En temps de pandémie, les paysan·ne·s indonésien·ne·s défendent la souveraineté alimentaire et la solidarité
Dans un petit village de la région de Pamah, au nord de Sumatra, Roky Saragih et les paysan·ne·s membres de l’Union des paysans indonésiens (SPI) viennent de terminer la récolte de piments, d’échalotes et de légumes. Sans trop de discussions, Rocky et sa famille se rendent immédiatement chez leur voisin Rizal, qui travaille comme salarié journalier. Ils donnent une partie de la récolte à la famille de Rizal. “Pendant cette pandémie COVID-19, nous continuons à cultiver, car c’est en effet notre principal revenu, et nous n’oublions pas de partager une partie de nos produits avec nos voisins qui sont touchés [par la situation COVID-19]”, a déclaré Roky.
Pendant ce temps, dans le village de Payaraman à Ogan Ilir, dans le sud de Sumatra, Neti, une paysanne du SPI, ainsi que d’autres paysans, viennent de récolter du riz. Neti a également expliqué que les abondants rendements de riz de cette saison n’aident pas seulement l’économie de sa famille – mais deviennent également une source de nourriture pour les membres de sa communauté qui ne travaillent pas dans l’agriculture.
“Ikolah pecak gawe kami di dusun Rengas iko – quand c’est le moment de récolter le riz, nous travaillons ensemble pour la récolte, nous travaillons main dans la main pour aider d’un champ à l’autre”, a expliqué Neti avec un fort accent du sud de Sumatra.
À Muaro Jambi, Jambi, Bondan et d’autres jeunes paysans du SPI distribuent également les légumes qu’ils viennent de récolter à leurs voisins et aux communautés qui les entourent. “En ces temps difficiles, nous devons travailler ensemble, et nous devons nous entraider. C’est notre contribution en tant que communauté paysanne – fournir une nourriture saine et nutritive”.
Dans le village de Cibeureum, à Java Ouest, Pandi, un jeune paysan, organise la distribution de légumes par d’autres membres de sa communauté aux habitants touchés par la crise COVID-19. “Vous restez à la maison, laissez-nous faire l’agriculture pour maintenir la souveraineté alimentaire, pour fournir de la nourriture aux gens”, dit Pandi.
Parmi d’autres initiatives à Java Ouest, à Pasir Datar, les paysans du SPI envoient des carottes, des poireaux et d’autres légumes à leur bureau de Sukabumi à Java Ouest [au niveau des régents]. Rozak Daud, le président du SPI Sukabumi a fait savoir que ces légumes seront distribués aux travailleur·se·s et aux chauffeurs de taxi dans la ville de Sukabumi. “Nous espérons que cette solidarité des paysan·ne·s pourra soulager les besoins alimentaires des citadin·e·s, tels que les travailleurs et les chauffeurs de taxi”, a déclaré Rozak Daud. Dans les usines autour de Pasir Datar, plusieurs travailleurs continuent de travailler dans des conditions précaires, tandis que les chauffeurs de taxi sont en première ligne de la distribution alimentaire dans les zones urbaines et périurbaines.
À Tuban, dans l’est de Java, Kusnan, le président du Centre national des semences (P2N) de la SPI a distribué des semences de riz SPI-20 et d’autres semences de culture aux paysan·ne·s et aux non paysans du quartier où il vivait. “Ne laissez pas cette pandémie diminuer l’esprit de solidarité entre nous”, a-t-il ajouté.
Grâce à des pratiques traditionnelles, les semences de riz SPI-20 ont été conservées et largement distribuées parmi les paysan·ne·s de toute l’Indonésie, pendant plus de deux ans. Les paysan·ne·s se sont même mis à fabriquer des masques. À Pati, dans le centre de Java. Siti Inayah, une représentante du secteur féminin du SPI, a déclaré qu’elles distribuaient des masques en tissu faits à la main aux familles paysannes autour de Pati : “Nous espérons que les paysan·ne·s et les communautés sont en sécurité lorsqu’ils travaillent sur leurs terres”.
Journée internationale des luttes paysannes
Zainal Arifin Fuad, président du Serikat Petani Indonesia (SPI), a déclaré qu’en tant que membre de La Via Campesina, le syndicat des paysan·ne·s commémore le 17 avril comme la Journée internationale des luttes paysannes. C’est un moment pour rappeler au monde le massacre brutal de l’Eldorado do Carajás au Brésil en 1996 et pour se solidariser avec les résistances paysannes partout dans le monde.
“Cette année, la commémoration du 17 avril est beaucoup plus pertinente car les paysans continuent à travailler dans leurs fermes au milieu de COVID-19”, a déclaré Zainal à Jakarta.
“Selon le rapport SOFI (L’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde) de la FAO, le nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde est passé de 811 millions à 821,6 millions en 2019. D’autre part, l’édition 2019 du Rapport mondial sur les crises alimentaires indique qu’en 2018, environ 113 millions de personnes sont confrontées à des niveaux d’insécurité alimentaire graves dans 53 pays. La crise alimentaire est déjà dans une mauvaise passe à cause du système alimentaire mondial néolibéral. Elle sera encore pire si l’on considère l’actuelle pandémie COVID-19”, a-t-il ajouté.
Agus Ruli Ardiansyah, secrétaire général du SPI, a insisté sur le fait que le gouvernement indonésien doit mettre en œuvre les promesses du “Programme Indonésie Maju” s’il veut éviter une crise alimentaire. Le programme, a-t-il rappelé, vise à créer une Indonésie développée, souveraine, indépendante et fondée sur le collectivisme et la coopération. “Mettre la souveraineté alimentaire en pratique. Poursuivre la mise en œuvre de la réforme agraire en distribuant des terres aux travailleur·se·s, aux sans-terre et aux petits agriculteur·trice·s afin qu’ils puissent produire de la nourriture pour les besoins locaux et nationaux. Il faut donner des incitations aux paysan·ne·s – car elles sont cruciales pour que les paysan·ne·s continuent à produire de la nourriture pour les communautés”, a conclu M. Ruli.
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