Proteger les terres l´eau et les forêts des peuples

La société civile exhorte le Comité de la Sécurité Alimentaire Mondiale (CSA) d’adopter les Directives sur les régimes fonciers des terres pour assurer la sécurité alimentaire et respecter les droits de l’Homme

Rome, Italie, 7 Octobre 2011 — Alors que la dernière phase des négociations intergouvernementales sur les Directives sur la gouvernance des régimes fonciers des terres, pêches et forêts au siège de la FAO à Rome du 10 au 14 octobre est imminente, les organisations de la société civile rappellent à tous les gouvernements leurs immenses responsabilités pour parvenir à un accord sur un des problèmes les plus urgents de notre époque : comment assurer et soutenir un accès équitable et des régimes fonciers sur les terres, pêches, forêts et ressources naturelles pour les peuples autochtones et les petits producteurs, particulièrement les femmes. Ces responsabilités découlent des obligations juridiques des Etats pour la défense des droits de l’Homme – les droits à une alimentation adéquate, au logement, à la santé et au travail – et les droits des peuples autochtones.

 

Garantir l’accès et le contrôle sur les ressources naturelles, y compris les terres, l’eau, pêches et forêts, aux petits producteurs, peuples autochtones et aux peuples en conflit et dans les zones d’occupation est primordial pour la sécurité alimentaire nationale et locale et pour la souveraineté alimentaire. Le traitement de ces questions est devenu urgent à la lumière de la crise alimentaire mondiale, de la déstabilisation des communautés locales, car de plus en plus les terres sont transferees aux entreprises agroalimentaires et aux titulaires de concessions. Les éleveurs nomades et toutes les communautés qui dépendent de ressources naturelles exploitées en commun sont particulièrement touchés.

Le Groupe d’Experts de Haut Niveau (HLPE en anglais) du CSA a récemment déclaré, dans son second rapport, que les investissements à grande échelle sont nuisibles pour la sécurité alimentaire, les revenus, les moyens de subsistance et l’environnement pour les populations locales. Le Groupe d’Experts demande aux gouvernements de :

  • Reconnaître le droit au consentement libre, informé et préalable en relation avec les terres et les ressources naturelles dont dépendent les populations locales pour leur propre subsis- tance ;
  • Assurer l’accès et l’usage des terres pour les paysans, les éleveurs, les habitants des forêts, les communautés de pêcheurs et les peuples autochtones ;
  • Adopter des politiques foncières de redistribution dans un contexte caractérisé par l’inégalité dans le contrôle et la propriété des terres ;
  • Abolir les objectifs et les subventions sur les agrocarburants ; et
  • Prioriser l’investissement sur la petite agriculture et les systèmes alimentaires alternatifs inclusifs et écologiquement durables en se fondant sur les principes agroécologiques.

Les organisations de la société civile sont préoccupées, car même si la sécurité alimentaire a été ajoutée au titre des Directives (Directives volontaires sur la gouvernance des régimes fonciers des terres, pêches et forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale) et a été reconnue comme un des objectifs majeurs des Directives, le texte actuel manque encore d’une approche cohérente sur les petits producteurs de denrées alimentaires et les groupes souffrant de l’insécurité alimentaire, de la pauvreté et de la marginalisation, qui devraient être au centre du débat.

Les gouvernements puissants et le secteur privé continuent à présenter la croissance économique, le renforcement des marchés et les investissements privés comme des remèdes miracles pour assurer la sécurité alimentaire, malgré la preuve du contraire.

Par ailleurs, ces gouvernements n’acceptent pas – et tentent même d’affaiblir toute mesure politique qui va au-delà des mécanismes de marché, comme la restitution, la redistribution et la mise en place de réglementations obligatoires qui visent à garantir la sécurité des régimes fonciers et établir des sauvegardes vis-à-vis des investissements au profit des peuples autochtones, des paysans, des communautés de pêcheurs et des éleveurs nomades.

Faliry Boly, secrétaire général de Sexagon, une organisation paysanne au Mali, déclare, “Le problème est évident. Les projets agroindustriels comme ceux concernant des milliers d’hectares dans l’Office du Niger, Mali, sont préjudiciables et profondément illégitimes. Nous demandons aux parlements et aux gouvernements nationaux de cesser immédiatement tous les massifs accaparements de terres actuels et futurs et de restituer les terres pillées. »

Les organisations de la société civile sont particulièrement préoccupées par l’hostilité généralisée des Etats face au rappel de leurs obligations relatives aux droits de l’Homme en matière de terres, pêches et forêts. Craignant que les Directives puissent créer de nouvelles obligations ou deviennent trop prescriptives, de nombreux gouvernements font tous ce qu’ils peuvent pour affaiblir le langage et les recommandations.

« Pour les peuples autochtones, cette attitude est particulièrement préoccupante, car la première version des Directives se situent bien en-deçà de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA). Comment les gouvernements peuvent construire un système de gouvernance responsable au niveau national et international s’ils n’appliquent pas le cadre international des droits de l’homme aux terres, pêches et forêts ? » dit Jorge Stanley Icaza, un représentant autochtone.

Les organisations de la société civile reconnaissent que beaucoup de pays se sont sérieusement engagés à adopter les Directives et demandent à tous les gouvernements de suivre cette approche constructive. Malgré la complexité des problèmes, il est possible de conclure avec succès les négociations en octobre.

Retarder indûment l’adoption des Directives mettrait sérieusement à mal la crédibilité des gouvernements et des institutions multilatérales qui luttent contre la crise alimentaire mondiale.

« Nous demandons que les gouvernements, les unions régionales des Etats, la FAO et les autres institutions nationales et internationales mettent en œuvre immédiatement les engagements qui ont été pris lors de la Conférence sur la réforme agraire et le développement rural (ICARRD en anglais) en 2006 et d’adopter de fortes Directives fondées sur un accès équitable aux ressources naturelles. » déclare Margaret Nakato du Forum mondial des pêcheurs et des travailleurs de la pêche. « Un développement rural fondé sur une production alimentaire à petite échelle et agroécologique est essential pour parvenir à la souveraineté alimentaire pour le bien-être de toutes et tous et pour un future durable pour notre planète. »

Signé par:

Action Aid, Italie

Arab Group for the Protection of Nature, Jordanie

Associazione Italiana Per L’Agricoltura Biologica (AIAB), Italie

Caucus de Pueblos Indígenas

Centro Internazionale Crocevia, Italie

Conseil National de Concertation et de Coopération des Ruraux (CNCR), Sénégal (tbc)

Econexus, Royaume-Uni

Environmental Alliance, Bahrain

Environment Friends Society, Bahrain

Environment Now, Egypte

FIAN International, Allemagne

Fishermen Union, Bahrain

Uganda Land Alliance, Ouganda

Why Hunger, Etats-Unis

Focus on the Global South, Inde, Thaïlande et Philippines

Friends of the Earth International, Uruguay

International Collective in Support of Fishworkers (ICSF), Inde

International Indian Treaty Council (IITC)

La Via Campesina, Indonesie

Land and People Small Farmers’ Network, Liban

National Farmers Union, Canada

Mouvement International de la Jeunesse Agricole et Rurale Catholique (MIJARC), Belgique

Movimiento de la Juventud Kuna, Panama

Oxfam

Terra Nouva, Italie

Transnational Institute, Pays-Bas