OGM – Les impacts socio-économiques de la contamination

Communiqué de presse ECVC

La résistance populaire – La longue lutte contre les OGM en Europe

Malgré le refus réitéré des paysans, des paysannes, des consommateurs et des consommatrices européens qui se sont constamment opposés à l’introduction des biotechnologies dans les champs et sur les marchés européens, l’Union Européenne continue à les promouvoir au détriment de la Souveraineté Alimentaire Européenne. Les OGM sont bel et bien dans nos champs et dans nos magasins et donc la lutte contre les OGM continue.

Il est clair que la pression faite en faveur des technologies transgéniques en Europe découle des engagements pris par la Commission Européenne envers les industries des biotechnologies et leurs représentants politiques afin d’introduire les OGM en Europe.

 

Les semences OGM représentent la dernière étape dans la réduction des paysans et des paysannes de leur rôle de producteurs indépendants de nourriture en simple main d’œuvre agricole, en ignorant la valeur des connaissances traditionnelles, le rôle des paysans dans la biodiversité et la protection de l’environnement et en les enfermant dans un système où les semences, les engrais, les entrants agrochimiques et l’énergie sont totalement sous la dépendance et le contrôle des multinationales et d’une logique de profit.

Les paysans et les paysannes de la Coordination Européenne Vía Campesina rejettent en tout point de vue les cultures OGM, tout particulièrement vue la menace qu’elles représentent pour le modèle de production agricole et alimentaire dont nous avons urgemment besoin afin de protéger l’environnement, la biodiversité, la souveraineté alimentaire européenne et la survie des milieux ruraux.

Une crise dans les procédures d’autorisations de l’UE ?

Afin de faciliter l’introduction des OGM en Europe, la Commission Européenne a opté pour une approche unidimensionnelle en se basant uniquement sur l’évaluation scientifique de l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) et sans consulter d’autres organisations (les autorités nationales, le Groupe Européen d’Éthique des Sciences et des Nouvelles Technologies, etc.).

L’EFSA n’a pas été en mesure de remplir sa fonction dans nombre de domaines pourtant très importants pour les citoyens européens comme pour les prises de décisions des états membres1 et son impartialité a été clairement remise en cause – citons par exemple le cas de Suzy Renckens qui a quitté le panel de l’EFSA sur les OGM pour accepter directement un travail dans la firme de biotechnologie suisse Syngenta mais cela n’est qu’un exemple parmi tant d’autres2.

Il est inacceptable que l’UE est été autorisée à « faire passer » des produits controversés tels que les OGM en profitant de certaines lacunes d’un système de régulation qui est pourtant clair et dont le but est de garantir le respect des procédures. Cela constitue donc une menace pour le processus démocratique et la transparence et donne du crédit à qui prétend que les politiques de l’UE sont gouvernées par les intérêts des entreprises et non pas ceux des citoyens et des citoyennes – ce qui menace leur confiance en l’UE. La récente autorisation de la pomme de terre AmFlora de BASF par la Commission Européenne malgré l’opposition de la majorité simple au Conseil Européen prouve bien cela.

L’éventuelle décision de la Commission Européenne de demander une étude sur l’impact socio-économique des OGM est une étape importante, cela signifie qu’ils se conformeront enfin au Règlement Européen 178/2002 :

« Il est reconnu que l’évaluation scientifique des risques ne peut à elle seule, dans certains cas, fournir toutes les informations sur lesquelles une décision de gestion des risques doit se fonder et que d’autres facteurs pertinents doivent légitimement être pris en considération, notamment des facteurs sociétaux, économiques, traditionnels, éthiques et environnementaux, ainsi que la faisabilité des contrôles. »

Le fait que jusqu’à présent la Commission Européenne ait été incapable de prendre en compte ces autres facteurs remet en cause sa compétence dans la gestion des risques liés à l’introduction des OGM en Europe.

Les questions qui ont été très clairement soulevées par les rapports socio-économiques des organisations paysannes et de la société civile impliqueront une analyse en profondeur du fonctionnement des Institutions Européennes, ainsi qu’une étude approfondie de l’influence exercée par l’agrobusiness sur les prises de décisions des institutions européennes.

Les impacts socio-économiques et leurs implications sur les politiques européennes

Les rapports socio-économiques produits par les organisations paysannes et de la société civile, principalement d’Espagne (où se cultivent la majorité des OGM actuellement autorisés ; des variétés de maïs dérivées du MON810), fournissent un bon aperçu des impacts de cette nouvelle technologie sur les individus et les communautés au delà des promesses de progrès scientifique ou de gain financier.

L’effet « domino » inhérent à ce type d’impacts devrait aussi servir de signal d’alarme pour les Institutions Européennes. L’introduction des OGM dans les fragiles équilibres socio-économiques des milieux ruraux peut avoir des conséquences imprévues sur le long terme. Les impacts socio-économiques donnent une première impression des difficultés potentielles que peuvent engendrer les OGM en Europe. Les effets à long termes sont quant à eux difficiles à quantifier. L’introduction des technologies OGM sur la base d’analyses scientifiques incomplètes et sans prendre en considération les autres impacts est un acte inconsidéré voire irresponsable.

L’étude de cas espagnols – cas concrets, expériences vécues3

Les impacts économiques directs

« Étant donné les incertitudes et les risques de contamination des OGM, je cours en permanence le risque que mes acheteurs m’excluent de leur marché. » Eduardo Campayo, paysan (Albacete, Espagne)

Il y a des preuves irréfutables d’impacts économiques négatifs dans le cas de paysans dont la production biologique ou conventionnelle, jusqu’à lors rentable, a été contaminée par des OGM. Donc les paysans vivant dans des régions où se cultivent des OGM risquent des pertes économiques considérables en cas de perte de leur certification biologique suite à une contamination. Il y a des exemples très clairs de ce phénomène même sur de très grandes distances et même en adaptant les périodes d’ensemencement afin de limiter les risques de contamination alors que cela représente déjà en soi une perte de production.

TABLEAU 1

Félix Ballarín, de Sariñena, Huesca ; impacts économiques directs

Ensemencement forcé hors du calendrier

 

3.000 kg/ha x 7,7 ha x 36 cent/kg

8.316 €

Perte du label biologique et revente sur le marché conventionnel

– Prix qu’il aurait obtenu sur le marché biologique : 36 cent/kg

 

– Prix du marché conventionnel :

22 cent/kg (14 cent/kg de moins)

6.000 kg/ha x 7,7 ha x 14 cent/kg

6.440 €

Pertes économiques qui peuvent être directement attribuées à des problèmes liés aux cultures d’OGM

 

 

14.756 €

Si l’on considère que le revenu annuel moyen en Espagne est de 20 000 €, les pertes économiques subies dans cet exemple aurait pu entrainer la faillite de la ferme. Comme le dit Félix Ballarín, le paysan de cet exemple, « Je suis découragé. Je ne replanterai pas de maïs cette année. Je peux prendre un certain nombre de risque sur mon capital, mais là c’est trop… »

TABLEAU 2

Eduardo Campayo, de Albacete ; impacts économiques directs

Ensemencement forcé hors du calendrier

 

3.000 kg/ha x 2 ha x 26 cent/kg

1.560 €

Perte du label biologique et revente sur le marché conventionnel

– Prix qu’il aurait obtenu sur le marché biologique : 26 cent/kg

 

– Prix du marché conventionnel :

14 cent/kg (12 cent/kg de moins)

9.000 kg/ha x 2 ha x 12 cent/kg

2.160 €

Prise et analyse d’échantillons

5 échantillons, coût moyen de chaque échantillon : 250 €

5 x 250 €

1.250 €

Perte de subventions

300 €/ha

2 ha x 300 €/ha

600 €

Pertes économiques qui peuvent être directement attribuées à des problèmes liés aux cultures d’OGM

 

 

5.570 €

Ce paysan a été victime de la contamination par du maïs OGM cultivé dans sa région malgré les précautions prises pour ensemencer plus tardivement dans l’année. Ce qui est arrivé à ce paysan, Eduardo Campayo, a aussi eu des conséquences évidentes en aval sur le fragile équilibre de l’économie rurale de cette région. Campayo en donne lui-même la preuve ; « [La contamination] a généré des pertes économiques énormes et la viabilité économique de plusieurs autres personnes et petites entreprises se base sur la garantie sans OGM de ma céréale. Si ma céréale est de nouveau contaminée cette année, je n’en replanterai pas l’année prochaine. Et je suis vraiment désolé pour mes acheteurs qui sont plus ou moins dépendants de moi. »

Les pertes économiques ne se limitent pas seulement à l’agriculture biologique. Les paysans et les paysannes qui cultivent du maïs pour le marché du gluten ont perdu 18 euros par tonne lorsque leurs récoltes ont été contaminées par du maïs transgénique et vendu en tant que pension animale étant donné qu’aucune industrie agro-alimentaire ne veut acheter du maïs transgénique pour faire du gluten. (Voir le document de la COAG cité ci-dessus).

L’effet domino de la contamination

Les cas des deux études présentées ci-dessus ont très clairement engendrés d’autres impacts concrets sur l’économie locale. En particulier dans le cas d’Eduardo Campayo, dont le maïs était vendu principalement à un acheteur – la boulangerie Rincón del Segura. Rincón de Segura à Albacete était une vraie fierté de l’économie rurale locale et fournissait des emplois dans la transformations de céréales biologiques produites localement en pain et autres produits avec un chiffre d’affaire de plus d’1 million d’euros en 2007.

Au début 2007, l’entreprise acheta une récolte de maïs a Eduardo Campayo, maïs qui fut planté et récolté en 2007 (voir ci-dessus). Lorsque qu’il fut livré à Rincón del Segura, le maïs avait une certification biologique à jour. En mars 2007, l’inspection annuelle de la boulangerie par Sohicert détecta la contamination par des transgènes dans ladite récolte ce qui empêcha donc la boulangerie de vendre quelconque produit dérivé du maïs durant l’année 2007.

Suite à cela, la boulangerie Rincón del Segura :

  1. arrêta la vente de tout ces produits dérivés du maïs (farine et semoule)

  2. informa ses clients que, suite aux analyses, ces produits ne reviendront pas à la vente avant de pouvoir garantir des matières premières sans aucune trace d’OGM.

  3. renvoya tout le maïs et les produits dérivés au paysan, les clients se sont donc retrouvés sans approvisionnement et la boulangerie (et le paysan) face à de graves pertes pour leur économie et leur image de marque vis-à-vis des clients.

La contamination du maïs fourni aux entreprises locales engendra par conséquent des pertes de part de marché, de suivi de la production et de visibilité commerciale. Il est important que les effets secondaires dérivant du premier impact des OGM soient également pris en compte lors de l’évaluation des impacts socio-économiques.

Les impacts et les conclusions

L’étude menée par les organisations de la société civile en France comme en Espagne montrent des tendances alarmantes quant aux impacts socio-économiques des cultures OGM.

Manque de responsabilité

  • Les conséquences de la contamination étant assumées par le contaminé – dans tout les cas où des récoltes ont été contaminées et ont engendré des pertes économiques, c’est le « pollué » et non le « pollueur » qui en a assumé les conséquences

  • Le manque d’information sur les emplacements des cultures transgéniques – l’absence d’enregistrement des cultures transgéniques au niveau local et régional a généré de la confusion quant aux emplacements des cultures transgéniques. Les gouvernements n’ont pas mis en place de systèmes transparents ni efficaces pour permettre d’identifier où se cultivent des OGM.

  • La contamination de semences vendues par des entreprises conventionnelles (responsables par la suite de contamination de récoltes) – dans un exemple alarmant en Espagne, des semences achetées à un fournisseur local (et qui auraient du être conventionnelles) étaient en fait contaminées par des transgènes.

  • L’absence de polices d’assurance pour la contamination de cultures non-OGM

Perte de pratiques bénéfiques

  • Perte de production biologique locale – dans certaines régions d’Espagne il devient impossible de se procurer du maïs biologique pour, entre autre, nourrir du bétail ce qui réduit la capacité du monde rural à générer de l’interdépendance et du développement économique. Le tableau ci-dessous illustre les quantités de maïs biologique cultivées en Aragon et le pourcentage de contamination :

Aragon, Espagne, Culture et contamination du maïs biologique

Année

Ha. de maïs biologique

% d’échantillons contaminés

2004

120

100

2005

37

40

2006

41

30

2007

42

75

  • La perte de semences natives et de variétés essentielles au maintient de la biodiversité locale et régionale. Comme le dit Félix Ballarín : « Étant donné que des générations de paysans et de paysannes ont maintenu ce même processus de sélection, nous avions la possibilité et la liberté d’utiliser cette variété de maïs. Maintenant nous ne pouvons plus le faire car la loi s’abattra sur nous si nous reproduisons maintenant notre propre semence (qui appartiennent à tous et à toutes) puisqu’elle contient maintenant un gène qui peut faire d’elle la propriété d’une multinationale. »

  • Les difficultés pour les producteurs de semences ; le brevetage de certaines parties de la génétique de plantes et de variétés accélère la concentration des entreprises dans l’industrie des semences et le besoin croissant d’analyses et de ségrégation de la production rend le travail des producteurs de semence de plus en plus difficile économiquement.

  • La possible disparition des semences sans OGM du marché. Cela c’est déjà produit dans de nombreux pays ayant autorisé les semences transgéniques. En Europe la plupart des prévisions suggèrent qu’en l’absence de changements dans la législation, un fort pourcentage des semences deviendront transgéniques dans le futur.

D’après les rapports publiés ces dernières années sur les impacts socio-économiques, il est clair que l’introduction des cultures transgéniques pose de graves problèmes qui vont bien au delà de l’analyse scientifique menée jusqu’à présent par les Institutions Européennes et qui a elle même prouvée être insuffisante et mal fonctionner.

Les OGM sont utilisés par de grandes entreprises pour privatiser les semences à l’encontre de la souveraineté alimentaire des peuples et des communautés rurales à travers le monde. Leur objectif est de contrôler l’accès des peuples à la nourriture. Un nombre croissant d’études scientifiques prouvent que les OGM sont dangereux pour la santé et l’environnement et que, via la contamination des autres cultures, elles menacent la biodiversité. La coexistence entre une agriculture avec des OGM et une agriculture sans OGM est impossible. L’introduction de données socio-économiques complète le tableau des impacts négatifs des OGM.

C’est pour cela que la Coordination Européenne Vía Campesina appel à une interdiction des cultures et des importations d’OGM dans l’Union Européenne et soutient l’appel à une interdiction similaire dans le monde entier.


 

1Voir le document de Greenpeace : “EU GMO Environmental Risk Assessment needs reforming”, septembre 2008

2Voir le Corporate Europe Observatory « Head of European Food Standards Agency GMO panel moves to Syngenta: Letter to Barroso », 21 janvier 2010 sur www.corporateeurope.org

3L’étude complète « Questionnaire sur les conséquences socio-économiques de l’entrée sur le marché des cultures OGM – Diagnostique des organisations espagnoles : COAG, Ecologistas en Acción, les Amis de la Terre, Greenpeace and CECU » est disponible par simple demande à info@eurovia.org