Brésil, Cícero Guedes, leader du MST est assassiné à Rio
Le travailleur rural et militant du Mouvement des Sans Terre a été assassiné par des tueurs à gage le 25 janvier 2013, aux alentours de la raffinerie sucrière Cambahyba, dans la municipalité de Campos dos Goytacazes (RJ).
Cícero a été atteint par des tirs à la tête alors qu’il quittait l’unité productive à bicyclette. Né à Alagoas, il fut coupeur de canne et coordonnait l’occupation par le Mouvement des Sans Terre dans la raffinerie qui regroupe sept haciendas pour un total de 3.500 hectares.
Cette grande propriété fut considérée improductive par décision du juge fédéral Dario Ribeiro Machado Júnior, qui a été rendue publique en juin. La zone appartenant au défunt Heli Ribeiro Gomes, ex-vice-gouverneur « bionique » (1) de Rio, est aujourd’hui sous le contrôle de ses héritiers.
Cícero Guedes était membre de l’unité productive Zumbi dos Palmares créée en 2002 sur le site Brava Gente, au nord de Rio de Janeiro mais il continuait à lutter pour la réforme agraire. Il était devenu une référence dans la construction des connaissances en agro-écologie tant parmi les compagnons du Mouvement Sans Terre que parmi les étudiants et les professeurs de l’Université do Norte Fluminense.
Sur son terrain il développait des techniques agro-écologiques avec une diversité de plantes, dans le respect de la nature et en profitant de tout ce qu’elle pouvait donner. Il a commencé avec une plantation près de chez lui avec une couverture de fleurs qui a permis d’embellir sa propriété et aussi de dégager une source de revenus. Cícero était aussi connu pour sa production intensive de bananes, cultivée parmi des légumineuses, du maïs et des espèces fruitières. Les enfants ont grandi en observant le développement de l’expérience et ont appris avec leur père comment produire des aliments de meilleure qualité que ceux du supermarché.
Dès que le producteur agricole Cícero Guedes dos Santos a occupé son terrain en 2002, il a mis en place son vieux projet de développer une diversité de plantations dans le respect de la nature, une expérience proposant un nouveau type de conscience et affirmant le sentiment croissant jour après jour de la nécessité de préservation et d’équilibre.
La violence des grandes propriétés terriennes
Ce complexe d’haciendas est le théâtre de tout type de violences : exploitation du travail infantile, exploitation de main d’oeuvre esclave, absence de paiement des droits et des indemnisations aux travailleurs, en plus de crimes environnementaux.
En décembre 2012 l’INCRA (Instituto Nacional de Colonização e Reforma Agrária) a pris l’engagement de créer une unité productive dans la zone de la raffinerie mais jusqu’à aujourd’hui on n’observe aucune avancée concrète dans l’octroi de terres aux familles de producteurs.
La mort du compagnon Cícero est la conséquence de la violence des grandes propriétés, de l’impunité des meurtres de militants Sans Terre et de la lenteur de l’INCRA à répartir les terres improductives aux mains des petits producteurs et pour mettre en oeuvre la réforme agraire. Le Mouvement des Sans Terre exige que less coupables soient jugés, condamnés et emprisonnés.
Les grandes propriétés de la raffinerie Cambahyba accumulent des dettes de millions de Reales avec l’État brésilñien et leur processus de désappropriation est paralysé depuis 14 ans — l’INCRA avait alos déclaré ces terres improductives et donc sujettes légalement à l’expropriation aux fins en vertu de la réforme agraire.
Cependant la dette de la raffinerie sucrière ne se limite pas à l’aspect financier. En mai 2012 les brésiliens ont été horrifiés par les révélations selon lesquelles les fourneaux de Cambahyba furent utilisés pour incinérer les corps de 10 militants polítiques sous la dictature civile et militaire. Les aveux du délégué du Département d’Ordre Politique et Social (Dops), Cláudio Guerra, publiés dans le livre “Mémoires d’une guerre sale », ont été largment repris dans la presse.
Jusqu’à aujourd’hui cependant, la Justice Fédérale empêche l’expropriation de la zone et a décidé d’expulser violemment les familles qui revendiquent la terre. C’est la deuxième fois que le MST réalise une occupation de la raffinerie.
La première fut en 2000. Sept ans plus tard, les Polices Fédérale et Militaire par décision de la justice Fédérale de Campos , ont expulsé les 100 famílles qui avaient créé le campement Oziel Alves II.
(1) Ce terme désigne au Brésil des gouverneurs nommés sous la dictature militaire, sans suffrage populaire
Traduction du portugais : Thierry Deronne