Brésil : Déjà près de deux milles assassinats politiques dans les zones rurales

Des données de la Commission pastorale de la terre (CPT), font état de 1 833 assassinats de paysans et de meneurs de la lutte pour la réforme agraire lors de conflits depuis 1985 ; la surface occupée par les latifundia a augmenté de 375%.

(Brasilia, 28 mars 2017) L’année 2016 a été marquée par des retours en arrière dans tout le pays. Les zones rurales n’y font pas exception : le nombre d’assassinats dus aux conflits pour la terre est revenu à son niveau d’il y a 13 ans. Avec soixante morts (20% de plus que l’année précédente), 2016 est devenue l’année la plus violente dans les zones rurales depuis 2003, quand soixante et onze personnes avaient été assassinées dans la lutte pour une réforme agraire et la défense de leurs territoires traditionnels, selon le rapport « Conflits dans les zones rurales du Brésil en 2016 », réalisé par la Commission pastorale de la terre (CPT).

Comme lors des années précédentes, les violences se sont concentrées aux alentours de l’Amazonie. Parmi les soixante assassinats, quarante-neuf ont eu lieu dans cette région. Rondônia a été la province la plus touchée par la violence, avec vingt et un morts. Maranhão se retrouve en deuxième position avec treize assassinats. La province de Pará, ancienne numéro un, figure à la troisième place avec six morts. Tocantins a connu trois assassinats et Amazonas, Alagoas et Mato Grosso en ont connu deux. Parmi les régions les plus touchées par les conflits agraires se trouvent : le Nord-Est, le Centre-Ouest, le Sud-Est et enfin la région Sud.

D’après le rapport, les principales causes de violence dans les zones rurales sont les querelles pour la terre et les ressources en eau. Les conflits s’intensifient là où s’accroissent les agro-industries, la présence des compagnies minières et les grands travaux d’infrastructure.

Des indigènes, des leaders quilombolas [1], des paysans et des syndicalistes comptent parmi les victimes. L’étude de la CPT met en exergue trois cas emblématiques : les assassinats de la militante Nilce de Souza Magalhães à Porto Velho (RO) ; du paysan Ivanildo Francisco da Silva à Mogeiro (PB) et de l’indigène Clodiode Aquileu de Souza à Caarapó (MS).

(Nilce, camarade qui dénonçait les violations liées à la construction de la centrale de Jirau à Porto Velho, a été assassinée en janvier dernier).

L’assassinat de Nilce, membre du Mouvement des affectés par les barrages (MAB) fût le cas le plus marquant. Nilce, qui était connue pour son militantisme contre les violations attribuées à la construction de la centrale hydroélectrique de Jirau, a disparu le 7 janvier 2016. Cinq mois plus tard (mi-juin) son corps a été retrouvé, pieds et poings liés, lestés par des pierres, au fond du lac du barrage contrôlé par la centrale, à seulement 400 mètres du campement de pêcheurs où elle vivait à Mutum. Les deux filles de Nilce ont reconnu la montre et les vêtements de leur mère.

« C’est simple à comprendre quand on regarde une carte de la déforestation de l’Amazonie légale1: Rondônia se trouve dans des zones d’expansion qui progressent rapidement pour grignoter d’autres espaces».

Un autre assassinat impitoyable et dont la répercussion fût nationale a eu lieu dans les zones rurales de la province de Paraíba, région d’importance historique pour les luttes paysannes au Brésil. Ivanildo Francisco da Silva, 46 ans, de l’assentamento2 Padre João Maria, fut assassiné le 7 avril d’une balle de fusil calibre 12 dans la tête, dans sa maison de la zone rurale de la municipalité de Mogeiro. Il était avec sa fille de un an. Son corps fût retrouvé le lendemain matin par sa femme. La petite était à côté du cadavre, en pleurs et couverte de sang. En 2015, Ivanildo et d’autres membres du village avaient déjà été victimes du conflit armé financé par les propriétaires terriens de la région. A cette époque, sept hommes de main furent emprisonnés, mais libérés après paiement d’une caution.

En juin, l’assassinat du jeune Guarani-Kaiowá Clodiode Aquileu Rodrigues de Souza, près de la municipalité de Caarapó, dans le Mato Grosso do Sul, a exacerbé le conflit entre indigènes et grands propriétaires terriens de la région. Les Kaiowá occupaient la réserve Tey’ikue, où se trouve le domaine « Yvu », pour revendiquer leurs terres ancestrales (identifiées et délimitées par l’étude publiée par la Fondation nationale de l’Indien – Funai), quand ils furent encerclés par soixante-dix propriétaires terriens armés et encagoulés qui tirèrent à balles réelles, selon l’hôpital et les témoins oculaires. Le jeune agent de santé décéda et cinq autres indigènes parmi lesquels un enfant, furent blessés.

Les méthodes des grands propriétaires terriens pour intimider les communautés indigènes de la région ne se limitent pas au conflit armé. En juillet, la première Cour fédérale de Dourados a accordé une mesure conservatoire en faveur de la communauté indigène locale, interdisant aux exploitations alentours l’épandage – aérien ou par d’autres moyens – d’agrotoxiques à moins de cinquante mètres de leurs réserves. Le cas trainait depuis 2008, année où les indigènes avaient gagné devant la Justice le droit d’occuper la zone de la réserve légale de deux propriétés rurales et où ils avaient vu les propriétaires terriens remplacer les tracteurs par des avions pour vaporiser leurs plantations de soja et de riz.

LES PRINCIPAUX FACTEURS DE VIOLENCE DANS LES ZONES RURALES

Entre 1964 et 2016, le nombre total d’assassinats dans les zones rurales fut de 2 507 hommes et femmes dans les régions du Brésil, selon les chiffres de la Commission pastorale de la terre qui recueille systématiquement ces données depuis 1984, et du Mouvement des travailleurs ruraux sans terre (MST) qui rassemble les données antérieures à 1986. Au cours de cette période, un des moments les plus violents fut la décennie 1980, quand le pays se réconcilia avec la démocratie. Cette décennie fut marquée par la création du MST et par la hausse des mobilisations sociales et des luttes pour démocratiser l’accès à la terre.

Après la restauration du pouvoir civil entre 1985 et 2016, la CPT enregistra 1 833 assassinats dans les zones rurales. Autrement dit, le nombre de morts dues aux conflits dans les zones rurales enregistré fut trois fois plus élevé au cours de la période démocratique que dans les années précédant le retour de la démocratie. Cela ne signifie pas qu’il y a eu plus de morts pendant la période démocratique mais plutôt qu’avant, les registres étaient plus précaires et cela met également en évidence l’importance des conflits depuis 1985.

(Un indigène montre les cartouches ramassées après l’attaque des propriétaires terriens. Photo : Ruy Sposati/Cimi)

Dans les années 1990, le nombre de morts diminua. En 2000, vingt et un assassinats furent enregistrés. Comment expliquer alors que les assassinats aient doublé en 2015 (50 morts) et triplé en 2016 ?

Pour Thiago Valentim de la coordination nationale de la CPT, il existe trois facteurs principaux de l’augmentation des conflits. Premièrement : l’impunité, mais celle « relative aux conflits dans le monde rural, car notre système pénitentiaire est l’un de ceux qui emprisonnent le plus », insiste-t-il. Deuxièmement : le démantèlement des organismes publics et l’absence d’une politique d’État orientée vers la démocratisation de la terre. Valentim rappelle qu’au cours des dernières années il y a eu peu d’investissement dans la réforme agraire, « au point qu’il y a eu des années où le gouvernement n’a procédé à aucune expropriation».

C’est pour cela que les conflits augmentent, conclut le coordinateur. Car il y a des communautés en lutte et quand les gouvernements n’agissent pas, « ce sont les mouvements qui entrent directement en conflit avec les latifundia3 ». Le troisième facteur identifié par Valentim est l’expansion de l’agro-industrie, « la progression des grandes entreprises dans le monde rural et des grands travaux d’infrastructure », qui convoitent les territoires des communautés traditionnelles pour la richesse qu’ils contiennent.

« Dans la région, ils ont tué quatre travailleurs et jusqu’à maintenant aucune enquête n’a été menée à terme. Les auteurs des homicides sont des policiers civils et des militaires qui agissent dans la région ».

Le secrétaire exécutif du Conseil indigène missionnaire (Cimi), Cleber César Buzatto, pense que les principales causes de violence contre les indigènes sont la lenteur et la paralysie des procédures administratives sur la démarcation des terres : « Ce facteur contribue pour beaucoup à l’augmentation des tensions et des conflits entre les peuples. Un autre aspect est une plus grande organisation et une action plus articulée, systématique et violente de la part de l’agrobusiness dans l’offensive contre les droits des peuples. Le rôle du groupe parlementaire ruraliste4 au cours des dernières années a été intense, avec l’utilisation d’instruments législatifs contre les droits des indigènes, comme la PEC 215 (projet façonné par le député Almir Moraes de Sá, du PR, de Roraima, qui transfère de l’Exécutif au Législatif la décision finale concernant la démarcation des terres des peuples indigènes). De nombreux députés tiennent des discours de haine et d’incitation à la violence contre les communautés traditionnelles et les organisations de soutien, ce qui contribue à l’augmentation de l’action armée contre les leaders indigènes et leurs alliés », souligne Buzatto.

Selon les comptes du secrétaire exécutif du Cimi il y a eu entre 2015 et 2016 plus de trente attaques armées de la part de paramilitaires et d’hommes de main, commandés par les grands propriétaires terriens.

Selon João Peres, auteur du livre Corumbiara : un cas enterré (éditions Elefante) sur le massacre des paysans de l’exploitation agricole de Santa Elina en 1995, que la province de Rondônia figure parmi les plus violentes ne date pas d’aujourd’hui. « Les morts ont deux causes : l’action et l’omission de l’Etat. Dans l’action, on note la construction des deux centrales hydroélectriques (Jirau et San Antônio), qui ont encouragé la déforestation, ouvrant la voie à la formation de condominiums qui pillent la forêt et dans lesquels l’État est en difficulté et a même peur de s’aventurer », explique-t-il. « Il faut aussi noter la spéculation foncière stimulée par la possibilité de goudronner la route BR 319, exactement à l’endroit où certains leaders emblématiques ont été assassinés ».

Peres souligne que les assassinats ont lieu particulièrement là où l’exploitation du bois est forte et le contrôle fiscal faible : « C’est simple à comprendre quand on regarde une carte de la déforestation de l’Amazonie légale : Rondônia se trouve dans des zones d’expansion qui progressent rapidement pour grignoter d’autres espaces. C’est pour cela qu’ils ont assassiné des personnes dans le Vale do Jamari, qui semble avoir remplacé en ce siècle la partie sud du Rondônia au rang de région la plus dangereuse de la province. L’enquête insatisfaisante alimente la violence contre les mouvements. Comme ce sont les propriétaires des terres qui commandent les structures institutionnelles, il est évident que l’État n’agira pas en faveur de la résolution de ces cas, au contraire, il s’arrangera pour qu’ils restent impunis ».

L’auteur rappelle que durant la dictature, le Rondônia a attiré les propriétaires terriens et les sans-terres et ce mélange « est toujours aussi explosif », y compris après cinq décennies de « boom » migratoire.

PRISONS ET PERSÉCUTIONS

La violence dans les zones rurales enregistrée en 2016 ne date pas de cette année et est loin de se terminer. Les persécutions politiques et les prisons arbitraires rappellent la dictature de 1964, qui recommence à être évoquée actuellement. En novembre 2016, lors d’une action de la Police civile du Paraná, baptisée « Opération Castra », huit membres du MST furent emprisonnés dans la région de Quedas do Iguaçu. Accusés d’appartenir à une organisation criminelle et d’ « extorquer les habitants », les paysans ont été arrêtés et sont toujours en prison.

Selon Geani Paula, coordinatrice du Mouvement au Paraná, les raisons invoquées pour justifier l’emprisonnement « sont des accusations sans liens avec la réalité ». La région est marquée par les conflits depuis 2014, année où trois mille familles occupèrent les terres de l’entreprise Araupel. Les zones furent reconnues « griladas » [2] et déclarées par la Justice fédérale terres publiques appartenant à l’Union, donc destinées à la réforme agraire.

« Dans la région ils ont déjà tué quatre travailleurs et jusqu’à maintenant aucune enquête n’a été conclue. Les auteurs des homicides sont des policiers civils et des militaires qui agissent dans la région », déplore Paula.

CONCENTRATION ET MANQUE DE DÉMOCRATISATION DES TERRES

La démocratisation par les urnes n’a pas atteint les campagnes aussi rapidement. D’après le rapport « Terrains de l’inégalité – Terre, agriculture et les inégalités dans le Brésil rural », élaboré par Oxfam Brésil (organisation liée à l’université d’Oxford et présente dans 94 pays), la concentration des terres est la principale cause de violence dans les zones rurales. Actuellement, moins de 1% des grands propriétaires détient 45% de toute la zone rurale tandis que les petits propriétaires (possédant moins de 10 hectares) occupent moins de 2,3% de cette dernière.

Le rapport publié en janvier cette année par le Núcleo de Estudos, Pesquisas e Projetos de Reforma Agrária (Nera)5, en lien avec l’Université de l’état de São Paulo (Unesp), insiste sur le problème de la hausse de la concentration des terres au Brésil. Selon le rapport, la superficie des terres occupées par les grands domaines agricoles a augmenté de 375% en trente ans. L’étude calcule la croissance de propriétés de plus de cent mille hectares depuis 1985.

Pour les rapporteurs, la réforme agraire suit un rythme plus lent que l’expansion de l’agrobusiness, qui continue d’élargir son territoire à travers la « grilagem » et l’achat de terres par des investisseurs étrangers. L’enquête cite au moins vingt-trois pays détenant des terres sur le territoire national, en particulier les Etats-Unis, le Japon, le Royaume-Uni, la France et l’Argentine. « Les principaux investissements se font en produits de base : le soja, le maïs, le canola, le colza, le sorgho, la canne à sucre et la monoculture d’arbres, en sus de la production de semences transgéniques », détaille le rapport.

NOUVELLES FRONTIÈRES AGRICOLES, NOUVEAUX CONFLITS

Selon Thiago Valentim de la CPT, les conflits s’accentuent plus fortement dans la région Nord car « la progression du capital y est plus présente et parce que c’est une zone très riche où les entreprises achètent de grandes parcelles de terre ». Il tire aussi la sonnette d’alarme à propos d’une autre zone très convoitée et qui explique l’augmentation des conflits au Nordeste : le plan de développement agricole de Matopiba (Maranhão, Tocantins, Piauí et Bahia).

Valentim considère cette région comme un exemple clair de l’offensive contre les communautés traditionnelles, qui auparavant progressait dans le Nord et qui désormais s’étend de manière plus articulée aux autres régions du pays. Le rapport de la CPT a recensé des dizaines de cas de violence dans le Matopiba, comme le conflit armé, la destruction des maisons et des plantations, les expulsions et menaces d’expulsions ainsi que l’obstruction de l’accès à l’eau.

TERRE TACHÉE DE SANG

Plus de 2 500 hommes et femmes ont été assassinés entre 1964 et 2016 dans toutes les régions du Brésil, selon les recherches de la Commission pastorale de la terre et du Mouvement des travailleurs ruraux sans terre (MST). La décennie 1980, période de retour vers la démocratie dans le pays, coïncide avec l’accroissement de la violence dans les campagnes, les assassinats de leaders sur les ordres de propriétaires terriens, des compagnies minières et des grandes entreprises. Malgré quelques accusations par les hommes de main, les donneurs d’ordre n’ont pas souvent été appréhendés par la justice.

Le 17 avril 1996, dix-neuf travailleurs ruraux sans terre ont été assassinés par la police militaire lors d’un évènement relayé mondialement sous le nom de Massacre de l’Eldorado de Carajas, dans le sud-est du Pará. Les travailleurs du MST se dirigeaient à pieds vers la ville de Belém quand les policiers leur ont fait barrage. Plus de 150 policiers (armés de fusils, de munitions réelles et sans insigne sur leurs uniformes officiels) furent convoqués pour interrompre cette marche, ce qui mena à une action répressive extrêmement violente. Vingt ans plus tard, deux commandants de cette opération ont été condamnés : le colonel Mario Colares Pantoja, condamné à 258 ans, et le majeur José Maria Pereira de Oliveira, condamné à 158 ans. Tous deux sont en prison depuis 2012. Les preuves de la participation de Vale do Rio Doce (qui à l’époque était encore une entreprise publique) au transport des troupes depuis Paraupebas et Marabá dans un autobus de l’entreprise Transbrasiliana n’ont jamais fait l’objet d’une enquête.

L’administrateur de Transbrasiliana –qui a reçu l’ordre et l’argent- se nomme Gumercindo de Castro. Le fonctionnaire de l’entreprise Vale qui fit appel à ses services s’appelle James. « Comment expliquer qu’une entreprise publique fasse appel à une entreprise privée pour transporter des troupes de la Police militaire mobilisées pour disperser une manifestation publique ? », questionne Eric Nepomuceno, auteur du livre O Massacre : Eldorado dos Carajas : Uma historia de impunidade (Ed. Planeta).

Memorial Chico Mendes

Francisco Alves Mendes Filho (Chico Mendes), leader du mouvement des caoutchoutiers et président du Syndicat des travailleurs ruraux d’Acre, a été tué par balles à l’âge de 44 ans le 22 décembre 1988 à Xapuri par Darci Alves, sur ordre du propriétaire terrien Darli Alves. En 1990, tous deux furent condamnés à 19 ans de prison mais ils s’en échappèrent en 1993 avant d’être repris trois ans plus tard. Ils bénéficièrent d’améliorations de leur régime de détention, à domicile et semi-ouvert.

CPT

La missionnaire nord-américaine Dorothy Mae Stang, militante pour les droits socio-environnementaux et défenseure d’un projet pour la durabilité de l’Amazonie a été assassinée à l’âge de 73 ans le 12 février 2005 dans la municipalité d’Anapu, aux abords de la Transamazonienne dans l’État du Pará. La religieuse naturalisée brésilienne vivait dans la région depuis les années 1970 et s’est battue pour la création de la réserve Esperanza, un projet de l’Incra [3], où elle fût capturée par des hommes de main. Deux des commanditaires du crime, Viltamiro Bastos de Moura et Regivaldo Pereira Galvaõ, sont toujours en liberté. Clodoaldo Batista et Rayfran das Neves Sales, qui commirent le crime ont été condamnés respectivement à 18 et 27 ans de prison.

Greenpeace/Felipe Milanez

Le couple d’agriculteurs José Claudio Ribeiro da Silva et Maria do Espirito Santo da Silva, a été assassiné le matin du 24 janvier 2011 à Nova Ipixuma, au sud-est du Pará. Le 6 décembre 2016, le Tribunal de Belém a condamné à 60 ans le propriétaire terrien José Rodrigues Moreira, qui a ordonné les assassinats. Zé Claudio et Maria étaient des environnementalistes et des extractivistes6 et ils dénonçaient l’accaparement illégal des terres et la déforestation illicite au sein de l’implantation agro-extractiviste de la localité.

Rédigé par : Cauê Seigner Ameni (de Olho nos Ruralistas)

Traduit du portugais à l’espagnol par : Amanda Verrone

NOTES DE LA TRADUCTRICE

[1] Identité référente au « quilombo », terme dérivé du kimbundu, langue africaine appartenant à la famille linguistique bantoue, comprise dans la région actuelle de l’Angola. Au Brésil, le mot a pris un sens nouveau à travers les appareils répressifs destinés à capturer les personnes ou les groupes qui fuyaient l’esclavage. Dans la législation coloniale brésilienne, on appelait « quilombo » n’importe quel groupe de plus de cinq personnes noires. « Quilombolas » fait donc référence aux personnes qui historiquement représentaient la résistance noire au Brésil esclavagiste.

[2] Appropriation illégale de terres. La «grilagem » est une pratique ancienne de vieillissement des documents de certification de propriété falsifiés dans le but d’obtenir la propriété de parcelles de terre. L’origine de ce terme vient de la pratique de placer les documents falsifiés dans une cage avec des grillons. Avec le temps l’action des insectes donnaient aux documents un aspect vieilli, preuve de leur ancienneté et ainsi de leur apparente authenticité.

[3] Institut national de la colonisation et de la réforme agraire

1[NdlT] Amazônia Legal : Amazonie légale ou Amazonie brésilienne : territoire délimité en 1953 pour déterminer les régions éligibles au développement programmées pour l’Amazonie. Elle comprend les Etats correspondant à la région Nord (Acre, Amapá, Amazonas, Pará, Rondônia et Roraima), et les Etats du Mato Grosso au nord du 16e parallèle, du Goias au nord du 13e parallèle et du Maranhão à l’ouest du 44e méridien. Ce territoire couvre 500 millions d’hectares (soit 5 million de km²) dont 330 millions sont forestiers. Source : geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/amazonie-bresilienne-legale

2 [NdlT] Les assentamentos désignent des zones de colonisation associées à la politique de réforme agraire sur des terres expropriées ou sur des terres publiques. Ces zones ont été divisées en plusieurs lots sur lesquels ont été installées des familles sans terres à des fins d’agriculture. Source : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/assentamentos

3 Une latifundium (pl. : latifundia ou latifundios) est une grande propriété caractérisée à la fois par sa taille, de quelques centaines d’hectares à des dizaines de milliers d’hectares, et par la très faible mise en valeur des terres. Les latifundios sont le plus souvent consacrés à l’élevage extensif et à quelques cultures vivrières assurées par des paysans sans terre, liés au maître du domaine par des liens de dépendance à la fois personnelle et financière. Source : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/latifundios

4 [NdlT] Groupe suprapartisan formé par de grands propriétaires terriens, grands éleveurs et leurs alliés (qui ont tous des intérêts dans le « secteur rural »). Source : Les Temps Modernes n°678

5 Centre d’études, de recherches et de projets sur la réforme agraire.

6 [NdlT] Le terme extractivismo, pour lequel est proposé extractivisme en français, désigne au Brésil l’ensemble des activités d’extraction des produits naturels non ligneux de la forêt. Il se différencie de celui de collecte par sa finalité uniquement marchande. Source : L’extractivisme en Amazonie brésilienne : Un système en crise d’identité. Florence PINTON et Laure EMPERAIRE.