2023 | Bulletin d’info d’avril : L’actu des membres de LVC dans le monde entier

L’édition d’avril du bulletin d’information vous apporte des mises à jour et des alertes d’Asie, d’Afrique, d’Europe et des Amériques. Vous y trouverez notamment une rencontre féministe en Amérique centrale, un forum sur les luttes pour la terre au Mali, un atelier sur la foresterie et l’agroforesterie en Écosse, et bien d’autres encore.


Plusieurs membres de La Via Campesina aux Amériques, en Europe, en Afrique et en Asie ont commémoré la Journée internationale des luttes paysannes en avril par des marches de solidarité, des foires, et des déclarations publiques, entre autres. La Via Campesina commémore la Journée internationale des luttes paysannes chaque année, le 17 avril, en souvenir du massacre de l’Eldorado do Carajás en 1996. L’appareil d’État, de mèche avec les intérêts de l’agro-industrie, a assassiné 19 paysan·nes qui défendaient leur droit à la terre.

27 ans après cet épisode douloureux, le MST a dénoncé en avril les nouvelles “milices bolsonaristes” de propriétaires terriens qui cherchent à empêcher l’occupation des terres par les paysan·nes. Sous l’argument de la défense de la propriété privée, les milices ont démantelé les campements et incendié les matelas des familles de Jacobina, dans l’État de Bahia, qui dénonçaient par l’occupation l’illégalité des propriétaires terriens : la non-conformité constitutionnelle avec la fonction sociale du territoire. Sans renoncer à la lutte pour leurs droits, 200 familles paysannes du MST ont occupé 4 000 hectares de terres improductives à Salitre, toujours à Bahia, en se heurtant au latifundio pour réaliser la réforme agraire. Leur courage continue d’inspirer les actions menées par tous les membres de la Via Campesina autour du 17 avril, dont le nombre s’élève à plus de 70 cette année. Un rapport détaillé de ces actions de solidarité sera bientôt publié sur le site officiel de LVC.

Pendant ce temps, d’autres nouvelles :

Au Guatemala, le Comité de unidad campesina (CUC) a accueilli la 2ème rencontre centraméricaine sur le féminisme paysan populaire du 20 au 24 avril. Des paysannes et des femmes indigènes du Nicaragua, du Salvador, du Honduras, du Costa Rica et du Panama, organisées sous la région CLOC de La Via Campesina, ont participé à ce forum où elles ont analysé collectivement le contexte politique, social et économique des réalités des femmes rurales dans la région.

Dans la région voisine des Caraïbes, Haïti vit l’un des moments les plus difficiles, tragiques et incertains de son histoire, plongé dans une situation de chaos provoquée par l’oligarchie, les gouvernements antipopulaires successifs, dont l’actuel, et l’ingérence des organisations internationales au service des intérêts des puissances coloniales. Le 29 mars dernier, des membres de la Via Campesina, regroupés au sein du CLOC-Via Campesina, ont été signataires d’une lettre ouverte envoyée à la Représentation diplomatique d’Haïti en République dominicaine. Dans cette lettre, les organisations avertissent que l’actuel gouvernement de facto demande une nouvelle occupation militaire, dont l’objectif est de l’utiliser à l’encontre de la population et d’organiser des élections contrôlées.

En Équateur, la Fédération nationale des organisations paysannes, indigènes et noires (FENOCIN) exprime sa profonde solidarité avec la population d’Alausi qui a subi de graves pertes humaines et matérielles à la suite d’un glissement de terrain qui a fait 16 morts, 16 blessés, 7 disparus, 163 maisons affectées, 500 personnes touchées, entre autres.

Au Brésil, deux ans après l’assassinat brutal de notre camarade Lindolfo Kosmaski, jeune homosexuel et militant paysan du MST, le système judiciaire a condamné le crime d’homophobie à une peine de 19 ans et 6 mois.

Par ailleurs, le mouvement paysan et autochtone péruvien a lâché un soupir de soulagement grâce à l’organisation internationale « Human Rights Watch », qui a publié en avril son rapport sur les abus des forces de sécurité et la crise démocratique au Pérou, concluant que le gouvernement de Dina Boluarte n’a pas pris de mesures pour mettre fin à la mort des manifestant.es et a plutôt tenté de diminuer la gravité des abus ou de détourner l’attention avec des théories sans fondement. Il a également noté la disproportion de la force utilisée par les militaires, alléguant que les décès pourraient constituer des exécutions extrajudiciaires ou arbitraires.

Plus au nord, au Canada, le National Farmers Union (NFU) a annoncé un programme de formation gratuit d’un an au Beginning Farmer Institute (BFI), destiné aux jeunes petit.es agriculteur.trices de la région. Pendant neuf mois, l’Institut proposera quatre sessions de formation pratique et permettra d’acquérir des compétences pratiques pour surmonter les obstacles auxquels iels peuvent être confronté.es, notamment en matière de planification d’entreprise, de comptabilité, d’assurance et de gestion de la main-d’œuvre.

Dans la dernière édition de ce bulletin d’information, nous vous avions informé d’un rapport de la National Family Farm Coalition aux États-Unis qui faisait le point sur la propriété spéculative des terres agricoles dans le pays. Depuis la crise financière de 2008, les compagnies d’assurance et les gestionnaires de fonds spéculatifs considèrent de plus en plus les terres agricoles comme un investissement stable offrant des rendements élevés, et ont commencé à les acheter à des prix que l’agriculteur.trice moyen.ne ne pouvait pas concurrencer. Dans sa réponse à The Guardian, la Fédération des coopératives du Sud a signalé que les investisseur.euses peuvent ne pas tenir compte de l’impact de leur propriété sur les communautés ou l’environnement, ce qui a de graves répercussions sur la souveraineté alimentaire et la vitalité des économies rurales.

En Europe, plusieurs membres de La Via Campesina ont continué à faire preuve de solidarité aux mouvements sociaux français qui s’opposent aux méga-bassins. Cette lutte a été soulevée par la Confédération paysanne lors de son congrès biennal fin avril, parmi d’autres questions telles que la régulation du marché pour protéger les paysan·nes du libre-échange et la sécurité sociale de l’alimentation.

Au Pays basque, Ehnebizkaia a pour sa part tenu son XIIème congrès et a également publié une vidéo de témoignages de paysan·nes sur le mode de vie à la campagne.

Au Royaume-Uni, le Land Workers’ Alliance (LWA), qui compte plus de 2’000 membres, a célébré son 10ème anniversaire. Le 25 avril, en Écosse, la LWA a organisé un forum sur les changements apportés au financement et à la politique forestière, en particulier dans le contexte de la consultation en cours du gouvernement écossais sur l’avenir des subventions forestières. Iels ont travaillé ensemble pour développer quelques demandes clés afin d’améliorer les secteurs de la foresterie et de l’agroforesterie en Écosse.

En Palestine, l’Union of Agricultural Work Committees (UAWC) a organisé un événement de solidarité dans l’est du gouvernorat de Khan Younis pour commémorer la Journée de la terre palestinienne. Des comités agricoles et des agriculteur·trices ont participé à cette manifestation en plantant des oliviers dans la région d’Absan et près de la zone interdite, qui est sans cesse détruite et violée par les forces d’occupation.

En Afrique, la Coordination togolaise des organisations de paysans et de producteurs agricoles a participé à une étude visant à aider les femmes et les jeunes des zones rurales à s’engager dans des programmes de subsistance rurale non agricole. Cette étude portait sur les opportunités de marché pour l’artisanat féminin et d’autres activités génératrices de revenus, y compris l’identification des supports de la chaîne pour l’artisanat et les produits forestiers non ligneux, et les opportunités pour les jeunes situés dans les écosystèmes clés de la région maritime du lac Togo.

Le 19 avril, au Mali, la CNOP a organisé un forum de discussion sur un décret qui détermine les formes et les conditions d’attribution des terres à des entités privées. L’accaparement des terres au Mali est principalement le résultat d’activités menées par les opérateur.trices agro-industriel.les, ainsi que par les autorités locales et les politiques gouvernementales qui encouragent les projets agroindustriels à grande échelle et facilitent l’acquisition de terres par des investisseur.euses privé.es. Plusieurs estimations indiquent que plus de 800’000 hectares de terres ont été accaparés au Mali, ce qui a un impact négatif sur les communautés paysannes locales dont les moyens de subsistance dépendent de l’accès à la terre et aux ressources naturelles.

Au Sénégal, le Conseil national de concertation et de coopération des ruraux (CNCR) célèbre ce mois-ci son 30ème anniversaire. Parmi ses avancées significatives, le CNCR compte la création de plusieurs coopératives semencières à travers le pays qui contribuent à la sauvegarde des variétés traditionnelles. Le CNCR a également annoncé une série d’initiatives visant à donner un nouvel élan à l’agriculture familiale. Lors d’une réunion qui s’est tenue début avril, le CNCR a proposé plusieurs idées pour renforcer la souveraineté alimentaire de la région, notamment la maîtrise de l’eau et la bonne gestion des terres.

En Asie, au Pakistan, les agriculteur.trices de la région de Lahore se sont engagé.es à lancer un mouvement à l’échelle de la province contre la Ravi Urban Development Authority (Ruda), qui les a dépouillés de leurs terres agricoles.

Au Népal, la All Nepal Peasants Federation a tenu un congrès national en avril, qui s’est achevé avec un manifeste de la paysannerie organisée appelant au renforcement de la souveraineté alimentaire dans le pays.

La Bhartiya Kisan Union en Inde a organisé une réunion de village dans le district de Shamli en Uttar Pradesh au sujet du corridor économique Delhi-Dehradun et de son impact sur les agriculteur·trices locaux·ales. Iels ont également soulevé la question du prix minimum de soutien, de la financiarisation des terres agricoles et de la modification des tarifs de l’électricité. Cette action fait suite à une agitation dans le district de Meerut sur des questions liées au paiement des arriérés de canne à sucre aux agriculteur.trices, aux animaux errants détruisant les cultures agricoles, etc.

En Indonésie, le Président de la République a visité les zones de souveraineté alimentaire dans le village de Senori, Tuban Regency, Java Est, gérées par la Indonesian Peasants Union – SPI. L’Union a fait la démonstration de l’utilisation d’engrais organiques dans la région et des liens qu’elle a créés avec les marchés traditionnels de Java Est et de Java Centre.

Ces deux dernières semaines, une grande partie de l’Asie a connu une vague de chaleur intense et étendue qui a battu des records de température de longue date. Des pays comme l’Inde, la Thaïlande et le Myanmar ont enregistré des températures allant jusqu’à 45°C, tandis que le Bangladesh, le Laos, le Viêt Nam, le Népal et la Chine ont enregistré des températures comprises entre 42 et 43°C. Selon les scientifiques, le réchauffement climatique est à l’origine de cette vague de chaleur. L’année dernière, la chaleur extrême a conduit certains pays à interdire les exportations de denrées alimentaires, ce qui a entraîné des perturbations dans la chaîne d’approvisionnement et a eu une incidence sur les prix des denrées alimentaires. L’appel de La Via Campesina à renforcer la souveraineté alimentaire est particulièrement pertinent, étant donné que les crises de la guerre, du climat et des pandémies ont mis en évidence les limites des chaînes mondiales. Les membres asiatiques du mouvement sont attentifs à cette situation et à son impact sur les communautés paysannes.

Pour conclure cette édition, nous souhaitons attirer votre attention sur les différentes publications parues en avril 2023:

  1. Le Journal of Peasant Studies commémore le 30ème anniversaire de La Via Campesina en établissant une série remarquable d’entretiens avec d’éminent·es dirigeant·es du mouvement. La collection est maintenant disponible gratuitement.
  2. LVC Afrique du sud et de l’est a lancé la brochure de l’UNDROP dans huit langues africaines afin de s’assurer que les paysan.nes africain.es ont accès à la déclaration de l’ONU et qu’iels l’utilisent pour défendre leurs droits.

(Avons-nous loupé une mise à jour importante ? Si c’est le cas, vous pouvez envoyer les liens à communications@viacampesina.org, que nous inclurons dans la prochaine édition. Seules les mises à jour des membres de La Via Campesina seront incluses dans ce bulletin d’information. Pour une mise à jour complète des différentes initiatives d’avril 2023, visitez notre site web)

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Une version abrégée de notre bulletin d’info d’avril sera bientôt disponible en podcast sur Anchor FM et Spotify.