La jeunesse de La Via Campesina s’attaque aux défis politiques globaux

(Derio, le 18 Juillet 2017) Tandis que des paysans du monde entier se rencontrent au Pays Basque à l’occasion de la VIIème Conférence Internationale de La Via Campesina – l’espace de décision le plus important du grand mouvement paysan international – l’un de ses constituants fondamentaux, à savoir la jeunesse, a déjà avancé son agenda politique et proposé des solutions aux problèmes les plus urgents auxquels sont confrontés les paysans à travers le monde. Deux jours durant, avant l’ouverture de la Conférence, le 19 juillet, des jeunes paysannes et paysans venus de 47 pays différents ont débattu de souveraineté alimentaire, des droits des migrant-e-s, du commerce international, de justice climatique et de la criminalisation des mouvements sociaux. Ceci dans le cadre de leur propre espace, la IVème assemblée internationale des jeunes de La Via Campesina. La jeunesse paysanne étant la première touchée par la réalité de ces défis, elle est aussi la mieux placée pour y répondre.

Ici, en Europe, une ferme disparaît toutes les 3 minutes, et l’âge moyen des agriculteurs est de 60 ans. Au Royaume-Uni, seulement 1% de la population exerce une activité agricole, et parmi ces actifs on ne dénombre que 4% de personnes âgées de moins de 35 ans. Une jeune représentante de Land Worker Alliance – le membre britannique de La Via Campesina – paysanne de 3ème génération, souligne l’importance des jeunes qui retournent à l’agriculture. «Il est primordial pour nous de nous inspirer des modèles venus de régions où l’agroécologie paysanne fleurit. Nous pouvons apprendre des exemples d’Amérique latine, et vous pouvez nous aider à faire croître notre mouvement.»

Dans un groupe de travail sur la justice climatique et la migration, les jeunes ont identifié l’agroécologie paysanne comme une stratégie globale pour combattre les deux faces du même défi que représentent les changements climatiques et les crises migratoires. « Au Guatemala, les jeunes ruraux manquent cruellement de perspectives, ils sont donc prêts à risquer leur vie pour rejoindre le Mexique, les Etats-Unis ou le Canada, et les changements climatiques n’améliorent pas la situation », raconte une jeune paysanne membre de l’organisation guatémaltèque de femmes CONAVIGUA (Comité Nacional de Viudas de Guatemala).  Elle explique que la stratégie élaborée par son organisation concernant l’agroécologie s’appuie sur la cosmovision Maya, qui accorde une importance particulière au respect et au soin des ressources naturelles. « Nous avons tous nos propres cosmovisions, et l’agroécologie est le moyen d’assurer notre pérennité, de génération en génération » a ajouté la jeune femme. « Aujourd’hui, c’est notre tour à nous, les jeunes. »

Partout, l’agriculture industrielle, mais aussi les fausses solutions que représentent les projets d’atténuation des changements climatiques, sont une menace pour les ressources naturelles à l’échelle mondiale.

«Dans le domaine de la pêche, nous sommes témoins d’une invasion de la révolution bleue, qui n’est pas très différente de la révolution verte qui l’a précédée» rapporte une jeune représentante du Forum mondial des populations de pécheurs (WFFP), un allié invité par La Via Campesina pour participer à l’assemblée des jeunes. «L’agroécologie concerne aussi la défense des petits pêcheurs et la protection de leurs territoires de pêche» a-t-elle ajouté. En collaborant étroitement avec les paysans confrontés à l’accaparement de leurs terres, les pêcheurs en lutte contre l’accaparement des océans renforcent d’importants liens de solidarité. Une de leurs préoccupations majeures concerne Blue Carbon, le programme d’atténuation des changements climatiques basé sur REDD+ (mécanisme de la réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts).

Dans le contexte indonésien, REDD+ a déjà touché quelques 96’000 hectares rien que dans la province de Jambi, à Sumatra. Les paysan-ne-s et indigènes de là-bas qui sont actifs au sein de La Via Campesina combattent ce massif accaparement de terres, à la fois par des occupations et par des pressions sur l’état. Dans le cadre de ce processus, le Syndicat Paysan Indonésien (SPI) a diffusé une «Déclaration sur les droits des paysans et personnes travaillant dans les zones rurales». Actuellement, ce document est sur le point d’entamer une cinquième phase de négociations au Conseil des Droits de l’Homme à Genève, et pourrait être accepté l’année prochaine. Les éléments-clés de cette Déclaration ont été partagés lors de l’assemblée des jeunes. Ils comprennent des mesures contre l’accaparement des terres, la discrimination de genre, l’absence de réforme agraire et de politiques de développement rural, et la criminalisation des mouvements sociaux.

La défense des droits des paysannes et paysans et le maintien des écosystèmes vont de pair. La jeunesse souhaite se réapproprier le monde rural dans une vague de repaysannisation des campagnes ; L’objectif étant aussi de ralentir la migration vers les zones urbaines et à l’étranger.

Les problèmes systémiques et structurels qui affectent les droits ne sont pas inconnus des jeunes de La Via Campesina. La souveraineté alimentaire et la justice climatique – avec l’agroécologie paysanne comme solution transversale – sont des propositions politiques visant un changement de système.  «Faire partie de ce mouvement est une immense opportunité pour la jeunesse» mentionne un jeune paysan européen, «par le biais de notre approche anticapitaliste, nous créons des changements en nous-mêmes et au sein de notre mouvement, pour finalement changer la société.»

Equipe de communication de La Via Campesina