Déclaration de Genève : Mettons fin à l’OMC ! Construisons un Commerce International basé sur les Droits des Paysan·nes et la Souveraineté Alimentaire !

Déclaration de Genève de 2022 | La Via Campesina | 28 juin 2022


Nous, La Via Campesina – la voix de plus de 200 millions de paysan·nes, de peuples autochtones, de
travailleur·euses migrant·es, de pastoralistes comprenant des jeunes et des femmes, et comptant parmi nos membres 182 organisations paysannes dans 81 pays – sommes réunis à Genève, en Suisse, depuis le 11 juin 2022, pour dénoncer les politiques néolibérales destructrices de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), qui ont décimé les économies rurales, exacerbé la dette rurale et aggravé la faim dans le monde.

La Via Campesina est née il y a 30 ans comme une réponse internationaliste des petit·es producteur·trices alimentaires du monde entier pour résister à la mondialisation des politiques de libre-échange et du commerce spéculatif dans l’agriculture et l’alimentation.

Tout comme nous l’avions prédit, les crises mondiales auxquelles notre monde est confronté aujourd’hui (à savoir, le contrôle et la concentration des multinationales dans les systèmes alimentaires internationaux ; le réchauffement climatique aggravé par les techniques agricoles industrielles ; la déforestation à grande échelle ; la dépossession des communautés rurales par l’expulsion forcée et violente des territoires ; la criminalisation de ceux qui résistent; les revendications de propriété intellectuelle sur les semences paysannes ; la hausse de la migration contrainte en provenance des zones rurales ; l’horrible maltraitance infligée aux travailleur·euses agricoles; la destruction de la biodiversité ; la prolifération des régimes alimentaires malsains et néfastes sur le plan diététique ; la destruction des sols en raison de l’utilisation intensive de produits agrochimiques, etc.) sont le résultat d’une expansion incontrôlée et non réglementée du capital financier mondial, poussée par la troïka de l’OMC, du FMI et de la Banque Mondiale, par le biais d’Accords de Libre-Échange, de Traités d’Investissement, de Partenariats Économiques Stratégiques, de Programmes d’Ajustement Structurel, de Prêts Conditionnels et de Programmes d’Aide. Ces crises, nous insistons, ont un effet disproportionné sur les femmes et les filles qui portent déjà le fardeau du patriarcat et de la violence sexiste. Tous ces facteurs ont également exacerbé les inégalités socio-économiques et la faim dans le monde.

En juin 2022, dans les rues de Genève, nous avons mené des manifestations contre ces politiques
destructrices. Notre cri de ralliement « Le libre-échange affame, OMC dégage de nos champs » a exprimé
l’angoisse et la colère des petits producteurs alimentaires du monde entier. Il faut en effet se réjouir qu’il n’y ait pas eu de véritable percée sur les questions litigieuses lors de la 12ème Conférence Ministérielle, ce qui ne fait que souligner l’inutilité persistante de l’OMC. Nos mobilisations à Genève (et nos rassemblements historiques contre l’OMC depuis 1999) ont permis de dénoncer les politiques destructrices de cette institution. À Genève, où nous nous sommes rencontrés après une interruption de plus de deux ans en raison des restrictions liées à la pandémie, nous nous sommes également retrouvés dans un esprit de solidarité et d’unité. Nous avons partagé des témoignages inspirants sur les luttes paysannes sur tous les continents et réaffirmé nos engagements à faire émerger la souveraineté alimentaire sur nos territoires.

Forts de la formidable énergie, de l’espoir et de l’enthousiasme suscités par nos mobilisations
conjointes à Genève – et au nom de notre mouvement mondial – nous appelons à une refonte du
système commercial international actuel. Nous proposons une alternative qui reflète et réponde aux
réalités des paysan·nes et des peuples autochtones du monde entier.

  • L’OMC doit disparaître ! L’accord sur l’agriculture devrait être démantelé et toutes les négociations
    de libre-échange devraient rester en dehors de l’agriculture !
  • Mettre en place un Cadre Multilatéral Mondial pour la réalisation d’un Commerce International basé
    sur les principes de Souveraineté Alimentaire des Peuples et en accord à la Déclaration des Nations
    Unies sur les Droits des Paysan·nes et Autres Personnes Travaillant dans les Zones Rurales
    (UNDROP), d’autres instruments relatifs aux droits humains, tels que la Déclaration des Nations
    Unies sur les droits des peuples autochtones (UNDRIP), et d’autres conventions et pactes fondés sur
    le droit à l’autodétermination des peuples.
  • Rien sur nous, sans nous ! La construction de ce cadre doit passer par un groupe de travail
    intergouvernemental multilatéral, comprenant une représentation et une participation égales et
    inclusives des mouvements sociaux et de la société civile.
  • Garder les sociétés transnationales, les lobbyistes et les bras philanthropiques motivés par l’agenda
    néolibéral à l’écart de ces discussions et espaces, et écouter les peuples !
  • Nous appelons les gouvernements à quitter l’OMC, à se tenir du côté des paysan·nes, des
    travailleur·euses et des peuples autochtones et à créer une alliance de pays progressistes pour faire
    avancer la Souveraineté Alimentaire et les Droits des Paysan·nes.
  • Nous appelons à la mise en œuvre d’une Véritable Réforme Agraire et de politiques nationales qui
    promeuvent le droit à la terre et une transition intégrale et bien coordonnée vers des pratiques
    paysannes de production agroécologique.
  • Nous appelons les gouvernements à créer des stocks publics alimentaires, achetés auprès des
    paysan·nes et des petit·es producteur·trices d’aliments à un prix de soutien juste, légalement garanti
    et viable pour les producteur·trices.
  • Apporter une législation anti-dumping solide, ce qui est nécessaire pour empêcher les exportateurs
    de détruire les marchés locaux.
  • Interdire l’utilisation de l’agriculture pour produire du biocarburant. La nourriture devrait être une
    priorité absolue par rapport au carburant.

Nous avons énuméré les éléments constitutifs d’une alternative que nous recherchons de toute urgence pournotre monde, et cela ne peut pas attendre. Nous ne pouvons pas attendre que l’OMC se réforme et apporte tous ces changements, en raison de ses contradictions inhérentes et de ses apparents conflits d’intérêts.


Consultez la carte de nos mobilisations dans le monde

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Une condition préalable essentielle pour que ces changements s’enracinent serait la mise en œuvre
urgente des articles de la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Paysan·nes et Autres
Personnes Travaillant dans les Zones Rurales.

Ce mois-ci marque également la 50ème session du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies. Lors de cette session, La Via Campesina met en avant des demandes concrètes pour faire de l’UNDROP une réalité vécue pour nos communautés.

La mise en œuvre de l’UNDROP est en cours dans de nombreuses régions et pays à travers des politiques
publiques, des formations, de nouvelles jurisprudences basées sur l’UNDROP, et différents types d’actions
dans la vie quotidienne des communautés rurales. La mise en œuvre doit également passer par l’intégration et le suivi au niveau international. A cet égard, notre mouvement plaide pour la création d’une procédure spéciale sur l’UNDROP. Cette procédure spéciale permettra une mise en œuvre efficace, en particulier de l’intégration et le suivi de l’UNDROP au niveau mondial. Lors de la 50ème session du CDHNU, nous avons fait un pas en avant vers cet objectif. Les délégué·es de La Via Campesina ont plaidé sans relâche auprès des États Membres et d’autres organes des Nations Unies à Genève. Nous poursuivrons notre travail et fixerons le calendrier pour la mise en place de cette procédure spéciale sur l’UNDROP lors de la session du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies prévue en mars 2023. Nous appelons nos membres à établir un dialogue avec leurs gouvernements nationaux et à les convaincre d’envoyer un signal clair à leurs Missions à Genève en faveur d’une procédure spéciale sur l’UNDROP.

Nous avons également progressé sur de nombreux fronts. Les membres de La Via Campesina du monde
entier ont amené l’UNDROP plus près de nos bases, à niveau national ainsi que local, avec des actions
directes, des formations et la création de documents populaires de l’UNDROP. Nous poursuivrons nos efforts pour traduire ces documents populaires de l’UNDROP dans nos langues locales afin de comprendre et d’accroître l’appropriation de ce dispositif essentiel pour nos luttes. Nous appelons nos membres, détenteur·trices de droits dans les zones rurales, et nos allié·es à continuer à sensibiliser et à utiliser l’UNDROP comme un outil dans leurs combats quotidiens.

LES DROITS DES PAYSAN·NES, MAINTENANT !
SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE, MAINTENANT !
GLOBALISONS LA LUTTE, GLOBALISONS L’ESPOIR !

#LVC30Ans #PasDeFuturSansSouverainetéAlimentaire


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