France : Visite de la délégation de la Via Campesina à Notre Dame des Landes
Témoignage de Fanny Métrat, Paysanne en Ardèche
Une délégation internationale de La Via Campesina s’est rendue à Notre Dame des Landes en solidarité avec la Zone A Défendre durant la COP21. Visionnez la vidéo ici!
Le vendredi 11 décembre, une quarantaine de paysannes et paysans, délégué.e.s de la Via campesina à la Cop 21, ont tenu à se rendre sur la Zad de Notre-Dame-des-Landes pour témoigner leur solidarité aux paysan.ne.s et autres occupant.e.s de la Zone, déterminé.e.s à résister jusqu’à la victoire au projet d’aéroport.
Il est 7 h du matin et nous quittons Paris dans le froid, la nuit… et les ronflements. Le jour nous surprend dans un épais brouillard et un paysage d’une morne platitude. Nous roulons vers l’ouest.
Une quarantaine de paysan.ne.s venu.e.s des quatre coins du Monde s’en vont rejoindre Notre-Dame-des-Landes. Depuis une semaine, la Via campesina et la Confédération paysanne arpentent les rues de Paris à l’occasion de la Cop 21 (cf.p.20), entre réunions officielles, débats, actions syndicales ou Sommet citoyen sur le climat… Les slogans paysans fusent. Ils se font échos en toutes les langues pour défendre la souveraineté alimentaire et condamner les fausses solutions au réchauffement climatique. Aller au-delà des réunions et des actions organisées dans la capitale pour toucher concrètement du doigt un des combats français les plus emblématiques pour la sauvegarde de la terre, de ses travailleurs et travailleuses, nous semble incontournable.
Nous arrivons dans le bocage nantais sous le soleil, accueillis chez la famille Fresnau, avec des militants paysans et autres occupant.e.s de la Zad, la fameuse « zone à défendre ». La “Vache rit” est une des quatre dernières fermes à résister, malgré l’ordre d’expulsion en 2012. La veille de notre venue, juste avant un énième procès exigeant l’expulsion, Vinci a retiré sa requête. Victoire en demi-teinte : nous mettons cette nouvelle sur le compte de la Cop 21 et des élections régionales, mais la pression remonte et l’inquiétude grandit.
Après avoir écouté l’histoire de ce grand projet inutile, chaque délégué.e de la Via campesina prend la parole pour exprimer sa solidarité aux militant-e-s anti-aéroport et leurs offrir un drapeau de son organisation. Tous et toutes ont vécu dans leur pays d’âpres combats pour préserver leurs terres et faire face à une répression parfois sanglante. En Thaïlande, la lutte contre l’aéroport de Bangkok se télescope à celle de Notre Dame. Instant émouvant où nos luttes à travers le Monde convergent pour tisser notre histoire commune, celle de la Via campesina.
Nous visitons la ferme de la Vache rit, avec ses 200 hectares et ses trois associés. Certains paysan.ne.s de la Via sont surpris par le nombre de vaches et la dimension de l’étable : il faut leur expliquer le contexte de la région, son histoire et l’évolution de ses fermes laitières durant les dernières décennies.
Puis nous allons faire le tour de quelques “hameaux” dans la Zad pour mettre des images sur les mots, entre les maisons occupées collectivement, les cabanes, roulottes et autres habitats de toute sorte éparpillés au milieu de parcelles de maraîchage, les pâtures et les champs de céréales …
On nous raconte comment, malgré les difficultés et les différences, les paysan.ne.s résistant.e.s ont réussi à composer avec les zadistes venus d’horizons divers. De la diversité naît la richesse ! On nous parle d’expérimentations et d’alternatives concrètes au capitalisme. Prises de décisions collectives, espace non-marchand, organisation solidaire contre la répression … Cet incroyable laboratoire de pratiques d’inspiration libertaire émousse la curiosité. Les paysan.ne.s de la Via veulent en savoir plus : “Comment sont réparties les terres ?”, “D’où viennent ces jeunes qui décident de vivre dans des conditions précaires, alors que certains ont fait des études ?”, “Comment sont prises les décisions et gérés les conflits ?”, “L’égalité entre les hommes et les femmes au sein de la Zad est-elle respectée ?” … Nous pourrions échanger pendant des heures.
Nous repartons impressionnés par cette capacité de résistance et toute cette énergie à vouloir construire une alternative aux dominations qui régissent nos sociétés. Nous rentrons à Paris où une grande manif nous attend pour le lendemain. Tout au long de cette journée, dans de nombreuses discussions, revient la nécessité de grandes réformes agraires à travers le Monde. Nous sommes tous d’accord, d’où que nous venons, pour que le statut du foncier soit revu. Nous devons nous battre pour faire reconnaître le droit d’usage du sol et le droit collectif. La route est longue encore vers la victoire. Mais notre fraternité, nos solidarités et notre détermination collective nous appartiennent et personne, même les plus puissants, ne pourront nous les prendre. « Pour la Terre, pour le pouvoir populaire, nous vaincrons ! », scande une Péruvienne. C’est le slogan de son syndicat de paysannes, la Fenmucarinap, membre de la Via campesina.