Un véritable changement du système doit venir d’en bas
Discours de clôture de Paula Gioia, représentante des jeunes européens au Comité de Coordination International de la Via Campesina lors du colloque Gouvernance mondiale, justice climatique, sociale et agraire qui a eu lieu à l’Institut des Etudes sociales (ISS) à la Haye, Pays Bas, les 4 et 5 février 2016
(La Haye, le 5 février 2016) Tout d’abord, je tiens à vous remercier d’avoir été impliqués dans l’organisation de ce grand événement. Je vous remercie également de me donner la possibilité de parler au nom des petits agriculteurs et agricultrices du monde. Mais je tiens à dire que je me vois juste comme l’un de vous. Je pourrais être Alberto, Ana, Henk, Midori, Sara, Jun, Ludwig, Sofia, Umut ou tout autre personne d’entre vous … Je suis sûr que nous partageons tous les mêmes valeurs et nous sommes convaincus que le capitalisme est pourri et est à l’origine des multiples crises auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui. Un véritable changement du système doit venir d’en bas. Et je vois que chacun de nous joue un rôle très important dans ce processus. Quel que soit le secteur auquel nous appartenons, je crois que nous travaillons tous dans une partie de ce grand réseau.
C’était génial de partager les différentes préoccupations, les luttes et les stratégies avec vous au cours de ces deux jours et de regarder vers l’avenir, afin de continuer à travailler ensemble dans un but commun de changements politiques. Dans ce contexte de crises multiples, je peux vous garantir que nous les petits agriculteurs, les paysans, les pêcheurs, les éleveurs, les populations autochtones, les travailleurs migrants de Via Campesina nous allons continuer la lutte pour un changement de système. Nous allons continuer à lutter contre le pouvoir du capital et contre le patriarcat. Nous allons continuer à lutter afin d’établir la justice sociale, financière, climatique, environnementale et nutritionnelle sur notre planète à tous.
Nous sommes totalement convaincus que la souveraineté alimentaire est un véritable moyen de transformer ce système destructeur qui est en crises profondes. Parce que la souveraineté alimentaire est un grand projet politique en cours qui peut résorber ces crises. Mais une condition principale pour la mise en oeuvre de la souveraineté alimentaire est la convergence des forces, la convergence des différents secteurs de la société. Nous savons tous que les producteurs alimentaires à petite échelle ne seront jamais en mesure de l’établir seuls. Sans une lutte unie et holistique, nous ne parviendrons pas à des changements de politiques locales, nationales et mondiales et nous ne pourrons pas parvenir à une perspective mondiale qui permette d’envisager le futur. Pour cette raison, il est important d’avoir des espaces comme celui-ci, où nous nous rassemblons et nous nous regardons dans les yeux de manière profonde et sincère.
Je voudrais partager mon histoire avec vous. Je suis née dans une famille migrante italienne et j’ai grandi dans la classe moyenne supérieure des zones urbaines du Brésil. J’ai fréquenté une école traditionnelle privée puis j’ai suivie une des meilleures universités publiques du Brésil et plus tard j’ai eu la chance de venir en Europe. C’est dans le mouvement de la gauche Berlinoise que mon engagement politique a pris son importance. Après quelques années tout à fait perdue, je pensais que j’avais trouvé un moyen de sortir de cette société pourrie, qui m’avait fait sentir si mal et déprimée les années précédentes. Je me suis installée en agriculture. Mais cette décision seule ne pouvait pas résoudre mes problèmes. J’ai réalisé que mon combat ne faisait que commencer, car pour obtenir des changements on doit se regrouper. En même temps je me suis aperçue que le secteur de l’alimentation est un secteur clé pour obtenir des changements. And my struggle for changes turned in a much bigger one, in which I was not alone anymore. Mon engagement a alors pris une toute autre dimension et j’ai compris que je n’étais plus seule. Au moins 200 millions d’autres paysans et paysannes luttent comme moi et des millions d’autres acteurs nous soutiennent.
Aujourd’hui, je suis de retour sur les bancs de l’école. Non plus comme universitaire, mais comme paysanne. Je suis convaincue des valeurs que j’ai trouvé sur mon chemin. Je suis très reconnaissante pour l’éducation que mes parents m’ont donnée. Et je suis très heureuse de pouvoir l’utiliser au service de la justice et de la souveraineté des peuples. Tout cela me montre que je suis profondément connectée à mes origines et que mon combat aujourd’hui à l’hémisphère nord est profondément connecté à mon passé et aux luttes actuelles dans l’hémisphère sud.
Je me perçois comme l’un des nombreux exemples, qui témoignent que notre lutte pour un changement de système peut vaincre les classes existantes et les obstacles géographiques. Il est très important que nous utilisions nos différentes ressources, talents et visions afin de construire quelque chose de nouveau, quelque chose de sain et fort. No matter if it is the landless child in South Africa, the academic from Harvard, the indigenous community from the Americas, the rice farmer in South Korea, the CSA-group from China, the civil society suffering in Palestine or in Syria, the climate victims in Bangladesh or one of the last small scale farmers in Europe; Peu importe s’il s’agit de l’enfant sans terre en Afrique du Sud, de l’universitaire de Harvard, de la communauté indigène des Amériques, du riziculteur en Corée du Sud, d’un groupe de consommateurs soutenant un agriculteur local en Chine, de la société civile souffrant en Palestine ou en Syrie, des victimes du climat au Bangladesh ou de l’un des derniers petits agriculteurs en Europe car au final, nous sommes tous unis et notre plus grande force est la solidarité.
Et pour aller dans ce sens, je tiens à réaffirmer l’attachement et l’engagement de Via Campesina pour cette lutte. Nous aimerions vous inviter tous à faire partie de cette lutte, en vous engageant activement dans le mouvement pour la Souveraineté Alimentaire. Nous souhaitons voir beaucoup d’entre vous au prochain Forum Nyeleni Europe, le Forum européen sur la souveraineté alimentaire, en Octobre prochain en Roumanie, où nous voulons continuer à développer des stratégies pour mettre en œuvre la souveraineté alimentaire en et de l’Europe. Via Campesina a également déjà commencé les préparatifs de sa 7ème conférence internationale, qui aura lieu l’année prochaine au Pays Basque. Ces événements représentent de grands moments de sensibilisation quant au rôle crucial que joue l’Europe dans le système alimentaire et quant au rôle crucial du système alimentaire lui-même dans le contexte de crises multiples. En Avril de cette année, nous avons aussi notre conférence sur la réforme agraire au Brésil. En plus de mettre en évidence le problème mondial de la propriété foncière, c’est une occasion de développer avec nos alliés de nouvelles stratégies politiques communes fondées sur les luttes populaires. Je vous invite tous et toutes à être au courant de ces moments et de vous y engager, ne parlez pas de nous, mais AVEC NOUS! En fin de compte nous sommes tous interconnectés. Et pour un vrai changement de système, nous devons:
GLOBALISER LA LUTTE! GLOBALISER L’ESPOIR!