2025 | Bulletin d’info de janvier : L’actu des organisations membres de LVC dans le monde

L’année a commencé par un accord de cessez-le-feu majeur, bien que retardé depuis longtemps, entre Israël et le Hamas à Gaza. La Via Campesina s’est félicitée de cette évolution, soulignant qu’elle apporte un soulagement indispensable à des millions de Palestinien·nes après plus de 467 jours de conflit dévastateur. Cependant, l’organisation rappelle qu’un cessez-le-feu, bien qu’important, ne suffit pas à rendre justice. En tant que mouvement mondial promouvant la souveraineté alimentaire, La Via Campesina appelle à un cessez-le-feu permanent, à la paix et à la justice, en particulier en Cisjordanie, qui connaît une intensification de la violence et des saisies de terres par les colons israéliens.
En janvier, La Via Campesina a également condamné le massacre survenu dans la colonie d’Olga Benário à Tremembé, dans l’État de São Paulo, au Brésil. Le mouvement a exprimé son indignation, soulignant que les territoires acquis grâce aux luttes pour la réforme agraire sont aujourd’hui au cœur de conflits impliquant l’agrobusiness et la spéculation financière.
De même, la Colombie a été secouée par une escalade de violence à la mi-janvier, qui a fait plus de 100 morts et déplacé au moins 51 938 personnes. Selon un rapport du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), il s’agit du plus important déplacement de population dans ce pays d’Amérique du Sud au cours des 28 dernières années. Dans le dernier épisode de Alerte Paysanne, des membres de La Via Campesina du Brésil et de Colombie ont discuté des crises en cours dans leurs territoires respectifs, mettant en lumière la nécessité d’une réforme agraire intégrale pour mettre fin à la violence.
La Via Campesina a également marqué deux événements mondiaux majeurs en janvier. Lors du 17e Forum mondial pour l’alimentation et l’agriculture (GFFA) à Berlin, LVC a appelé à s’attaquer aux inégalités entre le Nord et le Sud et a critiqué le discours sur la bioéconomie, qui encourage souvent l’accaparement des terres sous couvert de solutions basées sur la nature. En outre, les droits fonciers, la justice commerciale et le renouvellement des générations ont été des sujets clés lors de la Oxford Real Farming Conference 2025, où la Table de la jeunesse paysanne s’est réunie pour discuter de ces questions essentielles.
Pour de plus amples informations sur ces événements et sur le travail en cours de La Via Campesina, veuillez consulter notre site web. Sur les médias sociaux, les organisations membres continuent de partager des mises à jour cruciales concernant les luttes paysannes et les efforts visant à promouvoir la souveraineté alimentaire.
ASIE
Le 14 janvier, des organisations paysannes de la Corée du Sud, ainsi que des membres progressistes de l’Assemblée nationale, ont tenu une conférence de presse pour s’opposer à la “politique d’ajustement des zones de culture du riz” du gouvernement, qui vise à réduire la culture du riz de 80 000 hectares pour faire face à l’offre excédentaire. Les opposants à cette politique estiment qu’elle porte atteinte aux droits des paysans et à la souveraineté alimentaire. La Ligue des paysans coréens a souligné que l’offre excédentaire était due au riz importé, et non à la production nationale, et a demandé l’arrêt de cette politique.
Le 29 janvier 2025, en Thaïlande, le comité de l’Assemblée des pauvres chargé des questions de travail a rencontré le ministère du Travail pour réexaminer la législation en vigueur. Au cours de cette réunion, le comité a demandé la création de fonds gouvernementaux destinés à soutenir les travailleurs licenciés illégalement, sans indemnités de départ. Un plan de travail a également été finalisé pour aborder les problèmes liés aux conditions de travail. Parmi les sujets discutés figuraient des cas d’indemnités de licenciement non versées, notamment pour des employés de General Motors, C.T. Petro & Trans, et Global Circuit. Une réunion de suivi est prévue pour la fin avril 2025.
La Bangladesh Agricultural Farm Labourers’ Federation (BAFLF) a récemment organisé un dialogue national sur l’élaboration d’une législation du travail prenant en compte les millions de travailleurs agricoles du pays. Lors de cet événement, la BAFLF a présenté ses recommandations à Farida Akhtar, conseillère auprès du ministère de la pêche et de l’élevage. L’organisation a souligné la nécessité d’intégrer dans la législation les impacts des pesticides sur la santé des travailleurs agricoles, en particulier des femmes, ainsi que les conséquences de la modernisation des exploitations agricoles.
En janvier, des membres du Pakistan Kissan Rabita Committee ont pris part à des mobilisations à Sahiwal, au Pakistan, où ils ont exigé la mise en place d’une “ligne rouge” contre la domination des milliardaires à l’approche du Forum économique mondial de Davos. Les résolutions adoptées appelaient à garantir des droits fonciers pour les familles sans terre et à améliorer les services publics au Pendjab. Un rapport de la Banque mondiale a révélé que 40 % de la population pakistanaise vivait sous le seuil de pauvreté, tandis que 93 % des revenus nationaux sont alloués au remboursement de la dette, freinant ainsi le développement du pays.
AFRIQUE
En Ouganda, l’ESAFF sensibilise le public et valorise les espèces négligées et sous-utilisées (NUS), qui sont résistantes aux parasites, aux maladies et à la sécheresse. Ces espèces, offrant des aliments, du fourrage et des médicaments essentiels, sont défendues par l’ESAFF Ouganda comme une solution durable contre la faim, la pauvreté et la malnutrition, notamment au sein des communautés rurales. Pour renforcer cette initiative, l’organisation a également publié un livre de recettes mettant en valeur ces espèces.
Au Mozambique, le syndicat paysan União Nacional de Camponeses (UNAC) a lancé un projet visant à préserver et à multiplier les semences locales dans le district de Manjacaze, situé dans la province de Gaza. Cette initiative soutient la souveraineté alimentaire tout en renforçant l’engagement social et politique des familles paysannes. Des semences de variétés locales telles que le Nhabubo (haricot Nhemba), le Gangassola et le Munhaça (manioc) sont cultivées par les membres de l’association agricole Morning Star et de l’association biblique Malene “A”. L’UNAC cherche ainsi à améliorer la productivité des agriculteurs tout en renforçant la souveraineté alimentaire à travers l’agriculture de conservation et l’agroécologie, avec un accent particulier sur l’utilisation de semences locales.
Les 27 et 28 décembre 2024, la Coordination Togolaise des Organisations Paysannes et de Producteurs Agricoles (CTOP) a organisé la deuxième édition du mini-marché paysan au Togo. Cet événement a offert une plateforme pour valoriser les produits agricoles locaux et faciliter les échanges directs entre les paysan·nes et les consommateur·trices urbain·es. Il avait pour objectif de renforcer les liens entre agriculteur·rices et commerçants, de mettre en lumière les savoirs traditionnels et de favoriser les échanges régionaux, dans le but de soutenir les producteur·rices locaux·ales.
Au Sénégal, le Conseil national de concertation et de coopération des ruraux (CNCR) a organisé, les 13 et 14 janvier 2025 à Dakar, des consultations pour aborder les enjeux des paysan·nes, éleveur·euses et pêcheur·euses. Les échanges ont porté sur des préoccupations essentielles à intégrer dans la nouvelle loi agro-sylvo-pastorale, telles que la promotion des équipements agricoles produits localement, la juste compensation des expropriations foncières et la protection sociale des travailleur·euses agricoles.
ARNA
En décembre 2024, les agriculteurs du district d’Amourj, en Mauritanie, se préparent à planter des légumes à la fin de la saison des pluies. Cependant, ils sont confrontés à des pénuries d’eau sévères, à un manque de ressources, de semences et de soutien, alors que l’agriculture demeure leur principal moyen de subsistance. Bien que la région dispose de terres fertiles, la négligence de l’État et l’absence d’assistance entravent leurs efforts, affectant particulièrement les femmes paysannes.
En Tunisie, les travailleuses agricoles poursuivent leur lutte pour leurs droits et la justice sociale. À Jebniana, dans la région de Sfax, la branche du Million de femmes rurales et de sans-terre a rejoint une mobilisation exigeant la mise en place du Fonds de protection sociale pour les travailleuses, comme prévu dans la loi de finances 2025. Cette action s’inscrit dans le cadre d’une lutte continue pour les droits des travailleurs et la justice sociale dans les zones rurales de Tunisie.
AMÉRIQUE DU NORD
Au Canada, le Syndicat national des agriculteurs (NFU, pour son acronyme en anglais), ainsi que d’autres organisations agricoles, ont vivement dénoncé l’impact considérable que l’approbation de l’acquisition de l’exportateur de céréales Viterra par Bunge aura sur les agriculteur·rices. En effet, cette transaction élimine pratiquement toute concurrence dans le secteur des matières premières agricoles du pays, conférant ainsi à Bunge un contrôle de 40 % du marché des céréales.
L’Association des travailleurs agricoles de Floride, aux États-Unis, en réponse aux politiques migratoires sévères imposées par la nouvelle administration Trump, a lancé en janvier plusieurs campagnes de sensibilisation aux droits des migrant·es et de défense de la souveraineté alimentaire.
CARAÏBES
Du 8 au 10 janvier, la section éducative du Mouvement Paysan Papaye (MPP) a organisé une session de formation à destination des jeunes en Haïti. Cette formation a mis l’accent sur les stratégies et les méthodes d’organisation destinées à renforcer le travail des agriculteurs. L’objectif principal était de préparer les étudiants de l’École de Formation Politique Charlemagne Peralte (LFPCP) à poursuivre l’éducation populaire et à établir de nouveaux groupes MPP dans tous les départements de la région Centre.
À Cuba, le Movimento dos Trabalhadores Rurais Sem Terra (MST) du Brésil a été chaleureusement reconnu pour ses contributions majeures à l’agriculture urbaine sur l’île. Lors d’une cérémonie organisée dans la province de Sancti Spíritus, les autorités cubaines ont salué l’impact du MST dans le cadre du programme d’agriculture urbaine, suburbaine et familiale (AUSUF), qui a célébré cette année son 37e anniversaire.
AMÉRIQUE CENTRALE
Du 24 au 26 janvier, le Comité national de coordination des veuves (CONAVIGUA, par son acronyme en espagnol) a organisé, au Guatemala, le 4e symposium international des femmes autochtones sur la violence environnementale. Plus de 15 pays étaient représentés par des délégués venus échanger sur les causes profondes de la violence sous toutes ses formes, tout en mettant en lumière les expériences et les contributions des femmes autochtones à travers le monde. Ce symposium a abordé des enjeux cruciaux tels que la contamination par les agrochimiques, les projets miniers, les expulsions forcées, les incendies, les invasions de terres par les entreprises, ainsi que la criminalisation des défenseurs de la terre. Les participantes se sont fermement engagées à poursuivre leur lutte pour les droits des femmes, en tant que gardiennes et responsables de la vie.
Au Honduras, dans le cadre de l’initiative Droit à la terre, l’Institut national agraire (INA) a attribué 285 acres de terres à des groupes de femmes rurales. Ce projet vise à garantir la stabilité des femmes et de leurs familles dans les zones rurales, en leur offrant la possibilité de produire, de vendre leurs produits, d’accéder à un logement décent et de réaliser la souveraineté alimentaire. Par ailleurs, il inclut la création de l’école de formation rurale Margarita Murillo, qui a pour objectif d’enseigner aux hommes et aux femmes des zones rurales les pratiques agricoles agroécologiques, contribuant ainsi à renforcer leur autonomie et leur résilience.
AMÉRIQUE DU SUD
En Colombie, le Coordinador Nacional Agraria a exprimé sa solidarité avec les paysans du Catatumbo, soutenant leur appel en faveur du respect des populations civiles non impliquées dans le conflit et non combattantes, face au plan d’extermination du mouvement social et politique. À travers une déclaration, l’organisation a dénoncé ce plan comme étant une initiative orchestrée par des puissances étrangères et mise en œuvre par la droite colombienne. Le groupe a également exhorté le gouvernement national à s’attaquer aux causes profondes du conflit social, qui s’est progressivement transformé en un conflit armé au sein du pays.
Au Chili, l’Association nationale des femmes rurales et autochtones (ANAMURI) s’est réunie à La Orilla de Auquinco pour la réunion de son conseil élargi 2025. Lors de cette rencontre, les participants ont exigé justice pour Julia Chuñil Catricura, une femme mapuche disparue depuis plus de 80 jours après avoir été menacée par des hommes d’affaires cherchant à exploiter ses terres. Ils ont réaffirmé leur engagement à protéger les femmes qui se battent pour la terre et les droits humains, tout en organisant un programme en direct dédié à la réflexion sur les luttes des femmes défenseures de la terre.
EUROPE
Le 5 décembre 2024, en France, la Confédération paysanne a organisé une manifestation à l’occasion de l’inauguration de la Bourse européenne de commerce au Grand Palais. Les manifestants ont dénoncé la spéculation et les accords commerciaux injustes qui étouffent les paysans. Brandissant une banderole sur laquelle on pouvait lire “Sauvez les paysans, mangez un trader”, l’action a été violemment réprimée par les forces de l’ordre, entraînant l’arrestation de cinq paysans. Deux d’entre eux seront jugés le 14 février 2025. En réponse, le syndicat appelle à un rassemblement de solidarité devant le tribunal de Paris, pour exiger justice et défendre le droit fondamental de manifester. Cet événement met en évidence un système économique destructeur qui menace directement les moyens de subsistance des paysan·nes.
En janvier 2025, des centaines d’apiculteur·rices d’Espagne, de France et du Portugal se sont réunis à Madrid pour protester contre l’afflux de miel de contrefaçon sur les marchés européens. Ils ont appelé la Commission européenne et le gouvernement espagnol à renforcer les contrôles aux frontières et à s’opposer aux accords commerciaux préjudiciables, tels que le Mercosur, qu’iels accusent de fragiliser la production locale. Insistant sur l’urgence de protéger les pollinisateurs, ils ont également réclamé l’application stricte des normes de qualité et de traçabilité du miel afin de garantir une concurrence équitable.

C’est ainsi que nous concluons l’édition de ce mois. Si vous avez des informations importantes à ajouter, n’hésitez pas à nous envoyer les liens à communications@viacampesina.org afin que nous puissions les inclure dans la prochaine édition. Ce bulletin ne reprend que les mises à jour des membres de La Via Campesina. Vous pouvez également retrouver les éditions précédentes sur notre site web ainsi que des versions condensées en podcast sur Spotify.
Cette publication est également disponible en English : liste des langues séparées par une virgule, Español : dernière langue.