La Via Campesina organise la première réunion sur les Diversités


La réunion a rassemblé des mouvements de tous les continents et a ouvert un débat formel sur la question dans la plateforme.

Combattre les structures patriarcales et discriminatoires qui soutiennent le modèle économique dominant dans les campagnes. C’est avec cette proposition que des organisations paysannes de différentes parties du monde ont tenu une réunion sur la diversité sexuelle et de genre ce samedi (02) à Bogota, capitale de la Colombie.

C’est la première fois que les mouvements regroupés au sein de La Via Campesina, une plateforme créée en 1993 qui rassemble les principales organisations luttant sur le terrain sur tous les continents, décident de débattre publiquement de la question.

« Nos espaces de diversité remontent à loin, car nous avons toujours existé dans les mouvements, mais nous n’avons jamais eu de rencontre internationale comme celle-ci », explique Vinícius da Silva, membre du Mouvement des Travailleurs ruraux sans terre (MST).

Membre de l’Institut latino-américain d’agroécologie et du collectif LGBTI+ du mouvement, il explique que l’espace permet d’échanger des réflexions basées sur des réalités différentes et que le débat sur la sexualité et le genre est entièrement lié à la lutte pour la réforme agraire et la souveraineté alimentaire.

« Nous ne pouvons pas séparer ce que nous sommes, notre orientation sexuelle, notre identité de genre de la lutte des sans-terre, de la lutte des quilombolas, de la lutte de la population rurale parce que nous parlons de sujets », a-t-il déclaré.

Pour Vinícius, « la réforme agraire ne peut se faire sans tenir compte de tous les sujets, de la diversité des corps et des sexualités ». C’est pourquoi il est important de « penser à une autre affectivité, de réfléchir à la construction des rôles de genre et à la façon dont nous refusons l’affection » et la liberté à nos corps.

L’activiste a également évoqué les particularités présentes dans les campagnes, telles que les différentes responsabilités des hommes et des femmes dans leur rapport au travail de la terre, « sont très marquées et parfois il n’y a pas de place pour d’autres configurations ».

« Ces notions sont également alimentées par l’agro-industrie, qui vend un modèle non seulement de production, mais aussi de famille. Avec ses structures, y compris culturelles, elle maintient et promeut une sexualité et une conception de la famille hégémoniques, où il n’y a pas de place pour la diversité. Et si nous parlons d’agro-industrie, nous parlons de monoculture, et cette monoculture existe aussi dans les affections, dans les corps, dans la sexualité, et c’est cela que nous devons détruire », dit-il.

Elargir le concept d’agriculture familiale

Au cours de la rencontre, les mouvements ont publié une déclaration commune proposant d’élargir le concept d’agriculture familiale, de « repenser l’agriculture familiale paysanne et d’y inclure les familles que nous avons choisies, une diversité de personnes et de manières de vivre et de travailler ensemble ».

« Nous voulons rester dans les campagnes, construire des organisations comme beaucoup le font, face à l’alliance des systèmes d’oppression qui existent entre le capitalisme, le patriarcat, le racisme et le colonialisme », affirment-il·elle·s.

Pour Cony González, militante de la Coordination nationale des organisations de femmes travailleuses, rurales et indigènes du Paraguay (CONAMURI), les agendas du féminisme rural et paysan sont liés aux luttes LGBTQIAP+.

« Nous comprenons que la proposition du féminisme paysan est liée à la diversité en raison de la vision anti-patriarcale et anti-capitaliste du mouvement. Nous parlons de travailler des révolutions et les révolutions des femmes vont de pair avec la diversité, nous avions donc besoin de mettre cette question à l’ordre du jour », a-t-elle déclaré.

Selon González, les collectifs ne sont pas « séparés de la Via Campesina, nous sommes unis et cela devrait nous aider à articuler un projet politique émancipateur qui dénonce les inégalités avec nos personnes et nos corps ».

Vinícius reconnaît que la réunion de samedi a été un pas en avant et qu’ « il y a encore beaucoup de travail à faire ». Selon le membre du MST, « c’est un débat qui n’est pas homogène dans les organisations, dans les régions, car chacune a ses limites en fonction du multiculturalisme et de l’accumulation de cette discussion ».


Par Lucas Estanislao, Brasil de Fato, 3 décembre 2023.