La Via Campesina à Genève: Oui à l’agriculture paysanne, non à l’OMC!

La Via Campesina était présente à Genève du 10 au 16 mai 2006. Après avoir tenu son séminaire interne sur les violations des droits humains, la délégation, qui représentait chaque continent, s’est concentrée sur les enjeux liés à l’OMC. Le dimanche 14 mai, les représentant-e-s de l’Indonésie, du Mexique, de la République Dominicaine, de la Bolivie, du Sénégal, et de la Belgique se sont rendus sur deux exploitations agricoles avec Uniterre. La premier projet visité, « Le Lent Défi », est issu de la dynamique producteurs-consommateurs des Jardins de Cocagne. Les Jardins de Cocagnes est une coopérative de producteurs-consommateurs qui livre des légumes à 400 familles en ville de Genève sur la base d’un contrat annuel. Cette aventure a été initiée il y a 27 ans. Un des jardiniers développe aujourd’hui un nouveau projet essentiellement basé sur les fruits et petits fruits. Le paysan se charge de planter les différentes variétés, de les entretenir durant l’année et les consommateurs viennent faire la récolte. Un contrat est également établi entre les partenaires. En 2006, la première récolte sera accomplie. La deuxième visite a permis à la délégation de découvrir le projet d’un couple de paysan qui maîtrise la filière de la viande de A à Z. Ils élèvent des porcs et des bovins en stabulation libre. Ils ont été les initiateurs d’une petite coopérative de 5 paysans qui a permis la réouverture d’un petit abattoir qui offre la possibilité aux paysans d’abattre leurs bêtes à proximité. Sur l’exploitation, ils ont également construit un petit local de découpe de viande et un magasin. Ainsi, de la production, en passant par la transformation, et la vente, le couple maîtrise l’entier de la filière et peut garder la valeur ajoutée.

Le lundi 15 mai a été une journée bien remplie. Elle a débuté par une conférence de presse. Valentina Hemmeler, d’Uniterre, Paul Nicholson de la CPE, Edilia Mendoza Roa (ANUC-UR Colombie) et Ndiakhate Fall (CNCR Sénégal) ont exprimé leurs revendications concernant les négociations en cours à l’OMC. Un bilan a permis de mettre en évidence les violations des droits humains qui découlent des politiques néo-libérales prônées à l’OMC, de dénoncer la concurrence déloyale entre systèmes de production agro-industriels voués à l’exportation et l’agriculture paysanne familiale, les importations à prix de dumping, les subventions à l’exportation. Les soutiens internes issus d’une politique agricole cohérente ont par contre été défendus pour autant que ceux-ci répondent aux besoins des sociétés et permettent de remplir un certain nombre de prestations sociales ou environnementales. Pour conclure, chaque délégué a appelé au droit à la souveraineté alimentaire. Le droit de chaque population de choisir la politique agricole et alimentaire qu’elle souhaite sans exportation à des prix inférieurs aux coûts de production. Donner une priorité à la consommation locale et interdire toutes les formes de subvention à l’exportation et pouvoir se protéger des importations à trop bas prix. Les délégués ont clairement signifié qu’ils ne voulaient aucun accord sur l’agriculture à l’OMC et que celle-ci devait sortir de l’agriculture. L’OMC n’étant pas le lieu pour négocier les politiques agricoles et alimentaires.

La Via Campesina s’est ensuite rendue à la Maison des Associations où se tenait une réunion commune avec les ONG internationales telles que Focus on Global South, South Center, Institute for Agriculture and Trade Policy, Third World Network etc. L’après-midi a été consacrée a une analyse des accords agricoles de l’OMC. Les ONG ont dressé un bilan de l’état actuel des négociations afin de préparer la discussion du mardi 16 mai sur les stratégies de mobilisation pour les prochains mois.

Dès 17h, la délégation s’est retrouvée devant l’OMC pour un rassemblement de protestation. Elle a été rejointe par les ONG internationales et les mouvements sociaux genevois. En tout, nous comptions cent personnes. La Via Campesina a distribué des tracts aux délégués sortant de l’OMC pendant que chaque représentant prenait la parole devant l’OMC pour dénoncer les négociations et revendiquer la souveraineté alimentaire. Sur les pancartes, nous pouvions lire « WTO out of agriculture », « No deal, WTO kills farmers ». Un moment de commémoration a été dédié à Kung Hae Lee de la Fédération des agriculteurs et des pêcheurs de Corée qui, avant de donner sa vie à Cancun en 2003 pour la cause paysanne, avait fait une grève de la faim devant le siège de l’OMC à Genève.

La journée s’est terminée pour Uniterre et Ndiakhate Fall, par un film-débat organisé par ATTAC sur « La guerre des cotons ». Cela a offert une nouvelle opportunité aux deux délégués de La Via Campesina de réaffirmer leurs revendications communes.

Genève, 16 mai 2006, Valentina Hemmeler