UNDROP : 4 ans après son approbation, une procédure spéciale de l’ONU est urgente pour son application et atteindre la justice sociale, l’équité et l’égalité.
Ce 17 décembre, 4ème anniversaire de l’adoption et de la reconnaissance internationale des droits humains des paysan·nes et des autres personnes travaillant dans les zones rurales, nous réfléchissons aux progrès que nous avons réalisés vers la mise en œuvre et l’application complètes des droits des paysan·nes.
Le 17 décembre 2018, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté la Déclaration des Nations unies sur les droits des paysan·nes et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP), ouvrant un nouveau chapitre pour répondre aux revendications et aux intérêts des paysan·nes afin de garantir le respect de leurs droits.
Tout d’abord, il est important de souligner que la mise en œuvre de l’UNDROP est en cours sous diverses formes, mais pas à l’échelle et avec l’urgence que nous souhaitions, dans de nombreuses régions et pays1.
Il est difficile de répondre à la question de savoir dans quelle mesure les Etats réalisent les droits de l’UNDROP au niveau local. Le contexte géopolitique mondial actuel est marqué par un manque inquiétant de volonté politique de faire respecter les droits humains. Le capitalisme sans limites, les conflits prolongés et la crise climatique continuent d’aggraver les inégalités; depuis l’adoption de l’UNDROP en 2018, le monde a connu crise sur crise. Au cours des quatre dernières années, le nombre de personnes sous-alimentées a augmenté d’environ 200 millions. Des centaines de défenseur·euses de l’environnement et des communautés ont été tué·es en défendant les droits à la terre de leur peuple contre l’appropriation par les multinationales et les interlocuteurs étatiques. Sous le coup de la pandémie de la COVID-19, les droits des travailleur·euses ont été gravement érodés. Au lieu que les États respectent leurs obligations de protéger les droits des personnes marginalisées et de garantir un environnement propice à la résolution de ces crises imbriquées, de nombreux gouvernements détournent le regard tandis que les entreprises profitent du désespoir.
Un exemple flagrant est celui des fausses solutions des multinationales à la crise climatique (connues sous le nom de “solutions fondées sur la nature” ou de programmes “net zéro“), telles que l’expansion des marchés du carbone et les compensations sur les terres et l’agriculture. Ces solutions sont des pertes terribles pour les paysan·nes, les peuples autochtones, les pêcheur·euses, les habitant·es des forêts et les autres personnes qui se trouvent en première ligne de la crise climatique globale. Au lieu de s’éloigner de l’agrobusiness basée sur les combustibles fossiles et de soutenir la souveraineté alimentaire et l’agroécologie paysanne – les véritables solutions aux crises actuelles – de nombreux gouvernements et dirigeant·es continuent de soutenir les pollueurs dans l’intérêt de la sécurité économique à court terme.
Les femmes, les jeunes, la diversité sexuelle et de genre, les migrant·es, les travailleur·euses agricoles et les autres personnes vulnérables, en particulier celles qui vivent dans les zones rurales, subissent de plein fouet la négligence et le désintérêt de l’État. La violence sous diverses formes s’est accrue à l’encontre de ces groupes à mesure que la crise s’aggrave. De plus en plus de filles sont mariées de force, les droits sexuels et reproductifs des femmes sont grossièrement violés et les soins de santé de base sont refusés.
Compte tenu des injustices flagrantes dont sont victimes les paysan·nes, leurs familles et les autres personnes travaillant dans les zones rurales, La Via Campesina (LVC) appelle les gouvernements à accélérer la mise en œuvre de l’UNDROP à tous les niveaux. Ceci est important car cela permet aux paysan·nes d’améliorer leurs moyens de subsistance, de renforcer la souveraineté alimentaire et l’agroécologie, et de renforcer la lutte contre la crise climatique et la criminalisation de nos luttes.
Ci-dessous, LVC présente des demandes concrètes pour faire de l’UNDROP une réalité pour les communautés du monde entier.
Demande d’une procédure spéciale de l’ONU sur l’UNDROP
La mise en œuvre de l’UNDROP ne se fera que par la généralisation et le suivi au niveau international. C’est pourquoi LVC et ses allié·es mènent la lutte pour la création d’une procédure spéciale sur l’UNDROP. S’il est créé, ce mécanisme permettra une mise en œuvre efficace grâce à une intégration et un suivi accrus au niveau international. Nous appelons tou·tes nos allié·es, nos organisations membres et nos militant·es à intensifier leurs efforts de plaidoyer dans leurs pays et auprès des organes de l’ONU en faveur de la création de la procédure spéciale de l’UNDROP lors de la session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU prévue en mars 2023. Nous appelons tous les pays à soutenir les communautés paysannes et à s’engager dans la création de ce nouveau mécanisme de suivi de l’ONU.
Pour construire des sociétés meilleures et socialement justes, nous avons besoin de toute urgence d’un changement transformateur qui permette de passer de systèmes destructeurs, axés sur le profit, à des systèmes centrés sur les personnes qui travaillent en harmonie avec la nature. Une procédure spéciale de l’ONU sur l’UNDROP créera un mécanisme permettant de commencer à identifier à la fois les violations des droits et les solutions systémiques: nous pensons que cela jouera un rôle important dans le processus de transformation.
La procédure spéciale, hébergée au sein du Conseil des droits de l’homme, pourrait inclure un·e rapporteur·euse spécial·e ou un groupe de travail d’expert·es de l’ONU qui serviraient de mécanismes de suivi de l’UNDROP, permettant de surveiller la situation des droits humains des paysan·nes et des autres personnes travaillant dans les zones rurales dans différents pays, et offrant un espace de discussion et d’échange d’idées sur les bonnes pratiques entre les États et entre les États et les organisations de la société civile (en particulier les organisations composées de détenteur·trices de droits).
Qu’est-ce que nous avons fait ?
Les membres de LVC dans le monde entier ont apporté l’UNDROP à nos bases et à nos communautés au niveau national et local avec des actions directes, des formations et la création de matériaux populaires de l’UNDROP. Nous poursuivrons nos efforts pour traduire l’UNDROP et les matériaux d’education populaire dans nos langues locales afin de comprendre et d’accroître l’appropriation de cet outil crucial de lutte. Nous appelons nos membres, les détenteur·trices de droits et nos allié·es à continuer à vulgariser et à utiliser l’UNDROP comme un outil dans leurs luttes quotidiennes. Citez et faites référence à l’UNDROP à chaque fois que vous en avez l’occasion, discutez-en lors de réunions, présentez-le à des avocat·es et à des représentant·es du gouvernement, et reliez-le à des contextes personnels et communautaires. La diffusion de l’UNDROP au niveau local est un moyen puissant de créer une dynamique de changement.
La boîte à outils d’éducation populaire de l’UNDROP est prête !
Entre 2021 et 2022, LVC et FIAN International ont développé une boîte à outils d’éducation populaire de l’UNDROP afin de créer une plus grande sensibilisation, de promouvoir une compréhension plus profonde et de renforcer les capacités par la formation des mouvements des populations rurales à utiliser efficacement l’UNDROP pour affirmer et faire avancer nos droits collectifs et individuels. La boîte à outils, en trois langues – anglais, français et espagnol – comprend cinq brochures, une vidéo explicative, un script audio [2] et des mèmes. Cette boîte à outils jouera un rôle crucial pour reconnecter l’UNDROP aux petit·es producteur·trices alimentaires du monde entier – les mêmes personnes qui ont inspiré son contenu, qui ont travaillé à son développement et dont les droits à une vie et à des moyens de subsistance dignes continuent d’être violés.
Un nouveau site web pour partager les expériences de l’UNDROP
Ce mois-ci, LVC, FIAN, le CETIM et l’Académie de droit international humanitaire et de droits humains de Genève ont lancé un site web commun dédié à l’UNDROP : Défendre les droits des paysan·nes : Plateforme des luttes rurales en action ! – une large plateforme de connaissances en trois langues pour partager des exemples de l’UNDROP en action.
Ce 17 décembre, nous célébrons les efforts de notre mouvement pour défendre et mettre en œuvre l’UNDROP et nous appelons les gouvernements à prendre des mesures urgentes pour une adoption et une mise en œuvre généralisées. Il n’y a plus de temps à perdre : les paysan·nes et les autres personnes travaillant dans les zones rurales sont la base de nos systèmes agricoles et alimentaires et ont besoin que leurs droits soient protégés et défendus. Nous avons besoin des droits paysans MAINTENANT !
1 Bolivie, Canada, Cuba, Colombie, Indonésie, Népal, Palestine, etc. L’UNDROP a servi de base pour formuler des recommandations sur l’application de mesures correctives au Paraguay et en Argentine.
[2] Disponible en janvier 2023
Cette publication est également disponible en English : liste des langues séparées par une virgule, Español : dernière langue.