Appel à une semaine mondiale d’action contre l’UPOV | 2 – 8 décembre 2021
Sans les semences et sans les paysan·nes, la production agricole ne serait pas possible. Depuis le début de l’agriculture et de l’élevage, les paysan·nes et les agriculteur·ices ont librement sélectionné, échangé et préservé des millions de variétés de cultures différentes, adaptées à l’évolution des conditions socio-environnementales. Mais aujourd’hui, les paysan·nes et les agriculteur·ices sont confronté·es à des menaces extrêmes dues à la privatisation de leurs semences par des lois de propriété intellectuelle. Par ailleurs, des lois de commercialisation des semences interdisent les variétés locales et autochtones qui ne correspondent pas au modèle industriel, et limitent donc la circulation et l’accès à ces semences.
Une institution est au cœur de cette situation : l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV). L’UPOV a été créée en 1961 par quelques pays européens pour permettre aux obtenteur·ices d’imposer des droits de propriété intellectuelle sur leurs semences. Ce régime est appelé protection des obtentions végétales et les accords commerciaux exigent souvent des pays signataires qu’ils adoptent ou imitent les règles de l’UPOV.
L’UPOV exige et promeut l’homogénéité des semences et donc de l’approvisionnement alimentaire. Elle permet à un petit groupe de sociétés transnationales de s’approprier et de contrôler les semences, sans tenir compte des relations socio-culturelles historiques que les peuples et communautés entretiennent avec les semences. Cela sert les intérêts du système agroalimentaire industriel, qui nourrit 30% de l’humanité, mais favorise l’érosion génétique, la vulnérabilité économique et la perte d’autonomie des petits paysan·nes et agriculteur·ices qui nourrissent 70% de la population mondiale.
Non seulement les petits agriculteur·ices, producteur·ices et pêcheur·euses nourrissent la majeure partie de la population mondiale, mais les femmes, tout particulièrement, sont les gardiennes des semences et de la vie. Alors que ces dernières vivent souvent dans des conditions précaires, sous le joug du patriarcat et dans une situation de subordination économique, l’UPOV alourdit le fardeau des femmes en criminalisant leurs pratiques. Ainsi, outre le fait de servir les intérêts des multinationales, l’UPOV s’attaque aux femmes. Chez les pauvres qui vivent en périphérie des zones urbaines, ce sont le plus souvent les femmes qui subviennent aux besoins de leur famille, notamment en termes de nourriture. Aussi, les semences ne relèvent pas seulement de l’agriculture : elles sont un facteur de relations sociales fondées sur le soin et la solidarité, nécessaires à une action progressive à plus grande échelle. L’UPOV constitue donc une attaque directe au soin, à la solidarité, à la communauté et à notre capacité à travailler ensemble, de manière solidaire, en faveur d’un avenir meilleur.
En tant qu’organe intergouvernemental, l’UPOV a pour seul objectif d’obliger les pays à appliquer des lois qui privatisent les semences dans le monde entier, permettant ainsi aux multinationales de poursuivre des agriculteur·ices qui utilisent actuellement leurs propres semences en toute dignité, et gratuitement. En vertu de ces lois, les entreprises obtiennent le droit d’extorquer des redevances importantes des personnes et communautés qui cultivent ou conservent des semences visées par des droits de propriété intellectuelle – souvent à un taux de 10 à 12 %. Les gouvernements, notamment ceux des pays en développement, sont souvent fortement incités à intégrer les règles de l’UPOV à leur législation, soit par le biais d’accords commerciaux, soit via des pressions exercées directement par les lobbies de l’industrie semencière. Lorsqu’un pays devient membre de l’UPOV, il doit se conformer à ses règles strictes qui sont régulièrement révisées pour protéger encore davantage les intérêts de l’industrie des semences et lutter contre les politiques et règlementations qui protègent et garantissent les droits et les intérêts des communautés agricoles et paysannes, par exemple en luttant contre les vides juridiques et en faisant de la conservation et de l’échange des semences un crime.
Étant donné que l’échange des semences est à la base de la gestion communautaire des semences à l’heure actuelle – et depuis des milliers d’années – adhérer à l’UPOV sera catastrophique car cela conduit à la criminalisation des agriculteur·ices et des paysan·nes pour avoir simplement effectué leurs pratiques quotidiennes : conserver, sélectionner et échanger ou distribuer des semences. Elle favorise également la concentration de l’industrie semencière. Dans de nombreux pays, les gens appellent les lois sur les semences des « lois Monsanto » parce qu’elles aident les entreprises comme Monsanto (aujourd’hui Bayer) ou Syngenta à faire fusionner leurs intérêts dans les produits chimiques, la technologie agricole, les OGM et les semences. Il y a quelques pays, comme le Venezuela, dont les lois défendent les semences paysannes, la liberté de les conserver et de les échanger, ainsi que la vie paysanne. Mais à l’heure actuelle, même le sommet sur les systèmes alimentaires, organisé sous la houlette de la FAO et d’entités privées, donne à l’UPOV un rôle central pour fournir aux agriculteurs de « meilleures semences ».
Au lieu d’adopter des lois sur les semences qui soient basées sur les règles UPOV, les gouvernements devraient mettre en place différentes mesures juridiquement contraignantes afin de reconnaître et soutenir les systèmes de semences et les droits des paysan·nes. Ces mesures devraient garantir le droit des paysan·nes à conserver, échanger et vendre des semences sans qu’aucun impératif commercial ne puisse être imposé par les multinationales. Pour surmonter les crises sociales et écologiques auxquelles nous sommes confronté·es, les droits des paysan·nes doivent être non seulement défendus, mais aussi renforcés et élargis comme étant à la base de nos systèmes alimentaires. Les lois basées sur l’UPOV n’ont pas cette vocation : elles ne visent qu’à favoriser les intérêts d’une poignée d’individus et à réduire la diversité. Or la diversité est l’essence même de la vie. Elle est essentielle à la construction de notre avenir commun, un avenir écologique et juste.
La souveraineté en matière de semences est une condition sine qua none et un élément clé dans le respect des droits des petits agriculteur·ices et paysan·nes. Des protections doivent être mises en place face aux brevets, aux lois de protection des semences et obtentions végétales, aux informations de séquençage numérique et à tout ce qui contribue à affaiblir les droits des agriculteurs. Dans un monde déjà divisé, l’UPOV tente de diviser un peu plus la vie, les semences, les communautés et les écologies.
La liberté, le droit et la capacité des communautés à conserver, utiliser et échanger leurs semences sont les piliers centraux de la souveraineté alimentaire des peuples. Notre démarche doit être globale, car la nature est un tout. De même, la construction d’un avenir juste et harmonieux est un tout. C’est pourquoi nous devons les défendre. Après des décennies de campagne dans différentes régions du monde, nous voudrions proposer une semaine mondiale d’action contre l’UPOV qui débutera le 2 décembre 2021, date à laquelle l’UPOV aura 60 ans, et inclura le 3 décembre, journée mondiale d’action contre les pesticides. L’objectif serait d’attirer l’attention sur le rôle que joue l’UPOV dans la privatisation des semences et la mise en péril de la souveraineté alimentaire, et d’appeler à son démantèlement. Elle permettrait aux groupes d’intensifier leur résistance aux lois nationales ou régionales sur les semences, de mettre en évidence des exemples de législations pro-paysannes sur les semences, quelle que soit la forme qu’elles prennent, et de mettre en évidence le rôle des accords de libre-échange dans la promotion des lois sur les semences partout sur la planète. Cela pourrait être une semaine d’éducation et de mobilisation, permettant aux paysans, aux agriculteurs et aux alliés de se réunir pour mettre fin à l’UPOV et à la privatisation des semences.
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Comment s’impliquer ?
>> Informez-vous, participez ou organisez des formations, des discussions et des débats sur l’UPOV et les lois sur les semences dans vos communautés/pays. Ressources à consulter: UPOV: Hold-up sur les semences; Comment l’UPOV trompe les pays en développement; dessin animé UPOV
>> Rejoignez les luttes contre l’UPOV ou les lois similaires qui se déroulent actuellement au niveau national (par exemple au Nigeria, au Ghana, au Japon, en Thaïlande). Contactez les groupes dans votre pays/région et unissez vos forces.
>> Soutenez les mouvements contre les accords de libre-échange qui soutiennent les lois UPOV et autres qui criminalisent les semences paysannes ; exigez des législations sur les semences qui soient pro-paysannes.
>> Participez à la semaine mondiale d’action en décembre 2021 qui comprendra la journée mondiale d’action contre l’UPOV le 2 décembre et la journée mondiale d’action contre les produits agrochimiques le 3 décembre.
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