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La vision de la Commission Européenne sur l’agriculture carbone est inadéquate pour atteindre les objectifs du Pacte vert

Article publié sur le site de la Coordination Européenne Via Campesina (ECVC), le 7 février 2022

ECVC insiste sur le fait que la direction exposée par la communication de la Commission européenne sur les Cycles Durables du Carbone (CDC) est inadéquate et insuffisante pour atteindre avec succès les objectifs du Pacte vert. Dans le cadre de la réunion informelle des ministres de l’agriculture et de la pêche les 7 et 8 février à Strasbourg, ECVC appelle à nouveau les institutions à reconsidérer la logique de l’initiative sur l’agriculture carbone et à assurer une transition cohérente vers une agroécologie paysanne.

ECVC a tenu une conférence de presse le 7 février, représentant les paysans et paysannes de toute l’Europe et réunissant des intervenants d’organisations paysannes de France, d’Espagne, de Roumanie et d’Allemagne pour partager leurs préoccupations concernant la communication CDC. ECVC est particulièrement préoccupé par le mécanisme de certification proposé, déjà contesté par la communauté scientifique[1], ainsi que par l’accent mis actuellement sur les crédits carbone et le marché du carbone. L’agriculture carbone, telle qu’elle est présentée dans la communication, repose sur des pratiques agroécologiques isolées et non intégrées à des systèmes cohérents ou sur de fausses solutions technologiques ou génomiques. L’approche proposée par les institutions est au mieux naïve et au pire le résultat du pouvoir et de l’influence des acteurs privés et de leur volonté de continuer à polluer en profitant des agriculteurs pour compenser leurs émissions.

L’UE consacre 30 % de son budget à la PAC, afin que les agriculteurs et agricultrices puissent nourrir la population européenne. Toutefois, la communication indique que la PAC ne peut pas soutenir une agriculture plus durable à long terme. La solution de la Commission consiste donc à se tourner vers les investisseurs privés pour financer les mesures environnementales et les services écosystémiques, plutôt que de s’efforcer de modifier fondamentalement le cœur d’un système non durable.

Cependant, cela met encore plus de pouvoir entre les mains des grandes entreprises, qui ont prouvé à maintes reprises qu’elles étaient plus intéressées par l’augmentation de leurs profits que par le bien-être des citoyens. Cela entraînera davantage de conséquences imprévues sur le changement climatique et la biodiversité, davantage de difficultés d’accès aux terres pour les agriculteurs et davantage de dommages sociaux, sanitaires et économiques pour les communautés rurales. Par-dessus tout, cela créera davantage de corruption et de concentration du pouvoir, qui est la cause première de tous ces problèmes. Ces subventions pour des pratiques carbonées ne représentent en aucun cas de revenu stable aux paysans, et encore moins si elles viennent du privé. Au contraire, ces subventions éloignent encore plus les paysans de la possibilité d’avoir leur production achetée à des prix correspondant au coût de production.

Au lieu de cela, nous devons assurer une transition vers de meilleures pratiques climatiques et passer à des systèmes basés sur l’agroécologie qui garantissent la justice environnementale, sociale et économique pour la société ainsi que l’approvisionnement en nourriture saine et locale pour tous. Pour cela il faut garantir aux paysans que les prix d’achats de leur production sont justes. Cet objectif doit être atteint par un soutien économique plus fort organisé par les politiques publiques, ainsi que par des plans nationaux stratégiques ambitieux, la régulation du marché et l’abandon des politiques commerciales qui nuisent aussi bien aux agriculteurs et agricultrices qu’aux citoyens et citoyennes tant en UE que dans le monde.

ECVC se consacre à la lutte contre le changement climatique et soutient pleinement les objectifs du Pacte vert. Toutefois, elle estime que le soutien et l’inclusion des paysans seront un facteur décisif dans cette bataille et appelle les institutions européennes à faire preuve du même engagement en apportant de réels changements aux politiques publiques.