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Manifestations de paysans en Inde : des paysans du monde entier envoient leurs messages de solidarité et de soutien

Bravant les intempéries et un gouvernement apathique, les paysans indiens continuent de camper dans la capitale nationale pour exiger que le gouvernement central revienne sur les trois projets de loi controversés ayant été adoptés à la fin de l’année dernière. Le sixième cycle de négociations, qui s’est tenu le 4 janvier, n’a pas non plus permis de faire de progrès significatifs, le gouvernement national refusant d’abroger les trois lois. Un autre cycle de pourparlers aura lieu le 8 janvier.

S’adressant hier à une chaîne d’information, Yudhvir Singh, du Bhartiya Kisan Union, a réitéré ce qui suit « Le gouvernement pense que les paysans qui protestent vont bientôt se disperser en raison du froid mordant et des pluies à Delhi. Ils ont tort. Nous sommes des paysans et nous sommes souvent confrontés à ce type de conditions climatiques dans nos champs. Ces rudes conditions ne nous dissuaderont donc pas et nous ne partirons pas tant que les trois lois ne seront pas abrogées. Dans le monde entier des paysans protestent – pas seulement l’UP, l’Haryana, le Pendjab et le Rajasthan. Les paysans du Tamil Nadu, du Maharashtra, du Gujarat, du Chattisgarh, du Jharkhand, du MP, etc. campent tous à leurs frontières d’État… Nous sommes près de 500 organisations de tout le pays dans cette manifestation. » ~ Yudhvir Singh. Le BKU après la réunion du 4 janvier n’a pas réussi à faire progresser le dossier.

Pendant ce temps, des agriculteurs, des paysans et des militants en Corée, en Indonésie, au Canada, au Brésil, au Kenya, au Népal, au Bangladesh, au Sri Lanka, aux États-Unis, au Pakistan et au Portugal ont envoyé leurs messages de solidarité aux paysans manifestant en Inde.

Faisant écho aux préoccupations et aux sentiments des paysans indiens, la

Confederação Nacional da Agricultura (CNA) portugaise, a déclaré que « ces réformes, qui libéralisent les prix et mettent fin aux marchés réglementés par le gouvernement, mettent les paysans dans une situation de grande vulnérabilité devant les multinationales et les grandes entreprises agroalimentaires. La CNA ne pouvait rester indifférente et a lancé un appel à la représentation diplomatique de l’Inde au Portugal, exhortant le gouvernement indien à faire marche arrière dans l’introduction de ces réformes, défendant ainsi les paysans et les droits humains de leur population à une alimentation adéquate »

La Ligue paysanne coréenne, l’un des plus grands syndicats paysans de Corée du Sud, a envoyé un message vidéo de leurs dirigeants apportant leur soutien au Karnataka Rajya Raitha Sangha en Inde et espère que le gouvernement annulera bientôt les trois lois.

La Korean Women Peasant Association (Association Coréenne de paysannes) et l’Indonesian Peasants Union Syndicat paysans d’Indonésie) ont également envoyé des messages de solidarité.

Dans une déclaration envoyée aux organisations paysannes indiennes, le Mouvement des

Sans-terre – MST du Brésil a soutenu « les demandes des paysans indiens auprès du gouvernement pour modifier cette législation et pour qu’il introduise une loi garantissant un prix minimum de soutien pour leurs produits, de sorte qu’en aucun cas les paysans ne soient obligés de vendre leurs produits à perte ».

Le Syndicat national des agriculteurs du Canada (NFU) a également cité ses propres expériences défavorables quant aux réformes ayant favorisé les entreprises agroalimentaires.

« Au Canada, nous reconnaissons que la lutte des paysans indiens ressemble à notre propre lutte. Nous les soutenons dans leur droit de manifester et dans leur appel à une politique agricole qui soutienne les millions de paysans cultivant de la nourriture en Inde », a déclaré Katie Ward, présidente du NFU. Alors que la diminution des revenus agricoles nets atteint un niveau de crise pour les agriculteurs du monde entier et également du Canada, les agriculteurs canadiens comprennent la nécessité d’une réglementation gouvernementale qui fonctionne pour les agriculteurs plutôt que pour ceux qui obtiennent des profits aux dépens des agriculteurs. « Nous avons connu le démantèlement d’institutions vitales pour le pouvoir de négociation et, par extension, l’abaissement des revenus des agriculteurs canadiens », a déclaré Stewart Wells, vice-président du NFU, « par exemple la perte du système de commercialisation à guichet unique pour les porcs dans les années 1990 et, plus récemment, la destruction de la Commission canadienne du blé, entre autres. »

Kevin Arseneau, paysan et homme politique, Membre de l’Assemblée nationale du New-Brunswick, Canada, a également exprimé sa solidarité.

La All Nepal Peasants Federation (Fédération paysanne du Népal) et le Pakistan Kissan Rabita Committee (Comité pakistanais de paysans) ont également envoyé des messages de solidarité.

Dans un article pour The Hindu, Hashmim Bin Rashid et Ahilan Kadirgamar ont écrit :

« Ceux qui connaissent l’attaque systématique contre l’agriculture en Asie du Sud lors des dernières décennies ne seront pas surpris par les manifestations paysannes en cours en Inde. Cela s’est passé au Pakistan, où les paysans qui protestaient pour obtenir des prix de soutien ont été battus et arrêtés à Lahore il y a tout juste un mois, ou au Sri Lanka, où les pénuries d’engrais importés et la baisse des subventions ont provoqué le tollé des paysans. Au milieu d’une longue crise économique rurale latente, exacerbée par la pandémie du COVID-19, les efforts déployés par les gouvernements sud-asiatiques pour développer la « corporatisation » et la déréglementation, comme voie à suivre pour l’agriculture, ont irrité les paysans qui souffrent depuis longtemps.

Le CETIM, centre de recherche et de publication basé en Suisse travaillant en étroite collaboration sur les questions agraires et les droits des paysans, a exprimé sa solidarité avec la lutte des travailleurs et des paysans indiens pour la dignité, la justice sociale et le respect des droits fondamentaux des peuples. « Le gouvernement indien doit respecter ses engagements internationaux en matière de droits humains, en particulier le Pacte international pour les droits économiques, sociaux et culturels et la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans », a-t-il déclaré.

Dans une déclaration de soutien accordée aux paysans indiens, GRAIN, organisme de recherche qui s’efforce d’aider les petits agriculteurs à mettre en place des systèmes alimentaires contrôlés par la communauté et fondés sur la biodiversité, a souligné qu’ils « doivent rester libre de décider ce qu’ils veulent cultiver et comment, tout en ayant l’assurance légale d’avoir des prix justes et rémunérateurs pour leurs produits garantis par le gouvernement. La manifestation des paysans en Inde est un exemple vivant de souveraineté alimentaire où les paysans se battent pour leur liberté, leur droit de continuer à cultiver, leur capacité à cultiver leurs terres sans être poussés à être liés par des contrats et leur droit d’obtenir un prix équitable garanti pour leurs produits. »