Plus de 80 organisations demandent à la Commission européenne d’attendre les clarifications de la CJUE sur les nouvelles techniques génomiques
Communiqué publié sur le site de la Coordination européenne Via Campesina (ECVC), le 9 février 2022
Avec plus de 80 organisations nationales, européennes et internationales, la Coordination européenne Via Campesina (ECVC) a demandé dans une lettre ouverte à la Commission européenne de suspendre son initiative de réforme de la législation européenne sur les OGM jusqu’à ce que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) publie ses clarifications concernant le statut des nouvelles techniques génomiques dans le droit européen, comme l’a demandé le Conseil d’État français en novembre 2021.
Ces clarifications représentent non seulement un développement clé dans le débat actuel autour de l’initiative de la Commission européenne sur les nouvelles techniques de modification génétique, mais concernent également l’application de principes fondamentaux du droit de l’UE, tels que le principe de précaution et le principe de la séparation des pouvoirs, sur lesquels repose le droit alimentaire et environnemental de l’UE. Les signataires de la lettre ouverte ont depuis longtemps averti la Commission européenne que si elle préempte la CJUE, elle risque d’élaborer une proposition incompatible avec les traités européens.
Pour ECVC, l’initiative visant à réformer la législation sur les OGM constitue un tentative évidente de déréglementation des nouveaux OGM dans l’UE, et est absolument incompatible avec l’arrêt de la CJUE de 2018 (affaire C 528/16), par lequel les nouvelles techniques génomiques (ou plutôt les organismes dérivés par la technique de la nouvelle mutagenèse, souvent appelés nouveaux OGM) sont inclus dans la définition juridique des OGM et doivent être réglementés en tant que tels dans le droit de l’UE.
Cette initiative est l’aboutissement d’une longue histoire de désinformation, d’interprétations erronées et de batailles juridiques, au cours de laquelle l’industrie des semences et des biotechnologies a fait pression sur les institutions européennes pour déréglementer les OGM. Les organisations paysannes et environnementales ont quant à elles continué à se battre pour les droits de tou·te·s les citoyen·ne·s et paysan·ne·s européen·ne·s à savoir ce qu’ils et elles mangent et sèment, à garantir des semences et une alimentation sans OGM et à maintenir l’autonomie semencière des paysan·ne·s.
Jusqu’à l’arrêt de 2018 susmentionné, l’industrie des semences et des biotechnologies a exercé une pression croissante sur les institutions pour exclure les nouveaux OGM de la législation sur les OGM. Lorsque cela a été rendu irréalisable par l’arrêt de la CJUE, les industries semencières et des biotechnologies ont commencé à faire pression sur la Commission pour modifier complètement la législation. C’est dans ce contexte que l’initiative de réforme de la législation européenne sur les OGM a été lancée. Récemment, plusieurs États membres de l’UE ont exprimé leurs inquiétudes quant à cette initiative et au respect de l’application du principe de précaution, et ont réaffirmé leur point de vue selon lequel la législation actuelle sur les OGM est adaptée à ces nouvelles techniques de modification génétique.
La réticence de la Commission à respecter le principe de la séparation des pouvoirs et à suspendre son initiative jusqu’aux clarifications de la CJUE est une preuve supplémentaire que ces changements législatifs favorisent les grandes entreprises industrielles. Si la Commission présente une proposition hâtive sans inclure ces éléments importants, elle agira dans l’intérêt d’entités privées et ne respectera pas les droits des citoyen·ne·s et des agriculteur·rice·s de l’UE. Par conséquent, ECVC demande à la Commission d’écouter l’appel lancé dans cette lettre ouverte par plus de 80 organisations paysannes, environnementales et de la société civile. Vous pouvez trouver plus d’informations sur la chronologie des événements ci-dessous.
Calendrier
- Avril 2021, la Commission européenne conclut une étude sur le statut des nouvelles techniques génomiques dans le droit de l’UE, indiquant que la législation européenne actuelle sur les OGM (directive 2001/18) n’est « pas adaptée à certaines nouvelles techniques génomiques et à leurs produits, et qu’elle doit être adaptée aux progrès scientifiques et technologiques ».
- Suite à cette étude, la Commission européenne lance une initiative visant à développer un cadre réglementaire « proportionné » pour les nouveaux OGM. Elle a l’intention de conclure cette initiative au cours du deuxième trimestre de 2023, soit en proposant de modifier la réglementation actuelle, soit en la maintenant.
- Septembre 2021, la Commission publie une étude d’impact initial qui souligne les « incertitudes juridiques » de la législation européenne actuelle, résultant de l’absence de définition claire des termes « mutagenèse », « utilisation conventionnelle dans un certain nombre d’applications » et « longue expérience en matière de sécurité ».
- En novembre 2021, le Conseil d’État français a saisi la CJUE de deux nouvelles questions sur les OGM, visant à clarifier deux points essentiels[1] concernant ces « incertitudes juridiques ». Les questions ne concernent pas seulement la seule application de la directive 2001/18, mais aussi des principes fondamentaux du droit de l’UE, comme le principe de précaution, sur lequel repose le droit européen de l’alimentation et de l’environnement.
- Deuxième trimestre 2023, l’initiative de réforme devrait être conclue.
Ressources
Voir la réponse d’ECVC au processus de révision de la législation européenne sur les OGM.
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