Agroécologie : une lutte pour défendre la vie
C’est une erreur de penser que l’agroécologie n’est qu’un ensemble de techniques utilisées dans la production agricole. Selon Rilma Román, de l’ANAP (Association nationale de petits agriculteurs de Cuba), la production agroécologique est un mode de vie et aussi «un mode de lutte et de résistance au capitalisme» ajoute-t-elle.
Le Séminaire continental sur les processus de formation en agroécologie de La Vía Campesina (LVC), tenu à l’école nationale Florestan Fernandes (ENFF) du MST, à Guararema (SP, Brésil), a commencé le jeudi 28 octobre avec une discussion sur ce thème.
Les activités du séminaire ont permis de systématiser le cumul théorique et pratique en agroécologie des mouvements et des organisations. Dans ce sens, un panel auquel prenaient part Rilma et Peter Rosset, un spécialiste militant du Secrétariat opérationnel international de LVC, a tracé l’évolution de ces discussions dans les divers espaces d’articulation, de formation et de lutte sans perdre de vue les expériences qui cristallisent ce processus, par exemple les instituts latino-américains d’agroécologie (IALA) disséminés sur le continent.
Au début de son intervention, Peter a souligné que le modèle de l’agroécologie s’oppose à la logique de production de l’agrobusiness, ce dernier étant considéré comme un « modèle de la mort », car il détruit la nature, envahit les territoires et exploite les travailleuses et travailleurs. De son côté, l’agroécologie est basée sur la défense de la vie à la campagne, la transformation collective et le respect du modèle d’être et de vivre, alors qu’il vise à lutter pour la terre et la souveraineté alimentaire.
Dans ce contexte, Peter a décrit les diverses initiatives de La Vía Campesina depuis 2003 qui visent à encourager les pratiques agroécologiques. Par exemple, la campagne des semences, la construction d’un collectif d’agroécologie, les rencontres, les cours et les congrès, lesquels tracent de manière auto organisée une ligne politique formulée à partir de la perspective des peuples autochtones, des paysannes et paysans et des travailleurs et travailleuses de la ville.
«Nous préparons maintenant un “potager” composé de divers ingrédients savoureux et construisons un processus de dialogue important pour faire avancer la lutte» explique Peter, en indiquant que les travaux et les études ont commencé avec 45 processus agroécologiques. Aujourd’hui, on compte plus de 300 expériences vécues. «De là l’importance de la scolarisation et de la formation politique. De paysan à paysan, une de nos tâches consiste à optimiser ces expériences et à garantir la réalisation d’échanges» ajoute-t-il.
Dans cette perspective, Rilma considère que chaque processus construit au sein de LVC est fort et nécessaire. «Nous avons une grande responsabilité sur le continent américain, et nous devons penser à mettre en lien tous les processus de formation tant formels qu’informels.»
Le débat a aussi souligné l’importance de la participation des femmes et des jeunes aux processus productifs dans le renforcement des éléments politiques qui composent le bagage collectif de LVC en ce qui concerne l’agriculture paysanne, la souveraineté alimentaire, la construction d’un réseau de formatrices et formateurs, les échanges, l’élaboration de matériel d’étude, l’accès à des politiques publiques et, surtout, les actions dirigées et la formation de l’opinion publique.
L’agroécologie dans la pratique
Dans la pratique, les IALA constituent des expériences qui réunissent les éléments politiques débattus sur l’agroécologie et ont formé des paysannes et paysans à l’aide d’une méthode pédagogique populaire, collective et horizontale.
Ayala Ferreira, membre de la direction nationale du MST (Mouvement des sans terre), a contextualisé le moment historique dans lequel l’Amérique latine a construit les espaces de formation. Il a expliqué que les écoles d’agroécologie ont vu le jour dans une période de montée des luttes populaires contre l’hégémonie néolibérale qui dominait le continent. C’est-à-dire une période de composition de gouvernements « populaires ». «Dans cette même période, le renforcement de l’agrobusiness a révélé le rôle politique émergent que joueraient les écoles.»
« Nous avons construit nos écoles de nos propres mains. Elles sont le produit de nos efforts qui composent LVC.» Il ajoute : «nous percevons que l’accès à la technologie dans ce champ de bataille est difficile et que la formation de l’agroécologie l’est encore plus. C’est pourquoi nous réfléchissons à la perspective de formation que nous voulons mettre en œuvre.»
De plus, en dialoguant sur les difficultés, Ayala affirme que deux idées-forces animent les processus. La première est le désir et la volonté militante de construire le débat, et l’autre, le défi de massifier le mouvement agroécologique en vue d’une véritable transformation des territoires.
«Nous avons perçu que nos constructions se concrétisent dans diverses expériences, à partir de fondements communs comme le processus historique, les défis de la paysannerie et la formation de sujets» analyse-t-il.
Aujourd’hui, rien qu’en Amérique du Sud, sept écoles agroécologiques dans différents pays relèvent en permanence le défi de la formation technique et politique, en plus des diverses communautés et espaces construits sur le continent qui couvrent ces discussions jour après jour dans les territoires.
Du Brésil au Venezuela, en passant par l’Amérique centrale et les Caraïbes, nous trouvons partout des éléments de rapprochement entre ces expériences de formation en agroécologie, à partir d’applications pratiques locales qui s’insèrent dans l’intégration latino-américaine en tant que principe révolutionnaire.
Par Wesley Lima
Publié sur le site Web du MST