025, l’Assemblée des pauvres a organisé une réunion sur la Déclaration des droits des paysans et paysannes afin de recueillir des données sur les violations des droits des paysan.nes en Thaïlande, avec la participation de plus de 60 participant.e.s issu.e.s de différents secteurs agricoles. Les résultats ont été présentés à M. Boonsingh Warintrak, conseiller du ministre de l’agriculture et des coopératives, et à Mme Sayamol Kaiyurawong, commissaire nationale aux droits humains. Le rapport a révélé des violations persistantes des droits, notamment des litiges fonciers avec des zones de conservation de l’État, des confiscations de terres et des risques économiques découlant des faibles prix des récoltes et des coûts de production élevés. Les recommandations comprennent des subventions pour les coûts de production, le soutien des prix et la mise en œuvre d’une assurance des prix agricoles pour protéger les moyens de subsistance des agriculteur.ice.s.
En Corée du Sud, le gouvernement approuve les importations de pommes de terre génétiquement modifiées, y compris la variété “SPS-Y9”, malgré les inquiétudes persistantes. L’administration du développement rural (RDA) a récemment déclaré que la pomme de terre génétiquement modifiée était sûre sur la base d’évaluations des risques environnementaux. Cette décision, prise avant les négociations commerciales entre la Corée du Sud et les États-Unis, fait craindre que le gouvernement ne se plie aux pressions commerciales américaines. Les organisations agricoles et les associations de consommateur.ice.s coréennes se sont opposées à cette décision, soulignant les risques potentiels, notamment pour les enfants, de la présence de pommes de terre génétiquement modifiées dans les produits de restauration rapide, qui ne seraient pas étiquetés. Iels affirment que les importations de pommes de terre génétiquement modifiées pourraient nuire à la culture nationale de pommes de terre et à la sécurité alimentaire. Iels demandent instamment au gouvernement de retirer le processus d’approbation afin de garantir la souveraineté alimentaire et de protéger les moyens de subsistance des agriculteur.ice.s.






Afrique
Au Mozambique, l’UNAC a organisé une formation sur la nutrition et la santé sexuelle et reproductive pour ses membres. Le manque d’informations sur la santé sexuelle et reproductive a toujours eu un impact néfaste sur la santé et l’éducation des enfants. En plus de ces formations sur la santé, l’UNAC a formé 50 promoteur.ice.s de la vulgarisation rurale en agroécologie. Cette formation contribue à dynamiser le développement rural et à renforcer l’autonomie locale en matière de production agricole en augmentant la production et la productivité.
Début mars, en Ouganda, La Via Campesina Afrique australe et orientale (LVC SEAF) et USAFF Ouganda ont officialisé la transition du bureau régional SEAF à ESAFF Ouganda. L’événement, qui comprenait deux jours de formation sur les valeurs et les principes de La Via Campesina, a été suivi par des représentant.e.s de la région LVC SEAF et de l’ESAFF Ouganda. La rotation du bureau régional représente une opportunité de renforcer l’unité et la solidarité entre les paysans et paysannes, de défendre leurs luttes, leurs droits et leurs aspirations, de consolider la souveraineté alimentaire de nos nations et d’assurer un système alimentaire juste et durable pour toutes et tous.
Au Sénégal, la production de sel se poursuit dans des conditions difficiles. Le CNCR a soutenu les femmes de Niaguis, dans le département de Ziguinchor, et de Thionk-Essyl, dans le département de Bignona, en leur fournissant de nouvelles bâches, qui jouent un rôle crucial dans le processus d’extraction du sel, qui consiste à collecter du sable dans les rizières. Cependant, de meilleurs équipements pour l’extraction, le transport et le stockage sont nécessaires pour améliorer les conditions de travail et l’efficacité de la production. Cette action s’inscrit dans le cadre des efforts continus du CNCR pour soutenir les paysannes dans la production de leur propre nourriture et le renforcement de leur résilience économique.






Région arabe et nord Afrique (ARNA) :
Ce mois-ci en Palestine, dans le cadre des efforts déployés pour soutenir la résilience des agriculteur.ice.s et des éleveur.euse.s de Gaza, l’Union des comités de travail agricole (UAWC), en collaboration avec l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le ministère palestinien de l’agriculture, a distribué 1 000 tonnes d’aliments pour animaux. Cette importante initiative vise à alléger le fardeau économique des agriculteur.ice.s et à renforcer la sécurité alimentaire face aux défis croissants causés par la guerre qui fait rage depuis plus d’un an et demi. Ces efforts sont cruciaux pour soutenir les agriculteur.ice.s, fournir une aide d’urgence pour assurer la continuité de la production agricole et préserver le bétail. Malgré les énormes défis, iels contribuent à la reconstruction du secteur agricole à Gaza, assurant sa durabilité face à l’adversité actuelle.
Au Maroc, la Fédération nationale des travailleur.euse.s agricoles (FNSA) poursuit sa lutte contre la “loi sur la grève” répressive qui restreint les droits des travailleur.euse.s agricoles. Elle appelle à la poursuite des manifestations contre cette loi, exigeant son abrogation et le respect de tous les engagements du ministère de l’agriculture, en particulier ceux liés au dialogue social. Cette législation vise à supprimer le droit de protester contre les injustices et empêche les travailleur.euse.s agricoles de défendre leurs droits. En restreignant l’exercice de ce droit fondamental, ces mesures dangereuses menacent d’annuler des acquis durement gagnés et de réduire au silence l’opposition à des politiques agressives.
Amériques
Au Paraguay, la lassitude des citoyens s’est traduite en trois jours de manifestations sociales, politiques et paysannes contre le gouvernement de Santiago Peña, la corruption, les affaires et l’impunité. Avec le slogan “Pour la terre, la production et contre toutes les injustices”, la 31e Marche paysanne, indigène et populaire, organisée par la Fédération nationale des paysans et paysannes, s’est déroulée les 26 et 27 mars dans les rues d’Asunción. La marche a exigé une véritable réforme agraire, l’accès à la terre et à la production, et a dénoncé les injustices qui touchent les communautés rurales et indigènes. Iels sont venus du pays entier pour se rendre à l’ex Seminario au centre d’Asunción, sur la Plaza de la Democracia.
En Colombie, les organisations de la CLOC – Via Campesina ont rejeté l’offensive de l’opposition au Congrès, qui cherche à bloquer les réformes sociales du gouvernement de changement, niant le droit des travailleur.euse.s à des conditions dignes. Au cours des mobilisations, iels ont dénoncé l’échec de la réforme du travail comme une attaque directe contre ceux qui soutiennent l’économie du pays, tandis que la réforme agraire continue d’être sabotée par les secteurs du pouvoir qui s’opposent à la justice sociale. Iels ont affirmé que les élites imposent un modèle d’exploitation et de dépossession, mais que les travailleur.euse.s exigent la démocratie, les droits et la paix avec la justice sociale. C’est pourquoi iels ont participé aux mobilisations et ont appelé à une organisation permanente pour défendre les transformations dont le pays a besoin.
Au Guatemala, dans le cadre de la Journée mondiale de l’eau, les communautés, les organisations paysannes et indigènes du Comité d’unité paysanne (CUC) sont descendues dans la rue dans différentes régions du pays pour revendiquer le droit à l’eau et dénoncer le pillage de cette ressource par les agro-industries et les entreprises extractives. Le 21 mars, la jeunesse organisée de la CUC s’est mobilisée à Cobán, Alta Verapaz, pour s’exprimer contre la privatisation de l’eau et la contamination des rivières. Au cours de la marche, iels ont dénoncé le fait que les grandes entreprises monopolisent les ressources en eau pour la production de monocultures, comme le palmier africain qui affecte tant la région nord du pays, laissant les communautés sans accès à l’eau potable. Le 22 mars, la lutte s’est poursuivie sur la côte sud, soulignant la grave crise de l’eau à laquelle sont confrontées les communautés en raison du détournement et de la contamination des rivières par l’agro-industrie de la canne à sucre dans cette région. “L’eau est un droit fondamental et ne peut être considérée comme une marchandise”, ont-iels déclaré.
Au Honduras, les organisations paysannes demandent la reconnaissance des paysans et paysannes victimes de la corruption dans l’affaire Pandora. Le lien entre l’affaire Pandora et le problème des paysans et paysannes est que 282 millions de lempiras du ministère de l’agriculture et de l’élevage ont été dilapidés. Les organisations affirment que l’affaire Pandora a révélé l’impact disproportionné et dévastateur de la corruption sur la vie de milliers de paysans et paysannes dans le pays. Cette situation a entraîné une augmentation des migrations, de nombreuses personnes étant à la recherche d’opportunités de développement social et économique. En outre, on observe une augmentation sensible de la pauvreté, une aggravation de la malnutrition infantile, un déficit de la production agricole et une détérioration des conditions de vie en général. Les paysans et paysannes ont dénoncé l’absence de résolution de la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême de justice sur le recours présenté le 11 mars 2021 par le Centre national des travailleur.euse.s ruraux.ales (CNTC), qui demande la reconnaissance des paysans et paysannes en tant que victimes de l’affaire de corruption Pandora. Ce recours a été introduit au nom de plus de 4 500 familles affectées par le détournement de plus de 282 millions de lempiras prélevés sur le trésor public et destinés à améliorer leur qualité de vie et à réduire la pauvreté grâce à la production et à la productivité agricoles, entre 2011 et 2013.
À Cuba, le XIIIe congrès de l’Association nationale des petit.e.s agriculteur.trice.s (ANAP) se tiendra du 15 au 17 mai, avec plus de 500 délégué.e.s venus de tout le pays. Les principales orientations du congrès sont : le renforcement de l’organisation, avec un accent particulier sur la production alimentaire, les structures de gestion, l’attention portée aux plus de 88 000 femmes membres, aux enfants de paysans et paysannes et aux programmes axés sur la ruralité qui sont mis en œuvre dans le pays.
Au Canada, le 4 mars, le président Trump a annoncé des droits de douane de 25 % sur toutes les exportations canadiennes vers les États-Unis. Ces droits de douane, ainsi que les droits de douane de rétorsion du Canada, créeront une incertitude économique qui touchera tous les Canadiens, affectant à la fois les prix des denrées alimentaires et les prix à la production. Pour les agriculteur.ice.s canadiens, particulièrement vulnérables aux marchés d’exportation, cela crée de nouvelles inquiétudes. Le NFU a exhorté les gouvernements fédéral et provinciaux à renforcer la résilience et la souveraineté alimentaire en réponse aux tarifs douaniers du président Trump et aux tarifs de rétorsion que le gouvernement canadien a imposés sur certains produits américains.
Aux États-Unis, 26 agriculteur.ice.s et défenseur.euse.s de la Family Farm Coalition venus de tout le pays se sont rendu.e.s à Washington D.C. pour la réunion annuelle de la coalition. Iels ont partagé leurs histoires, leurs défis et leurs aspirations avec 50 représentant.e.s du Congrès. Iels ont apporté un large éventail d’expériences et d’expertises à chaque visite de bureau, venant de tous les secteurs agricoles, de toutes les races, de tous les sexes et de tous les âges. En outre, iels ont abordé cinq questions relatives à la plateforme de la Farm Bill, estimant que la politique agricole fédérale actuelle soutient généralement le statu quo, au détriment des agriculteur.ice.s familiaux.ales et du/de la consommateur.ice moyen.ne. Iels ont demandé des politiques agricoles équitables qui donnent la priorité aux agriculteur.euse.s familiaux.ales.



Europe :
L’Alliance des travailleur.euse.s de la terre (LWA) et d’autres organisations ont défendu les intérêts des petit.e.s agriculteur.ice.s en Angleterre afin de s’assurer que le système d’incitation à l’agriculture durable (Sustainable Farming Incentive – SFI) leur profite. Bien que la suppression du seuil de 5 hectares pour les paiements SFI en juillet dernier ait été une victoire, il reste encore des défis à relever pour rendre le programme accessible et efficace pour les petites exploitations. En réponse à l’annonce inattendue du ministère de l’environnement, des ressources naturelles et des affaires rurales (DEFRA) selon laquelle il n’accepterait plus les demandes SFI en raison de contraintes budgétaires, la LWA exhorte les agriculteur.euse.s à agir et à se joindre à la marche “Food in Our Hands” du 26 avril pour exiger un système alimentaire équitable et agro-écologique qui respecte les droits des petit.e.s exploitant.e.s.
Dans une déclaration récente de la réunion des dirigeant.e.s régionaux.ales de l’Association norvégienne des agriculteur.ice.s et des petit.e.s exploitant.e.s (NBS), notre membre en Norvège a souligné le besoin crucial de systèmes agricoles résilients et diversifiés pour faire face à l’insécurité alimentaire et améliorer la préparation des communautés. La NBS insiste sur le fait que des communautés rurales prospères et une agriculture durable sont essentielles pour améliorer la préparation nationale. Il plaide en faveur d’un paysage agricole diversifié qui soutient l’agriculture à petite échelle, avec la production de fruits, de légumes, de céréales et de bétail, tout en appelant à une meilleure gestion des terres communales. Une transition vers des systèmes alimentaires locaux, avec des chaînes d’approvisionnement plus courtes et un stockage et une transformation décentralisés des aliments, est essentielle pour réduire la vulnérabilité en temps de crise.


C’est ainsi que nous concluons l’édition de ce mois. Si vous avez des informations importantes à ajouter, n’hésitez pas à nous envoyer les liens à communications@viacampesina.org afin que nous puissions les inclure dans la prochaine édition. Ce bulletin ne reprend que les mises à jour des membres de La Via Campesina. Vous pouvez également retrouver les éditions précédentes sur notre site web ainsi que des versions condensées en podcast sur Spotify.
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