Turquie : Çiftçi-Sen dit NON au Référendum Constitutionnel

Communiqué de la Confédération de syndicats paysans Çiftçi-Sen

(Bruxelles, le 12 avril 2017) La Confédération de syndicats paysans Çiftçi-Sen, membre turc de la Coordination européenne Via Campesina (ECVC), nous fait part de sa position vis-à-vis du référendum constitutionnel du 16 avril prochain. Les paysan-ne-s de Turquie diront NON (#HAYIR) au référendum et invitent tou-te-s les paysan-ne-s à en faire de même pour leur propre avenir.

Pourquoi les paysan-ne-s disent-ils NON?

Le référendum du 16 avril prochain est d’une importance cruciale pour les paysan-nes. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une élection générale pour laquelle les différents partis font campagne, il décidera de la pérennisation ou non de la violation de nos droits.

Les instigateurs du référendum ont le pouvoir entre leurs mains depuis 2002. Il s’agit depuis lors d’un gouvernement au parti unique. Ils avaient donc tous les moyens à leur disposition pour améliorer la situation des paysan-nes. Ils ne se sont pas donné cette peine! Ils sont toujours au pouvoir et disposent de tous les moyens nécessaires pour proposer des politiques en faveur des paysan-nes.La réalité est tout autre : les entreprises sortent gagnantes, au détriment des paysan-nes. Le prix du pétrole, des engrais, des pesticides et des semences a augmenté en flèche. Nous produisons, certes, mais la vente de nos produits ne permet même pas de couvrir les coûts de production. Nous voulons continuer à exercer notre métier, une utopie quand les dettes ne font que s’accumuler. Nous nous devons de rappeler que c’est bien CE gouvernement, celui-là même qui a imposé des politiques destructrices aux petits paysan-nes, qui est aujourd’hui à l’origine de ce référendum.

 Blé – l’espace dédié à la production était de 9 300 000 d’hectares en 2002. En 2016, seuls 7 780 000 d’hectares y étaient consacrés. Les paysan-nes sont donc privés de 1,5 million d’hectares pour la production du blé. Résultat des courses : nous devons en importer!

Orge – les politiques de prix erronées en vigueur de 2002 à 2016 ont mené à l’arrêt de la production de l’orge sur 1 million d’hectares de terres. Par conséquent, nous sommes devenus des importateurs de fourrages.

Légumineuses – la production de pois chiches et de lentilles rouges a diminué d’un tiers, tandis que la quantité de lentilles vertes produites a elle chuté de deux tiers. À nouveau, l’importation est devenue inévitable.

Betteraves à sucre – en 2002, plus de 492 000 familles produisaient des betteraves sucrières. En 2016, ce nombre a chuté à 106 000. Si en 2002 la Turquie comptait 3 724 680 d’hectares de terres dédiées à la production de betteraves à sucre, en 2015, seuls 2 752 721 d’hectares subsistaient.

Coton – entre 2002 et 2016, nous sommes passés de 7 210 770 d’hectares à 4 800 000.

Viticulture – le kilo de raisins secs se vendait entre 4 et 4,5 TRY en 2014, 5,50 TRY en 2015 avant de chuter à 3 TRY en 2016. À l’heure actuelle, en 2017, les négociants achètent les raisins secs de l’année précédente à 3,35 TRY le kilo. Au cours de ces dernières années, le prix des raisins secs ne s’est pas stabilisé et cette instabilité n’est pas sans conséquence : le revenu des producteur-rices est aujourd’hui inférieur aux coûts de productions. Outre cette situation financière instable, le pays connaît une crise politique avec certains de ses pays voisins. Loin d’améliorer la situation, l’exportation de raisins et de raisins secs est tout bonnement devenue impossible.

Noisettes – le gouvernement coupe les ponts avec les paysan-nes. La productivité s’est elle aussi effondrée, en passant de 113 kg/décare en 2002 à 66 kg/décare en 2016.

Thé – les producteurs de thé sont laissés pour compte, à la merci des marchés. Des actions de Çaykur (une entreprise publique, connue sous le nom de la Direction générale de l’exploitation du thé turque), fournissant par le passé une assistance technique aux producteur-rices, ont été transférées au fonds souverain turc en 2017. Sa capacité de régulation des marchés s’est vu affaiblie et elle peut donc désormais vendre aux entreprises du secteur privé. Il semblerait que l’objectif soit de créer une dépendance des producteur-rices vis-à-vis des entreprises.

Olives – le nombre d’oliviers a augmenté de 113 à 171 millions entre 2005 et 2016. Pas de quoi se réjouir étant donné qu’un projet de loi prévoit la destruction de ces arbres au profit des intérêts des entreprises. Pour l’instant, le parlement bloque la promulgation de la nouvelle loi, une véritable épée de Damoclès. Il en sera tout autre après le référendum.

Tabac – autre chute vertigineuse du côté des producteurs de tabac : s’ils étaient 405 000 en 2002, ils ne sont plus que 56 000 aujourd’hui. Par conséquent, la production a elle aussi diminué de 159 000 tonnes à 62 000 tonnes. L’heure de la fin de notre production de tabac a presque sonné et ce sont ces politiques qu’il faut blâmer.

Fruiticulture – cette année, les grenades n’ont pas pu être récoltées. Dans la ville de Denizli, les paysan-nes ont déraciné les pommiers car les pommes ne leur rapportent pas d’argent. Du côté de la citriculture, les paysan-nes s’apprêtent à jeter leurs oranges et tangerines sur les routes.

Semences – sans ses semences, un-e paysan-ne ne se considère pas comme tel-le. Le gouvernement a décidé qu’il n’apportera qu’une assistance financière aux paysan-nes utilisant des semences industrielles certifiées après 2018. Cette politique favorise clairement les entreprises semencières et entraînera la dépendance des paysan-nes et de notre agriculture envers l’industrie semencière.

Soutient financier et prêts – entre 2004 et 2016, le montant des aides publiques a été multiplié par 3,7, alors que le montant des prêts octroyés par les banques a été multiplié par 13,5. Du côté des prêts agricoles, le nombre de paysan-nes en défaut de paiement a lui été multiplié par 9.

À cause de toutes ces politiques au profit de l’agro-business et des banques, nous, les paysan-nes, sommes forcés d’arrêter notre production.

Terres agricoles – on constate une diminution de 3 millions entre 2002 et 2016, en passant de 26 579 hectares à 23 900 hectares.

Prairies et fourrages – environ 617 000 hectares ont été perdus entre 2002 et 2016. Suite à la nouvelle « loi des municipalités métropolitaines », les prairies, les fourrages et les terres agricoles des communs des villages ont été vendus. Cette loi limite également le droit des paysan-nes à produire.

Élevage – la Turquie comptait 83 millions d’animaux lorsque sa population était de 45 millions. Il y avait donc 2 animaux pour un habitant. Aujourd’hui, la population est de près de 80 millions et le nombre d’animaux d’environ 50 millions. Nous avons donc désormais un animal pour 2 habitants. En bref, nous sommes devenus des importateurs, alors que nous étions des exportateurs.

Le prix du lait n’a pas augmenté depuis 2014 tandis que le coût des fourrages n’a fait qu’augmenter d’année en année.

La destruction de l’environnement : un phénomène en expansion. Les centrales éoliennes, géothermiques, hydroélectriques, à charbon, nucléaires et les recherches minières se propagent à un rythme alarmant. Résultat, nous nous trouvons face à une production agricole de qualité inférieure, à une augmentation des coûts, au changement climatique, soit une situation nous empêchant de produire davantage et nous forçant à abandonner l’agriculture.

Projet national en matière d’agriculture – La faillite du secteur agricole a été mise en œuvre avec la complicité du président, du premier ministre et du ministre de l’agriculture à l’occasion d’une grande réunion en 2016. Ces politiques erronées ont réduit l’importance du secteur agricole de 5,6 % dans les première et deuxième phases et de 7 % dans la troisième. Ceci est la preuve, chiffres à l’appui, qu’une faillite a bien lieu.

NON à l’agro-business!

NON à l’expropriation de nos droits, de nos terres, de nos eaux, de nos semences!

Pour continuer à pratiquer l’agriculture et obtenir un revenu digne de notre production;

Pour stopper la vente forcées de nos terres à cause des dettes:

Pour que notre avenir soit entre nos mains;

Disons NON au référendum!