La souveraineté alimentaire, 25 ans d’engagement

France, automne 2021 – Édito paru dans “L’avenir agricole” le journal de la Confédération paysanne du Limousin.

En novembre 1996, La Via Campesina définissait la souveraineté alimentaire comme le droit des populations et de leur État à définir leur politique agricole et alimentaire sans dumping venant de pays tiers.

C’est au nom de la souveraineté alimentaire que nous nous sommes opposé·es aux accords de libre échange qui marchandisent l’agriculture au détriment d’une vie digne des paysannes et paysans du monde entier.

C’est la souveraineté alimentaire qui oriente quotidiennement nos manières de mettre en œuvre l’agriculture paysanne qui nous fait vivre.

25 ans plus tard, le ministre de l’agriculture et les syndicats majoritaires ont galvaudé ces termes. Au nom de la souveraineté alimentaire, c’est le soutien à l’agriculture d’exportation qu’ils promeuvent, entre autre par une priorité donnée aux aides à l’agriculture productiviste et aux investissements qui l’accompagne pour « relancer l’économie » après le coup d’arrêt imposé par la COVID.

C’est au nom de la souveraineté alimentaire qu’ils veulent imposer la création de méga-bassines à coup de financements publics importants, ceci pour garantir les rendements céréaliers en vue d’exporter. Peu importe s’il s’agit c’est une privatisation de l’eau pour 5 % des agriculteur·ices… C’est au nom de la souveraineté alimentaire qu’ils jouent les apprentis sorciers sur les conséquences réelles de cette gestion de l’eau sur les écosystèmes et hydriques, terrestres et marins. Quid de l’eau comme bien commun dans la durabilité?

A la Confédération paysanne, c’est fort·es de la souveraineté alimentaire que nous refusons ce modèle.

Nous ne voulons plus être les faire-valoir d’une action de communication appelée concertation comme nous le sommes lors des négociations de la future PAC ou du Varenne de l’eau.

Le Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique se voulait être « une série de réunions avec pour but de construire des politiques durables pour la résilience du modèle agricole face aux aléas climatiques ». La réalité est que les conclusions ont été énoncées avant même sa clôture en septembre, lors du congrès de la FNSEA par le ministre de l’agriculture. Celui-ci a déclaré : « les bassines ont une utilité donc il faut qu’elles se fassent ». Ça s’appelle une tentative de passage en force sous couvert d’une concertation qui n’en avait que le nom.

Pour nous faire entendre, nous nous sommes mobilisé·es avec des collectifs de citoyen·nes pour dénoncer ces méga bassines et leurs effets. Durant une des actions, le 6 novembre, nous avons démantelé une bassine illégale- Condamnée 5 fois par la justice, l’action a été durement dénoncée par la FNSEA, les Jeunes Agriculteurs et Coordination rurale.

Cela aurait pu être autrement si une vraie voie de concertation avait été choisie pour gérer ensemble le bien commun qu’est l’eau pour qu’elle permette :

  • d’irriguer les cultures réellement nécessiteuses pour notre vraie souveraineté alimentaire,
  • d’abreuver animaux et humains,
  • de garantir la pérennité de tous les écosystèmes et systèmes hydriques terrestres et marins.

Nous l’assumons, même si en Creuse et ailleurs, FDSEA et JA demandent officiellement que nous soyons exclu des instances représentatives agricoles.

Que chacun assume aussi ses tentatives de passage en force.

Par Olivier Thouret, éleveur à Soubrebost (23)