Déclaration Conjointe Des Ong Et Mouvements Sociaux

LA SOCIÉTÉ CIVILE INTERNATIONALE REJETTE LES CONCLUSIONS DU SOMMET DE L'OMC DE DOHA ET LES PROCÉDÉS MANIPULATEURS DE L'OMC

Après examen du processus et des conclusions de la Conférence ministérielle de l'OMC à Doha, la société civile internationale représentée par les organisations signataires du présent document rejette la légitimité de la déclaration issue de la conférence, car résultant de procédés manipulateurs scandaleux qui sont totalement inacceptables de la part d'une organisation internationale. "TOUT SAUF LE DÉVELOPPEMENT", TEL EST LE BILAN

Les conclusions de Doha ont été honteusement présentées par les pays développés et le Secrétariat de l'OMC comme un "programme de développement" ou un "cycle pour le développement". Or, à nos yeux, c'est loin d'être le cas. En fait, il conviendrait mieux de donner à la déclaration de Doha et à son programme de travail la légende suivante : "Tout sauf le développement". Car c'est une catastrophe pour le développement.

Selon les termes de la déclaration, l'OMC s'engage à négocier des accords sur les quatre "questions de Singapour" (investissement, concurrence, transparence de la passation des marchés publics, incitation au commerce) après la 5ème réunion ministérielle, malgré l'opposition d'un grand nombre de pays en développement et de milliers d'ONG et de mouvements sociaux du monde entier. En favorisant l'intégration de ces questions dans le système de l'OMC, la conférence de Doha a ouvert la voie à une catastrophe de grande envergure pour le développement : en effet, les nouveaux accords qui sont proposés mettraient un terme à de nombreuses politiques et possibilités de développement, et entraîneraient une recolonisation et un pouvoir accru des sociétés internationales aux dépens de la souveraineté ainsi que des droits et besoins des populations.

Fort heureusement, avant que le texte ministériel ne soit approuvé, plusieurs pays en développement ont pu, au dernier moment, obtenir un compromis sous la forme d'une déclaration du Président indiquant qu'un consensus clair était nécessaire pour que les négociations sur les quatre questions susmentionnées puissent être entamées. Pour nous, c'est cette déclaration qui fait foi concernant les questions de Singapour. Nous appelons tous les gouvernements qui participeront aux discussions à venir à refuser de nouvelles négociations et à se prononcer pour le retrait de ces questions du programme de l'OMC.

Par ailleurs, la déclaration ministérielle de Doha :

(a) n'apporte pas plus de réponse aux problèmes de mise en œuvre que rencontrent les pays en développement, et les immenses problèmes provenant des accords existants de l'OMC sont donc amenés à s'intensifier ;

(b) ne s'engage pas réellement à soutenir le concept de souveraineté alimentaire par la réduction des aides à l'exportation directes et indirectes ou du dumping de produits alimentaires à prix artificiellement bas vers les pays en développement, ni n'offre de protection valable aux petits paysans – en particulier dans les pays en développement -, autorisant ainsi la mise à mort des paysans de par le monde ;

(c) ne propose pas de solution pour les conséquences néfastes de l'accord TRIPS (dont le piratage biologique et l'atteinte aux droits fondamentaux du consommateur) malgré la déclaration politique sur le TRIPS et la santé publique (qui ne s'ajoute pas légalement aux droits des États à prendre des mesures de santé publique) ;

(d) lance des négociations pour l'accès au marché des produits industriels, ce qui contraindra les pays en développement à réduire davantage leurs tarifs douaniers et menacera nombre d'entre eux d'une nouvelle désindustrialisation, de la fermeture des entreprises locales et de pertes d'emplois ;

(e) facilite la libéralisation et la privatisation des ressources naturelles telles que l'eau par le biais de la suppression des barrières aux biens et services ayant un rapport avec l'environnement, ce qui menace les droits des populations mondiales vis-à-vis de l'eau et des autres ressources naturelles ;

(f) sous-estime l'importance des grands problèmes du développement en les réduisant à des questions d'assistance technique et de "renforcement des capacités", dans une tentative de conduire les pays en développement à la table des négociations.

LES TACTIQUES DE MANIPULATION ET LES PROCÉDÉS DISCRIMINATOIRES DOIVENT ÊTRE CONDAMNÉS

La cause majeure de cette issue désastreuse est l'ensemble des procédés manipulateurs et discriminatoires utilisés, qui ont jeté l'opprobre sur l'OMC, le Secrétariat et les principaux pays développés.

Un nombre écrasant de pays en développement s'étaient opposés à des négociations sur les nouvelles questions et les tarifs douaniers industriels, ainsi que sur la création d'un Comité pour les négociations sur le commerce et un "engagement unique". Cette opposition était claire, avant et à Doha. Et pourtant, ces points de vue ont été constamment négligés et, pour finir, les pays ont été contraints d'accepter une déclaration qui ne reflète pas leurs positions.

Un ensemble de tactiques de manipulation et de procédés non transparents et antidémocratiques ont été planifiés et mis en œuvre par le Secrétariat de l'OMC et les principaux pays afin de favoriser les intérêts de ces derniers.

Avant Doha, ces manipulations furent les suivantes :

a) l'élaboration par le Président du Conseil général et le Directeur général de deux projets de texte pour la déclaration, qui reflétaient principalement les vues des pays développés et ne contenaient aucune des positions de la plupart des pays en développement, malgré leurs nombreuses protestations et propositions spécifiques ;

(b) la transmission d'un projet de déclaration à Doha par le Président du Conseil général et le Directeur général de l'OMC, malgré les protestations de nombreux pays en développement comme quoi leurs points de vue n'y étaient pas exposés et leurs demandes qu'ils le soient au moins dans une annexe ou une lettre d'accompagnement, qui furent totalement ignorées ;

(c) la tactique consistant à organiser des consultations en vue de recueillir les points de vue des pays membres, mais seule une poignée d'entre eux étant repris dans un projet de déclaration qui ne contenait pas d'options ni ne montrait les divergences de vues, l'apparence étant donc celle d'un texte consensuel, ce qui eut pour conséquence d'écarter gravement les pays en développement à Doha.

À Doha, les manipulations furent celles-ci :

(a) La nomination non transparente et antidémocratique par le Président de la conférence de six "amis de la Présidence" en tant que "facilitateurs" dotés du pouvoir de consultation et de rédaction sur une sélection de sujets polémiques. Tous les "facilitateurs" étaient originaires de pays favorables au nouveau cycle de négociations. Aucune justification ni aucun critère n'a été donné pour cette sélection discriminatoire des facilitateurs, et aucun consentement n'a été sollicité préalablement pour ce système.

(b) Les apparences ont été sauvegardées concernant la conduite de consultations sur divers sujets, mais là encore, les points de vue d'une majorité de pays en développement (en particulier le refus de négociations sur les nouvelles questions) ont été ignorés dans les deux nouveaux projets de texte de la déclaration ministérielle qui ont été élaborés à Doha.

(c) La tenue d'une réunion finale dans la Chambre verte avec seulement 24 pays dans la nuit du 13 au 14 novembre, jusqu'à 5 h du matin, au cours de laquelle les pays s'opposant aux nouvelles dispositions ont subi de fortes pressions. Les critères appliqués pour le choix des pays, pourquoi, par qui, ainsi que le processus de négociation dans la Chambre verte n'ont été ni approuvés ni divulgués.

(d) La production d'une avalanche de projets de texte et de textes au cours de la conférence, sans aucune transparence quant aux auteurs ni à la base sur laquelle ils furent établis, puis l'émergence d'un "projet définitif" le 14 novembre, que les pays ont été sommés d'accepter.

(e) La contrainte de temps intense qui a été imposée aux pays en développement, les obligeant à accepter des décisions qu'ils avaient peu ou pas le temps d'examiner correctement.

(f) Figurent également au nombre des pressions une combinaison de "carottes et de bâtons" ainsi que l'utilisation abusive par les pays développés du pouvoir politique et économique à l'égard de plusieurs pays en développement.

CONCLUSIONS

Compte tenu des procédés susmentionnés, les conclusions de Doha, en particulier la déclaration ministérielle et le programme de travail, n'ont pas de légitimité publique.

Nous condamnons les méthodes et procédés non transparents, discriminatoires, arbitraires ou n'obéissant à aucune règle orchestrés par le Directeur général et le Secrétariat de l'OMC et mis en oeuvre par les principaux pays développés. De tels comportements sont particulièrement préjudiciables pour une organisation internationale se targuant d'avoir pour principes fondamentaux la transparence, la non-discrimination et le respect du droit.

Nous nous engageons par conséquent à attirer l'attention du public dans le monde entier sur les implications désastreuses des conclusions de Doha, et sur les procédés honteux qui ont été employés.

Nous nous engageons également à lutter contre les aspects catastrophiques du programme de travail de l'OMC pour l'après-Doha, et contre la nature antidémocratique du système de l'OMC.

Nous réaffirmons le principe selon lequel "Le monde n'est pas à vendre". Notre priorité est de promouvoir les droits des populations du monde entier et de protéger la Nature. Le système d'échanges internationaux – et le système économique mondial en général – doit être au service des populations, et des pauvres en particulier ; il ne doit pas continuer à être déformé pour servir les grandes sociétés et une élite minoritaire.

Organisations soutenant ou approuvant la présente déclaration :

Africa Trade Network
Afro-Asian Institute (Autriche)
Alliance for Democracy (États-Unis)
Alliance of Progressive Labour (Philippines)
Amis de la Terre (France)
Anti Globalisation Network
Arab NGO Network for Development
Asia Indigenous Women's Network
Asian Regional Exchange for New Alternatives-ARENA (Hong Kong)
ASOCODE (Honduras)
Association Solagral (France)
ATTAC France
Australian Fair Trade and Investment Network Limited
Australian Greens
Awami Committee (Pakistan)
Bayan (Philippines)
Begegnungszentrum fuer aktive Gewaltlosigkeit (Autriche)
Berne Declaration (Suisse)
Blueridge Institute (Suisse)
Carribean Gender and Trade Network
Carribean Association for Feminist Research and Action
Centre for Study of Global Trade System and Development (Inde)
Chile Sustentable (Chili)
Citizens of Lee Environmental Action Network -CLEAN (États-Unis)
CNOC-Via Campesina (Guatemala)
COACAD
Coalition for Jobs and the Environment (États-Unis)
Collectif des ONG au Lebanon (Liban)
Consumers' Association of Penang (Malaisie)
Consumers Education Trust of Uganda-CONSENT
CorpWatch (États-Unis)
CORPORACION Region (Colombie)
Council of Canadians (Canada)
CTERA (Argentine)
Cumberland Countians for Peace and Justice (États-Unis)
DAWN Southeast Asia
Development Innovations and Networks (Zimbabwe)
Development VISIONS (Pakistan)
Devil's Fork Trail Club (États-Unis)
Drug Study Group -DSG (Thaïlande)
Earths Rights Institute (États-Unis)
ECONEWS Africa
EcoPravo-Kyiv Environmental Law NGO (Ukraine)
ECOROPA (France)
ECUARUNARI (Equateur)
Equations (Inde)
Finnish WTO Campaign (Finlande)
Flemish Support Group for Indigenous People – KWIA
FOBOMADE (Bolivie)
Focus on the Global South
Food First/Institute for Food and Development Policy (États-Unis)
Foundation The Court of Eden
Friends of the Earth (Angleterre, Pays de Galles, Irlande du Nord)
Friends of the Earth Finland
Friends of the Earth Malaysia/Sahabat Alam Malaysia
Friends of the Earth Netherlands
Friends of the Earth Norway
FSPI-Via Campesina (Indonésie)
Fundacion Solon (Bolivie)
GATT Watchdog (Nouvelle-Zélande)
GenderWatchers
German Worldshop Association (Allemagne)
Global Exchange (États-Unis)
Groupo de Reflexion Rural (Argentine)
IBON Foundation (Philippines)
Instituto Latino Americano de Servicios Legales Alternativos (Colombie)
Institute for Agriculture and Trade Policy – IATP (États-Unis)
Institute for Cultural Ecology
Institute for Sustainable Development (Ethiopie)
Institute for the Relocalisation of the Economy (France)
Institute of Science in Society (Royaume-Uni)
Instituto del Tercer Mundo (Uruguay)
Integrated Rural Development Foundation (Philippines)
International Gender and Trade Network Asia
International South Group Network
Karnataka State Farmer's Association -KRRS (Inde)
Legal Research and Resource Center for Human Rights
Living Education Center for Ecology and the Arts (États-Unis)
Low Income Families Together -LIFT (Canada)
National Labour Academy (Nepal)
National Working Group on Patent Laws (Inde)
NESSFE (Japon)
Network for Environmental and Economic Responsibility (États-Unis)
Netzwerk gegen Konzernherrschaft und neoliberale Politik (Allemagne)
Organic Producers and Processors Association (Zambie)
Pacific Environment (États-Unis)
Patrick Environmental Awareness Group (États-Unis)
Pesticide Action Network (Colombie)
Pesticide Action Network (Indonésie)
Pesticide Action Network (Amérique latine)
Polaris Institute (Canada)
Project South: Institute for the Elimination of Poverty and Genocide (États-Unis)
Public Citizen (États-Unis)
Red de Permacultura Mexico
Research Foundation for Science, Technology and Ecology (Inde)
Rural Reconstruction Alumni and Friends Association (Thaïlande)
Save the Redwoods/Boycott the Gap Campaign (États-Unis)
Sobrevivencia/Friends of the Earth (Paraguay)
StopMai Coalition (Australie occidentale)
Taking Responsibility for the Earth and the Environment -TREE (États-Unis)
Texas Fair Trade Coalition (États-Unis)
The Edmonds Institute (États-Unis)
The Clinch Coalition (États-Unis)
The CornerHouse (Royaume-Uni)
Third World Network
Transnational Institute (Pays-Bas)
UBINIG (Bangladesh)
Uganda Consumers Protection Association-UCPA
Union Nacional Ecologica y Social (Venezuela)
United Church of Christ (États-Unis)
Via Campesina
Virginians for Wilderness (États-Unis)
Virginia Forest Watch (États-Unis)
World Economy, Ecology and Development -WEED (Allemagne)
World Development Movement -WDM (Royaume-Uni)
World Fisherfolks Forum WFFP Sri Lanka
World Fisherfolks Forum WFFP Uganda
World Forum of Fisher Peoples WFFP India
World Rainforest Movement (Uruguay)
WtowatchACT
Youth Development Africa -YDA (Ouganda)

Particuliers soutenant ou approuvant la présente déclaration :
David Howenstein, JAMBO International Center, Japon
James M Nordlund
Janet Montgomery
Jean Garinger
Jose-EVAMPER
Julie Carlson, University for Peace consultant, Costa Rica
Magdalena Frey
Mr B.M.Phillips
Margaret Wisner, Canada
Peter Appleton
Peter Koch
Tim Quigley, University of Saskatchewan, Canada

Signataires en date du mercredi 9 janvier 2002
Organisations : 121
Particuliers : 12