Un tribunal international contre Monsanto
Article à paraître dans Campagne Solidaire n°313
(Paris, 7 décembre 2015) L’événement sera exemplaire à plus d’un titre : le 16 octobre 2016, à La Haye (Pays-Bas), se réunira un tribunal international qui jugera la firme Monsanto.
« Tout est parti il y a environ un an, explique le 3 décembre à Paris, lors d’une conférence de presse, la journaliste et cinéaste Marie-Monique Robin, marraine de la démarche. Quelques personnes et associations ont pris l’initiative et, depuis, la liste grossit. Toutes veulent faire de ce procès contre Monsanto un exemple, car bien sûr ce n’est pas la seule firme concernée. » Mais avec ses 14,2 milliards d’euros de chiffres d’affaires et ses 21 000 salariés dans 66 pays, l’exemple est de taille.
Un nombre croissant de citoyen·ne·s de différentes régions du monde considèrent l’entreprise basée à Saint-Louis (Missouri, Etats-Unis) comme le symbole d’une agriculture industrielle qui pollue, tue et contribue massivement au réchauffement climatique. En près de cent ans, la multinationale a commercialisé des produits hautement toxiques. La liste est longue de ces produits – des PCB ou polychlorobiphényles au 2,4,5T, un des composants de l’agent orange déversé par l’armée américaine au Vietnam – ayant provoqué les troubles pathologiques ou mortels les plus divers : cancers, malformations congénitales, stérilité…
L’agriculture est encore aux prises avec au moins deux d’entre eux : les OGM et les pesticides qui y sont liés, principalement le Roundup. L’herbicide le plus utilisé au monde, très toxique, est utilisé tant dans les jardins qu’associé aux monocultures transgéniques, principalement de soja, maïs et colza, destinées à l’alimentation animale ou à la production d’agrocarburants.
Longtemps, la communication de Monsanto l’a fait passer pour un produit inoffensif. Mais depuis quelques années, les études se multiplient qui concluent aux effets cancérogènes du glyphosate, son agent actif. « Le Roundup est une bombe à retardement, souligne Marie-Monique Robin. C’est un des plus grands scandale sanitaire et environnemental de toute l’ère industrielle. »
Président de l’Ifoam, la fédération mondiale des mouvements d’agriculture bio, André Leu résume la situation : « Monsanto incarne tout le mal fait à celle planète. » Et si la démarche du Tribunal pour Monsanto est rendue publique à l’occasion de la Cop 21, c’est parce que le modèle agro-industriel promu par la firme est à l’origine d’au moins un tiers des émissions de gaz à effet de serre mondiales dues à l’activité humaine ; il est aussi largement responsable de l’épuisement des sols et des ressources en eau, de l’extinction de la biodiversité et de la marginalisation de millions de petit·e·s paysan·ne·s. Il menace aussi la souveraineté alimentaire des peuples par le jeu des brevets sur les semences et de la privatisation du vivant.
La mise en place du tribunal, coordonnée pour ses débuts par Arnaud Apoteker, ancien « Monsieur OGM » de Greenpeace et ancien conseiller du groupe écologiste au Parlement européen, bénéficie de collaborations très affûtées et compétentes, de la militante indienne Vandana Shiva, prix Nobel alternatif, à Olivier de Schutter, rapporteur spécial pour le droit à l’alimentation auprès de l’ONU de 2008 à 2014.
Les organisateurs insistent sur la portée de l’événement : ce sera un vrai tribunal, avec des magistrats et des avocats professionnels, avec des témoins venant du monde entier, et il se réunira à La Haye, ville où siège le Tribunal pénal international (TPI). La juriste Valérie Cabannes, spécialiste en droit international, en précise un des objectifs : celui de faire reconnaître officiellement par le TPI les crimes contre les écosystèmes, dits écocides (1).
De nombreuses organisations devraient entrer concrètement dans la réalisation du procès. La Via campesina a déjà apporté son soutien au lancement du processus.
Benoît Ducasse, Campagne Solidaire
(1) Ce serait le 5ème crime international contre la paix reconnu par le TPI aux côtés du crime contre l’humanité, du crime de guerre, du génocide et du crime d’agression.·
Photo : Marche contre Monsanto, le 23 mai 2015 à Ouagadougou (Burkina Faso). Ce jour-là, 430 marches contre Monsanto se sont déroulées à travers le monde, à l’appel de divers collectifs d’organisations.