“Les États riches ici présents doivent prendre leurs responsabilités” Lynne Davis à l’ONU
Lynne Davis, paysanne de Bristol, Royaume-Uni, et membre d’ECVC fait partie de la délégation de La Via Campesina à Genève cette semaine. Les délégué.e.s se sont joints à la mobilisation des peuples lors de la troisième session des Nations Unies sur un traité contraignant pour les sociétés transnationales. Voici le texte intégral de son intervention prononcée à la tribune pendant les négociations au sein de l’ONU.
“Je veux saisir cette occasion pour partager certaines des luttes des personnes affectées en Europe.
Par exemple, la lutte des paysans et habitants de Rosia Montana, en Roumanie. Le projet de la mine d’or de la STN canadienne Gabriel Resources prévoit de détruire à la fois l’écologie, les ressources naturelles, la beauté de la région et les terres des agriculteurs locaux. Les communautés de personnes touchées se sont organisées et ont exploré toutes les possibilités pour tenter d’y mettre un terme, notamment en demandant l’inscription du site sur la liste du patrimoine mondial. La société a répondu en poursuivant le gouvernement de Roumanie à hauteur de 4,4 milliards d’euros.
Dans toute l’Europe, les investissements directs étrangers affectent notre accès au logement, imposant l’extraction d’énergie et des modes de production qui polluent notre environnement et nos ressources.
Et l’Europe s’enorgueillit d’avoir la meilleure gouvernance du monde. Nous avons entendu, tout au long de la semaine, ce qui se passe dans des endroits où les gouvernements sont moins responsables devant leurs citoyens.
Nous pouvons certainement être d’accord sur le fait que les sociétés transnationales n’ont pas le droit de dicter la façon dont nous menons nos vies, ni notre accès aux ressources, notre accès à nos terres ou encore notre souveraineté alimentaire.
Et pourtant, à mesure que la libéralisation du commerce s’étend à tous les coins de la Terre, c’est exactement ce qui se passe. Une vision étroite de la valeur, donne lieu à de fausses économies d’échelle, basée sur des hypothèses immondes et donne le feu vert pour définir les échanges entre les personnes. Peu à peu, elle rejette loin de nos vies les liens et l’abondance.
Déjà nous avons plein de Droits Humains, et déjà ils sont violés tous les jours. L’UE et de nombreux États affirment que c’est parce que les États individuels ne peuvent pas mettre en œuvre ces droits. Pourtant, nombre de ces mêmes États ont permis aux tribunaux multilatéraux d’aider les sociétés transnationales à régler leurs différends avec les gouvernements des pays dans lesquels elles opèrent. Comment est-il possible que Gabriel Resources puisse poursuivre le peuple roumain et, en dépit de l’énorme force dont il a fait preuve,que le peuple de Roumanie finisse par être impuissant?
Il semble bien pratique que de nombreux pays puissants rejettent sur les petits états la responsabilité d’une meilleure gouvernance! Arrêtez-vous et considérez le chemin qui a créé cette inégalité mondiale en premier lieu.
Comme il est injuste de réclamer cet énorme fardeau économique des petits États pour améliorer leur gouvernance! Tout en négociant simultanément des accords commerciaux interminables avec des blocs commerciaux et des pays puissants. On ne peut laisser cela aux mises en œuvre selon le “bon vouloir” des entreprises. On ne peut laisser aux États individuels de négocier des accords commerciaux, ou de les faire appliquer au niveau national.
Nous avons besoin que les États riches dans cette salle prennent leurs responsabilités. Nous avons besoin d’un mécanisme multilatéral qui rende des comptes. Nous avons besoin d’un traité contraignant sur les sociétés transnationales et les autres intérêts commerciaux.”
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