Colombie : L’extermination de la vie paysanne, indigène et afro-descendante continue
Chaque deux jours, un·e leader social·e est assassiné·e en Colombie. Depuis le début de l’année 2022, 24 leaders sociaux·ale ont été tué·es, pour un total de 1310 victimes depuis la signature de l’Accord de paix. À leurs côtés, ce sont 303 personnes en cours de réincorporation qui ont été tuées depuis 2016.
Le 17 janvier, l’adolescent Breiner David Cucuñame, membre de la garde indigène, a été abattu dans le département du Cauca. Il fait partie des 24 leaders sociaux·ales qui ont été tué·es cette année. Comme Deisy Sotelo, enlevée à son domicile et retrouvée morte. Comme Herman Quintero, enlevé chez lui le 1er février et dont la femme, Idalí, a partagé une vidéo sur les médias sociaux la montrant avec ses enfants demandant en larmes qu’Herman soit rendu vivant.
Hermán est mort, tout comme Deisy et Breiner, dont seul un nom figure sur une liste de plus de 1’300 personnes, un nombre qui n’étonne plus la société colombienne. Comme eux, 82 personnes ont été tuées lors des 19 massacres commis en 2022, et leurs noms s’ajoutent à la liste des 801 victimes des 206 massacres commis dans le pays depuis 2020.
Les jeunes et les leaders qui défendent les droits fonciers et territoriaux sont les principales victimes de cette guerre sanglante. Ce sont principalement des jeunes de moins de 30 ans qui sont tué·es lors de ces massacres. Selon les chiffres d’Indepaz1, 70% des leaders tué·es depuis la signature de l’Accord étaient des paysan·nes, des indigènes, des afro-descendant·es, des communautaires, des écologistes et des leaders du Programme national de substitution intégrale des cultures illicites (PNIS).
L’extermination de la vie paysanne, indigène et afro-descendante se poursuit. Les habitants des zones rurales continuent d’être victimes de dépossession : selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), en 2021, le nombre de personnes déplacées a augmenté de 181% par rapport à 2020.
La Consultoría para los Derechos Humanos y el Desplazamiento (CODHES) a enregistré 167 événements de déplacement de masse avec 82 846 victimes entre janvier et novembre 2021. Cela indique que 2021 est l’année où l’on a enregistré le plus grand nombre de déplacements massifs au cours des cinq dernières années2.
Les déplacements de masse sont concentrés dans quatre départements : Nariño (32’026 victimes), Antioquia (10’698 victimes), Chocó (9’857 victimes) et Cauca (8’418 victimes), soit 73,6 % du total des personnes touchées dans le pays. On constate également que 7 victimes de déplacement forcé sur 10 appartiennent à des communautés ethniques : entre janvier et novembre 2021, au moins 37’664 afro-descendant·es et 18’979 autochtones ont été déplacé·es de force de leur territoire.
Ces chiffres donnent un aperçu de la crise humanitaire en Colombie, mais le nombre de déplacements qui ne sont pas déclarés est élevé, à cause à la peur de signaler les cas ou à l’impossibilité de le faire. Ceci en raison des représailles des groupes armés, de l’inefficacité du système judiciaire et même de la possibilité d’être poursuivi par les autorités.
Il convient de mentionner la négligence de cette crise par le gouvernement Duque, qui continue de nier la gravité de la violence que subissent les communautés. La violence existe sur l’ensemble du territoire national, mais elle est plus intense dans certaines régions telles que la zone frontalière avec le Venezuela (Arauca et Catatumbo), la région du sud-ouest (Cauca et Pacífico Nariño) et la région de Chocó et Bajo Cauca Antioqueño.
En 2022, l’attention s’est concentrée sur la situation dans l’Arauca et le Chocó. Fin janvier, les organisations sociales et ethniques du Chocó, ainsi que les organisations confessionnelles, ont envoyé un communiqué à Duque demandant une action urgente pour atténuer l’impact de la crise. Les organisations ont lancé cet appel depuis l’année dernière, car la présence paramilitaire sur le territoire a augmenté depuis 2020.
Les missions humanitaires dans le Chocó et l’ouest d’Antioquia ont dénoncé les relations entre le groupe paramilitaire Clan del Golfo et les forces de sécurité dans ces départements. Les forces de sécurité ont demandé une rétractation pour atteinte à leur réputation, tandis que les communautés continuent de se demander pourquoi les groupes illégaux circulent librement sur le territoire et pourquoi l’armée ne contrôle pas leur présence.
Nous avons toujours été ignorés à cause de notre race, nous avons l’habitude de gérer les choses du mieux que nous pouvons. Mais maintenant que nous sommes confrontés à tant de violence chaque jour, croyez-moi, nous n’avons plus aucun moyen de faire face. Nous avons besoin d’une aide urgente ou ce sera bien pire.
un leader social du Chocó
1 Indepaz (2021) Balance en cifras de la violencia en los territorios. Disponible en espagnol ici https://indepaz.org.co/wp-content/uploads/2021/12/5-años-del-acuerdo-de-paz-1.pdf.
2 CODHES (2021) El año con mayor número de víctimas de desplazamiento en 5 años. Disponible en espagnol ici https://codhes.wordpress.com/2021/12/22/2021-el-ano-con-mayor-numero-de-victimas-de-desplazamiento-en-5-anos/
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