Traité sur les semences: Déclaration de Via Campesina
Aux membres du Comité directeur du Traité International sur les Ressources Phytogénétiques pour l’Agriculture et l’Alimentation,
La multiplication et l’aggravation des crises alimentaires, économiques, énergétiques et climatiques contraint les paysans de toutes les régions du monde à adapter leurs systèmes de culture à l’accélération des changements de leur environnement. La conservation dynamique et l’utilisation durable de la biodiversité cultivée, des agrosystèmes, des systèmes sociaux et des savoirs paysans associés sont au centre de cette adaptation dont dépend la nourriture des générations futures.
Cette biodiversité ne peut être conservée et renouvelée sans la reconnaissance des droits des agriculteurs définis par le TIRPAA, notamment leurs droits définis à l’article 9 de conserver, utiliser, échanger et vendre leurs semences de ferme, de participer aux décisions nationales et de protéger leurs savoirs traditionnels. Or, malgré de nombreuses déclarations politiques et scientifiques sur la nécessité de développer la conservation à la ferme, la majorité des pays signataires du Traité interdisent l’exercice de ces droits collectifs. Ils les remplacent par les droits privés de propriété intellectuelle sur les semences qui permettent à une dizaine de firmes semencières multinationales de se proclamer propriétaires de l’ensemble de la biodiversité existante.
Privés de leurs droits, les paysans ne peuvent plus conserver les centaines de milliers de variétés qu’ils ont patiemment sélectionnées pour les adapter à leurs agrosystèmes. Les firmes multinationales les remplacent par quelques dizaines de cultures industrielles destinées à alimenter les populations les plus riches, leurs animaux ou leurs voitures. Non reproductibles et protégées par des Droits de Propriété Intellectuelle (DPI) qui interdisent aux paysans de ressemer leur récolte, ces semences industrielles sont trop chères pour les petits paysans qui ne peuvent ni les racheter chaque année, ni acheter les engrais et les pesticides indispensables à leur culture. Elles détruisent ainsi les cultures vivrières, les systèmes sociaux, culturels et les savoirs traditionnels des communautés paysannes et des peuples indigènes.
Ne concéder aux agriculteurs que le droit au partage des avantages est un leurre contourné par l’UPOV qui refuse de rendre obligatoire l’indication de l’origine des ressources utilisées lors du dépôt d’un COV et par les brevets qui camouflent cette information ; ce droit illusoire ne sert qu’à faire accepter la négation des droits collectifs des agriculteurs par les DPI qui génèrent ces « avantages » jamais partagés.
Utiliser l’argent de la lutte contre la faim pour distribuer gratuitement ces semences industrielles et les engrais associés aux petits paysans qui nourrissent les peuples pauvres du Sud jusqu’à ce qu’ils abandonnent leurs semences paysannes locales, c’est les condamner à disparaître dès que ce soutien non durable disparaîtra : cette politique agressive est contraire à la protection des droits des agriculteurs définis dans le TIRPAA
Les banques de gènes « ex situ » et la biodiversité cultivée sont menacées jusque dans les centres d’origine et de diversification par les contaminations d’OGM brevetés, les guerres et l’abandon des financements publics nécessaires à leur conservation, notamment dans les pays du Sud les plus riches en biodiversité cultivée. Les remplacer par des collections de séquences génétiques numérisées prive les paysans de l’accès à la diversité des graines vivantes reproductibles dont ils auront besoin pour nourrir l’humanité de demain. Les paysans n’ont que faire de semences incapables de germer, enfermées dans un immense coffre fort de glace et auxquelles ils n’ont pas accès, ni de leur code génétique numérisé dans les ordinateurs. Seules les multinationales pourront s’emparer de ce trésor pour commercialiser quelques plantes standardisées issues de gènes synthétiques brevetés que leur puissance financière leur permet de fabriquer.
C’est pourquoi la Via Campesina demande au Comité Directeur du Traité de bien vouloir œuvrer :
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pour faire appliquer par l’ensemble des pays signataires les droits des agriculteurs de conserver, utiliser, échanger et vendre leurs semences de ferme, de les protéger du biopiratage, des contaminations par les gènes brevetés et des politiques agressives qui détruisent les systèmes sociaux, les agrosystèmes, les systèmes culturels et les savoirs traditionnels associés.pour suspendre les Droits de Propriété Intellectuelle sur les semences afin de permettre aux paysans de répondre dans les meilleurs délais aux crises alimentaires, climatiques et énergétiques
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pour conserver la faculté germinative et rendre accessible à l’ensemble des paysans de la planète les ressources phytogénétiques prélevées dans leurs champs et enfermées dans les banques de gènes,
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pour mobiliser ses partenaires financiers, notamment le programme mondial pour l’alimentation, afin de développer de vastes programmes de sélection participative au champ et non pour distribuer des semences industrielles non reproductibles ou pour numériser les collections du système multilatéral,
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pour associer à l’élaboration de ses décisions les organisations de petits agriculteurs rassemblées au sein de Via Campesina tout autant que les représentants de l’industrie
Pour cela d’associer les organisations paysannes au fonctionnement du Traité et notamment :
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à la réalisation d’un rapport sur le respect des droits des agriculteurs et la situation des paysans dans le monde, sur la base de leur propre expérience et des documents fournis par les gouvernements
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à un groupe de travail chargé de s’assurer de la conformité des pratiques des utilisateurs du systèmes multilatéral avec les règles du Traité, notamment en prenant des mesures concrètes pour lutter contre la biopiraterie,
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à un groupe de travail chargé de définir un cadre pour la conservation in situ à la ferme et de faciliter son financement
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à un travail commun avec le C.G.I.A.R. sur la définition des ressources ex situ et d’un code de bonne conduite relatif aux conditions d’accès aux ressources, à leur utilisation et au partage des bénéfices,
et de donner aux organisations de petits paysans les moyens financiers de participer à ces travaux.
Pour contacter la délégation de Via Campesina à Tunis: + 85264504508